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Photo de publicité des années 1930
[modifier le code]Bonjour,
Je viens de faire l'acquisition d'une stock de revues des années 1930. Ces revues contiennent nombre de publicités d'époque. Elles portent sur des marques disparues ou toujours existantes. Puis-je les prendre en photos, les uploader sur commons, et les utiliser sur les pages des marques en question? Merci d'avance, --v4nco (discuter) 5 novembre 2021 à 22:22 (CET)
- Bonjour @V4nco En règle générale, oui, sauf cas rarissime où une publicité est signée, ou quand l'auteur est un artiste identifié (auquel cas on retombe dans le « décès + 70 ans »).
- Une publicité relève généralement du régime de l’œuvre collective : « Est dite collective l’œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé » (Article L113-2 CPI). Dans ce cas, « Pour les œuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, la durée du droit exclusif est de soixante-dix années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l’œuvre a été publiée. La date de publication est déterminée par tout mode de preuve de droit commun, et notamment par le dépôt légal » (Article L123-3 CPI).
- Donc, des publicités émises « dans les années 30 » sont libres depuis ~ dix ans en France (sous réserve, une fois encore, qu'elles relèvent bien de ce régime). Le régime légal est à peu près uniforme en Europe, et sauf aux USA, en pratique dans le monde, les seules variantes importantes étant les durées de protection.
- Pour Commons ce sera {{PD-France}}, et {{PD-US-no notice advertisement}} s'ils chipotent.
- Bonnes réflexions, Michelet-密是力 (discuter) 8 novembre 2021 à 08:09 (CET)
Question sur WP:O
[modifier le code]Bonjour,
J'ai une question relative au droit d'auteur. Y a-t-il un article du code de la propriété intellectuelle qui interdit aux ayant-droits d'un auteur mort de publier, sous le nom de cet auteur, un livre qui n'a pas été écrit par cet auteur ?
Par exemple : les enfants de Michel Déon ont-ils le droit d'écrire un livre et de le faire publier au nom de Michel Déon ?
Merci de votre aide. -- Cuagga (Par ici !) 9 novembre 2021 à 09:04 (CET)
- Bonjour Cuagga et Glützenbaum :
- La question est en tout cas curieuse. Il ne s'agit pas vraiment de droit d'auteur, dans ce cas, puisque le texte ne serait pas de Michel Déon. Mais après tout, s'il peut publier sous son nom le texte d'un « nègre » de son vivant, on peut imaginer que l'auteur mort peut publier de manière posthume le texte d'un autre, pourquoi pas. De fait, « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée » (Article L113-1 CPI). Dans ce cas, que nous dit la loi?
- Article L121-2 CPI : « Après sa mort, le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l'auteur [...] » donc ce n'est pas directement aux « ayant droit » du droit d'auteur qu'appartient la décision, mais à l'exécuteur testamentaire. Il peut y avoir un petit empêchement à ce stade, mais à terme, les deux droits finissent probablement par reposer sur les mêmes personnes.
- Article L121-1 « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre » : c'est probablement la clause la plus contraignante. Clairement, faire passer Michel Déon pour l'auteur d'un livre qu'il n’aurait pas écrit paraît a priori difficilement conciliable avec le respect dû à l'auteur et à son œuvre. Pour que ça puisse être respectueux de l'auteur et de l’œuvre, il faudrait en gros que le nouveau texte soit effectivement la prolongation de l’œuvre, qu'il n'y ait pas de solution de continuité, donc typiquement écrit par les mêmes "nègres" et revu par le même processus éditorial auquel l'auteur de son vivant n'apportait rien d'autre que sa signature en fin de processus. C'est-à-dire, en clair, reconnaître que l'auteur ayant toujours été bidon, on peut continuer à faire du bidon après sa mort. Mais c'est par ailleurs difficilement conciliable avec le respect dû à sa qualité d'auteur.
- Bref, il ne paraît pas possible aux ayant-droits d'un auteur mort de publier légitimement sous son nom un livre qu'il n'aurait pas écrit, ce serait un manque de respect à la fois de l'auteur (du nom de l'auteur, et de la qualité d'« auteur » de cette personne) et de son œuvre. Ceci étant, comme ce sont les ayant-droits qui sont chargés de défendre la qualité de l'auteur et de son œuvre, on se doute que s'ils envisagent un tel montage abusif, ce n'est pas ensuite pour le faire condamner en justice. Peuvent-ils pour autant le faire en pratique?
- Dans ce cas, ils se feront rattraper par l'Article L121-3 CPI, qui précise que « En cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L. 121-2, le tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure appropriée » et ajoute que « Le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la culture ».
- L'abus manifeste est condamnable, et sera condamné - du moins si la France peut encore passer pour un état de droit, ce qui est de plus en plus douteux au vu des actualités légales et judiciaires.
- Après, ça n'empêche pas de faire vivre une œuvre par prolongation, voir le cas des Astérix qui continuent la série. Mais ça ne peut se faire qu'avec l'accord de l'auteur primitif, et sans prétendre que l’œuvre est effectivement de lui, ce qui est très différent. Et inversement, Hergé ayant interdit de prolonger les Tintin il n'est pas possible de le faire dans son cas.
- En espérant avoir répondu à la question, bonnes réflexions, Michelet-密是力 (discuter) 9 novembre 2021 à 11:25 (CET)
- Bonjour Micheletb, la fin de ta réponse (Astérix, Tintin, etc.) m'inspire une question connexe : si un auteur mort ne s'est pas exprimé sur le sujet, puis-je « reprendre » son personnage et publier sous mon propre nom de nouvelles aventures ? (ma question ne porte évidemment pas sur mes capacités littéraires ) Puis-je écrire par exemple, Le Bruit de la voiture bleue avec Rouletabille dans le rôle principal ? Dit autrement, le droit d'auteur couvre-t-il un personnage, au delà du texte lui-même ?
- Cordialement — JohnNewton8 (SysOp) [Viens !] 9 novembre 2021 à 16:33 (CET)
- Bonsoir @JohnNewton8 la question est délicate. Une reprise est possible, mais il y aura quelques précautions à prendre.
- Le droit d'auteur ne protège qu'une forme achevée, donc un personnage (son nom, son caractère, son historique) n'est pas protégé en soi et par le droit d'auteur. Théoriquement, donc, je peux parfaitement reprendre le personnage de Lucky Luke et lui inventer une nouvelle BD. Sauf que le juge pourra juger que c'est en réalité une « œuvre composite », « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière », généralement connue sous le terme (moins précis) de « œuvre dérivée ». La terminologie est importante : clairement reprendre un personnage est quelque part une « dérivation », mais ce n'est pas nécessairement une « composition » au sens légal du terme ; il faut pour cela que tout ou partie de l’œuvre préexistante soit incorporée, pas juste une simple inspiration.
- Mais la limite n'est pas franche et se juge au cas par cas. Un Lucky Luke traité en dessin réaliste sera probablement accepté comme une simple inspiration / évocation ; traité en ligne claire à l'identique de l'original il sera probablement jugé que le modèle est directement incorporé, sans adaptation, et qu'il s'agit de ce fait d'un plagiat. Et ça se juge aussi suivant le genre considéré : un film mettant en scène Lucky Luke devra de toute évidence obtenir une autorisation, idem pour une figurine représentant le personnage statuifié ; mais du « street art » sous forme de fresque sur un mur ce sera moins évident...
- En terme de droits d'auteur, il eut aussi être jugé que le fait de reprendre un personnage porte atteinte à la mémoire de l'auteur ou à l'intégrité de son œuvre. Margaret Mitchell ne voulait pas de suite à son roman, Scarlett (roman) a néanmoins fait l'objet d'un accord avec ses héritiers. Mais il s'agit bien d'un accord avec les ayant-droit ; le roman n'aurait clairement pas pu être publié sans ça.
- D'autre part, en termes commerciaux, il pourra être jugé (indépendamment de toute question de droit d'auteur) qu'il s'agit d'une pratique de concurrence déloyale, de parasitisme, le fait de se placer sur un créneau pour profiter indument de l'effort commercial d'autrui.
- En outre, pour mémoire, un personnage peut être protégé au titre du droit des marques : c'est ce que Disney a trouvé comme astuce juridique pour prolonger ses droits sur les films au-delà de ce que permet le droit d'auteur. Si on reprend les personnages, on est en contrefaçon du droit des marques sur les produits dérivés...
- À noter, inversement, le droit de faire « parodie, pastiche ou caricature », qui permettent de faire ce qui serait techniquement des œuvres composites, mais le « second degré » est juridiquement suffisant pour couper tout lien avec le droit d'auteur initial.
- Bref, ce sont des situations complexes et mal tranchées. Soit on se met d'accord avec les ayant-droit et on se couvre sur le plan juridique, soit on s'en dispense et il faudra apprécier « jusqu'où ne pas aller trop loin » pour ne pas subir un retour de bâton légal (déjà, reconnaître sa dette spirituelle vis-à-vis de l'auteur peut être un plus favorable). Si tu veux écrire « Le Bruit de la voiture bleue avec Rouletabille » sans l'aval des ayant-droit, la question à se poser est « en quoi cette production se démarque-t-elle suffisamment de l’œuvre de Gaston Leroux » et de préparer soigneusement la réponse et l'argumentaire correspondant : « c'est complètement différent, parce que [...] ». Si le juge juge que c'est suffisant c'est OK, sinon non...
- Bonnes réflexions, Michelet-密是力 (discuter) 9 novembre 2021 à 17:20 (CET)
- Merci, très clair comme d'habitude... Je vais plutôt tenter Pantagruel devient vegan, j'aurais plus de marge avec les ayant-droits ! — JohnNewton8 (SysOp) [Viens !] 9 novembre 2021 à 19:22 (CET)
- merci beaucoup Micheletb : pour ces éclaircissements très intéressants. Ce cas de figure est effectivement plus rare que le plagiat, mais on en trouve des exemples çà et là dans l'histoire littéraire : voir par exemple L'Agence Thompson and Co. Cordialement.--Glützenbaum (discuter) 10 novembre 2021 à 23:17 (CET)