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Tête plate

Le motif de têtes plates est un type de décor roman qui orne les baies des églises du XIIe siècle en France, en Angleterre et en Irlande et du début du XIIIe siècle en Espagne. Il est constitué d'une série de têtes d'oiseaux, d'êtres humains ou d'animaux fantastiques. Ces sculptures décorent l'embrasure des portes, l'arc triomphal, plus rarement les fenêtres, des églises romanes. Ce motif est répandu dans les Îles Britanniques sous le nom de beak-heads.

Description[modifier | modifier le code]

La tête plate est un motif répétitif sculpté en un relief plus ou moins prononcé dans la voussure d'une baie. Elle se présente sous une forme de masque stylisé, plus ou moins triangulaire[1], souvent grotesque[2]. Les têtes humaines portent des cornes, parfois une couronne, tirent la langue. Chaque figure occupe l'espace trapézoïdal d'un voussoir sans en déborder[3]. La succession de renflements sur le bord inférieur de chaque voussoir forme un tore qui longe le bord interne du rouleau[4].

Les têtes d'oiseaux mordent le tore de leur gros bec. Les têtes de chien, de loup, de chevaux ou de monstres montrent parfois les dents. Les têtes humaines peuvent couvrir le tore de leur barbe ou de leur langue[1], être couronnées ou porter des cornes. Le même motif se répète parfois à l'identique comme à Saint-Germain de Littry ou Cuvergnon[1]. Mais les inspirations sont souvent très diverses sur un même rouleau, pouvant aussi alterner avec des motifs végétaux, des palmettes ou autres[4].

Les têtes plates ornent l'archivolte des portes sur un des rouleaux, parfois deux. Il arrive beaucoup plus rarement qu'elles décorent aussi les pied-droits d'un portail comme à la cathédrale de Lincoln ou l'église de Kedleston. Elles sont également sculptées sur l'arc triomphal de quelques églises Adel, Leeds [5]. On les repère aussi dans les voussures de fenêtres[2].

Tête plate ou Beakhead[modifier | modifier le code]

Le mot anglais : "beakhead"[N 1] qui signifie tête à bec, dénomination inventée par Sir Alfred Clapman[6], s'applique bien au motif de tête d'oiseau ou d'animal fantastique affublé d'un bec, très abondant dans les Îles Britanniques. Il ne convient pas à la représentation de têtes humaines, présente aussi en Angleterre et en Irlande[5].

Le terme "tête plate" s'applique à tous les genres de sujets bien que le relief des motifs puisse être très accentué jusqu'à se détacher plus nettement des voussoirs : les chevaux en haut-relief de l'église de Saint-fortunat-sur-Gironde semblent serrer un mors entre leurs machoires[5].

Origine et diffusion[modifier | modifier le code]

L'origine de ces masques grotesques reste incertaine. Certains pensent qu'ils sont inspirés de l'imaginaire scandinave[3]. D'autres affirment qu'ils existaient dans les enluminures anglo-saxonnes, mérovingiennes ou carolingiennes. D'autres encore pensent qu'ils ne sont qu'une variation imaginative des bâtons brisés de la décoration géométrique[7],[8]

Les têtes plates apparaissent d'abord en France, plus précisément en Anjou, terre des Plantagenets. La mode de sculpter un motif dans chaque voussoir de l'archivolte d'une baie parvient en Angleterre où les sculpteurs reproduisent des masques d'oiseaux et de monstres à bec[9] et en Irlande où les motifs sont un peu différents[7]. Par un jeu d'aller-retour ces masques fantastiques inspirent ensuite des sculpteurs normands[10],[6].

Ce n'est qu'au début du XIIIe siècle que les têtes plates font leur apparition dans le nord de l'Espagne. Les courants artistiques ont pu être véhiculés par les échanges maritimes puisque c'est la zone côtière du nord du pays qui est concerné[11] ou par les pélerins des chemins de Saint-Jacques de Compostelle.

Localisation[modifier | modifier le code]

En France[N 2][modifier | modifier le code]

Les têtes plates ornent une soixantaine d'églises romanes en France. La Normandie en est particulièrement riche[1],[3]. On les trouve aussi en Poitou, en Saintonge[12], et dans le Val de Loire[5]. En Normandie elles sont associées à des motifs géométriques, particulièrement des bâtons brisés ou des dents de scie. Au sud de la Loire elles sont parfois accompagnées de motifs végétaux, de rinceaux, de palmettes perlées et des motifs récurrents des décors poitevins et saintongeais[13] .

Dans les Iles Britanniques[modifier | modifier le code]

C'est en Angleterre où elles apparaissent vers 1130[6] qu'elles sont les plus nombreuses, environ 150[14]. Elles sont concentrées dans le Yorkshire, l'Oxfordshire, le Berkshire, le Gloucestershire et le Buckinghamshire. On les trouve majoritairement dans les églises de campagne[7],[N 3]. Dans la région d'Oxford les portes de plusieurs églises sont sculptées sur tout leur pourtour sur un mode continu, et parfois sur deux rouleaux, comme à Iffley[6]. Pour la plupart, les têtes représentées ont un bec simplement posé sur le tore contrairement à d'autres, en plus petit nombre, qui saisissent le tore entre les deux parties du bec. Les lignes formées par les successions de beakheads triangulaires rappellent celles des chevrons avec lesquels elles voisinent très souvent[15],[16].


Les têtes plates se sont répandues également, mais en bien plus petit nombre, dans le reste de l'Angleterre et en Irlande. Quelques examples existent aussi dans le nord de l'Espagne.[17].

En Espagne[modifier | modifier le code]

En Espagne les têtes plates décorent des églises du début du XIIIe siècle. Elles sont concentrées sur la zone côtière du nord, principalement en Asturies. Contrairement à leurs homologues françaises, britanniques et Irlandaises elles ne représentent que des têtes d'oiseaux triangulaires ou aux formes plus arrondies mais affublés d'un bec très fin. Elles occupent les archivoltes des portes principales ou latérales des églises[18],[19]. Les auteurs Espagnols utilisent le terme de "cabezas rostradas"[20].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. orthographié également beak-head
  2. Jusqu'à cette année 2024, le sujet n'a pas été vraiment documenté en France contrairement aux Iles Britanniques et à l'Espagne.
  3. Le portail ouest de la cathédrale de Lincoln est décoré d'une rangée de beakheads tout le long de l'arc plein cintre et des piedroits

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d eugène Lefèvre-Pontalis, « Les influences normandes au XIè et au XIIè siècle dans le nord de la France », Bulletin monumental,‎ , p. 26 (lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b Arcisse de Caumont, Histoire de l'architecture religieuse au moyen-âge., vol. 1, Derache, , 475 p. (lire en ligne), p. 125-126.
  3. a b et c Victor Ruprich-Robert, L'architecture normande aux XIe et XIIe siècles en Normandie et en Angleterre, t. 1, 1884-85 (lire en ligne), p. 122 et 193-194.
  4. a et b Auguste Létienne, « Les portails romans de la Basse Normandie », Revue Archéologique,‎ , p. 148-149 (lire en ligne, consulté le ).
  5. a b c et d René Crozet, « Compte rendu de l'article Romanesque Arches Decorated with Human and Animal Heads de Françoise Henry et George Zarnecki. », Cahiers de civilisation médiévale,‎ , p. 359-360 (lire en ligne, consulté le ).
  6. a b c et d (en) Janet Newson, « Beakhead Decoration on Romanesque Arches in the Upper Thames Valley », sur Oxfordshire Architectural and Historical Society, Oxonensia, volume 78, (consulté le ), p. 84.
  7. a b et c (en) Roger Stalley, from the book Architecture and Interpretation : Diffusion, Imitation and Evolution: The Uncertain Origins of ‘Beakhead’ Ornament, Boydell and Brewer, , p. 111à 127.
  8. (en) Pascal Soufflet, « Continental Influences on English Romanesque Sculpture », Oxford Art Journal, vol. 4, no 2,‎ , p. 7 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Deborah Kahn, « La sculpture romane en Angleterre », Bulletin monumental, vol. 146, no 4,‎ , p. 322-323 (lire en ligne, consulté le ).
  10. Maylis Baylé, « Compte rendu de "English Romanesque Architecture after the Conquest"de G. Zarnecki, », Bulletin monumental, vol. 139, no 1,‎ , p. 37-40.
  11. Etelvina 1979, p. 341.
  12. Myrielle Boss-Favre/compte rendu de Maylis Baylé, « La sculpture figurée des arcs romans de France.Zurich, Editions du Grand Midi, 2000 », Cahiers de civilisation médiévale,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. Arcisse de Caumont, Abécédaire ou rudiment d'archéologie, : architecture religieuse, Caen, Hardel, , 692 p. (lire en ligne), p. 100,.
  14. (en) Françoise Henry et George Zanecki, « Romanesque Arches Decorated with Human and Animal Heads », Journal of the British Archaeological Association, vol. 20, no 1,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. Baxter 2004, p. 3.
  16. (en) Rita Wood, « The Romanesque sculpture at Adel Church, West Riding. », Yorkshire Archaeological Journal, vol. 85,‎ , p. 97-130, paragraphe 2.
  17. Baxter 2004, p. 1.
  18. Etelvina 1979, p. 356-357.
  19. (es) Rebeca Meana Rodríguez, « La tipología de las cabezas rostradas en Asturias: una rareza al norte de la Cordillera Cantábrica », Románico, Revista de arte de amigos del románico, no 33,‎ , p. 33-47 (lire en ligne, consulté le ).
  20. (es) María Muñoz de Miguel, Las cabezas de pico románicas de Asturias e Inglaterra : in Las artes en los caminos de Santiago / coord. por Carlos Cid Priego, Universidad de Oviedo, (ISBN 84-7468-779-9, lire en ligne), p. 130.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Françoise Henry et G. Zarnecki, « Romanesque Arches Decorated with Human and Animal Heads », Journal of the British Archaeological Association, vol. 20, no 3rd series,‎ .
  • (en) Ron Baxter, « Beakhead Ornament and the Corpus of Romanesque Sculpture », sur Researchgate, (consulté le ).
  • (es) Etelvina Fernández Gonzáles, « Las"cabezas rostradas".Un tema ornamental en el romanico de Villaviciosa. », Asturiensia Medievalia, no 3,‎ , p. 341-364.