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Zenith est une manufacture d'horlogerie suisse fondée en 1865 par Georges Favre-Jacot.

La marque qui commercialise des montres fait partie du groupe de luxe LVMH depuis 1999.

Développement architectural de la manufacture[modifier | modifier le code]

Le développement architectural du site des Billodes au Locle illustre de manière spectaculaire le passage précoce du comptoir à la manufacture, préfigurant la profonde mutation que traversera le monde horloger neuchâtelois au tournant des XIXe et XXe siècles.

Un esprit pionnier[modifier | modifier le code]

Les débuts du petit comptoir horloger que Georges Favre-Jacot crée dans une ferme des environs du Locle en 1865 sont mal connus, au contraire de son installation, en 1872, dans l’ancienne maison d’un médecin à la rue des Billodes 38, qui est bien documentée[1],[2]. L’horloger s’empresse en effet de transformer et d’agrandir le bâtiment, des travaux qui lui permettent de disposer d’un logement, de bureaux et d’ateliers sous un même toit dès 1875. Rien ne distingue cette construction de l’architecture domestique jurassienne contemporaine et des autres comptoirs horlogers[3].

S’inspirant des méthodes de production industrielle pratiquées aux États-Unis, Georges Favre-Jacot abandonne rapidement le système artisanal de l’établissage pour une fabrication standardisée et mécanisée de ses produits. Il est l’un des premiers patrons horlogers qui cherchent à concentrer toutes les étapes de la production d’une montre en une seule manufacture[1]. Entrepreneur dynamique, il s’occupera non seulement de la production, mais également de la conception des machines-outils, de la commercialisation des produits finis et de l’édification du parc immobilier. Il lui faudra toutefois une trentaine d’année pour atteindre son but[3].

En 1877, Georges Favre-Jacot convertit les anciennes dépendances de sa maison en ateliers et fait édifier un nouveau bâtiment qui peut être considéré comme la plus ancienne « fabrique » horlogère locloise, au sens moderne du terme (rue des Billodes 36)[3]. A l’image de cette première réalisation, les locaux et les bâtiments vont désormais tendre vers une spécialisation toujours plus grande de leurs fonctions et disposer sans attendre des nouveautés techniques du moment: le gaz en 1879, le téléphone en 1884. La première machine à vapeur n’est par contre installée qu’en 1882[1].

De 1881 à 1890, les nouvelles constructions se succèdent rapidement : un grand bâtiment abritant les bureaux et des ateliers en 1882 (rue des Billodes 34), une fabrique de boîtes en 1883 (rue des Billodes 32) et une halle aux machines en 1886 (rue des Billodes 30). Les bâtiments existants sont régulièrement adaptés aux besoins du moment: surélévation de la halle des Billodes 30 en 1890 et prolongation et nouvelle façade de la fabrique des Billodes 36 en 1891. Ce front de rue à l’architecture soignée dissimule par ailleurs une multitude d’annexes de plus ou moins d’importance[4].

Un essor sans précédent[modifier | modifier le code]

En 1896, l’entreprise abandonne son statut familial au profit de celui de société en commandite par actions. L’augmentation du capital coïncide avec la mise au point du « calibre Zénith », un modèle commercialisé avec succès à partir des années 1897-1898. Cet apport de fonds permet à Georges Favre-Jacot de poursuivre le développement et l’équipement de l’entreprise. La même année, il adopte l’électricité comme force motrice et comme moyen d’éclairage, avant de se lancer dans un phase d’extension spectaculaire[1]. De 1903 à 1906, cinq nouvelles constructions industrielles se déploient sur la pente des Billodes (rue des Billodes 30a et 30b, 32a, 36a et 36b), la fabrique de mécanique et d’ébauches se détachant du lot par son implantation au sommet du site et par ses dimensions impressionnantes (70 m de longueur et 4 étages)[5]. Le changement d’échelle s’accompagne d’un large usage de briques de ciment produites par une briqueterie ouverte au Col-des-Roche par Georges Favre-Jacot[2]. Durant ces trois décennies d’activité constructive, l’horloger fait appel à plusieurs architectes (Léo Châtelain, Joseph Mayer, Henri Favre, Alfred Rychner) et bureaux d’architecture (Werner Oesch et Constant Rossier, puis Jean et Eugène Crivelli)[4].

L’élan bâtisseur de Georges Favre-Jacot ne s’arrête pas à ses usines, mais touche des domaines variés : logement, hôtel, établissement rural, etc.[6]. De 1903 à 1908, l’industriel fait bâtir au lieu-dit La Molière un ensemble de logements familiaux. A mi-chemin entre la cité ouvrière et la colonie agricole, le hameau comprend neuf maisonnettes contiguës, une ferme et une villa, abritant une boulangerie[7],[3].

Comptant une vingtaine de bâtiments au début du XXe siècle, la manufacture Zénith atteint ainsi l’essentiel de son emprise architecturale au sol et en élévation. Son parc d’immeubles et de machines-outils contraste avec la plupart des établissements horlogers concurrents qui entament à peine leur mutation industrielle[8]. Fort éloignées d’un atelier familial, la fabrique des Billodes se présente en effet sous la forme d’un vaste réseau d’ateliers spécialisés organisés autour d’un bâtiment central (rue des Billodes 34), remanié à plusieurs reprises, avant d'être exclusivement dévolu à l’administration. A proximité immédiate, Georges Favre-Jacot réside dans l’ancien comptoir converti en une villa patronale cossue en 1910-1911[4].

Après avoir changé de raison sociale en 1910 (Fabrique des montres Zénith, Georges Favre-Jacot & Cie), la manufacture devient une société anonyme sous le nom de Fabrique de montres Zénith S.A. en 1911. Ce changement de statut permet d’évincer le fondateur jugé incontrôlable par les organes directeurs de l’entreprise[5]. Cela ne brise toutefois pas l’activité constructive du jeune retraité, puisqu’il confie la réalisation de sa nouvelle résidence privée à un jeune architecte chaux-de-fonnier, Charles-Edouard Jeanneret, futur Le Corbusier. De 1912 à 1918, Georges Favre-Jacot finit ses jours confortablement installé dans une villa surplombant son ancien empire industriel[9].

Après le départ du fondateur de l’entreprise et au sortir de la Première Guerre mondiale, l’époque des grandes constructions est révolue, même si le site connaît de très nombreuses rénovations, modernisations ou adaptations durant l’ensemble du XXe siècle[10]. L’architecture de ces transformations demeure discrète, à l’exception de l’agrandissement des bureaux réalisé en 1966 par l’architecte Pierre Dubois. Les façades de verre et métal confèrent au siège social de Zénith une image de modernité caractéristique des Trente Glorieuses. D’importants travaux de restauration sont menés depuis le début du XXIe siècle.

Principales caractéristiques architecturales[modifier | modifier le code]

Le siège social après sa transformation de 1966.

« A l’instar d’autres domaines industriels, la rapide évolution des produits horlogers et de leur fabrication durant la seconde moitié du XIXe siècle demande une architecture extrêmement fonctionnelle, exempte de contraintes, susceptible d'être adaptée à tout moment, rapide à réaliser et peu coûteuse. Les dimensions des surfaces utiles, des volumes libres de structures porteuses et des fenêtrages s’agrandissent au fur et à mesure des progrès des modes de construction."[3] » En l’absence de modèle d’usines adaptées à l’horlogerie, l’architecture des premières fabriques horlogères doit trouver une solution pour concilier les besoins traditionnels de l’horlogerie (abondance de lumière permise par des volumes hauts et peu profonds, ainsi que par d’importantes surfaces de fenêtres), avec une mécanisation croissante de la production (installation d’un outillage et de machines-outils toujours plus lourds et distribution efficace de la force motrice). Aux Billodes, les architectes vont combiner la maçonnerie traditionnelle, avec les techniques du «règle-mur» (colombage) et de sa variante métallique, la structure en treillis. Dans un premier temps, l’ossature est toutefois cachée par des façades en maçonnerie de moellons (crépis et peints) ou en pierre de taille, une mise en œuvre qui confère aux bâtiments une respectabilité, une monumentalité et des qualités plastiques indispensables pour faire accepter du public le principe de la fabrique. Ils empruntent un langage architectural et des détails décoratifs à l’architecture domestique, scolaire ou ferroviaire, l’horloge et le clocheton notamment[5].

Les fabriques réalisées au début du XXe siècle frappent davantage les esprits par leur gigantisme que par leur parti architectural novateur. Avec ses 70 mètres de longueur et ses quatre étages, la fabrique de mécanique et d’ébauche se démarque des réalisations précédentes par son système modulaire affiché. Le changement d’échelle est permis par la mise en œuvre de structures métalliques, de dalles sur hourdis et d’un remplissage de plots de ciment. Obnubilé par sa production de briques en ciment, Georges Favre-Jacot s’est longtemps désintéressé des possibilités offertes par l’utilisation du béton armé[2].

Moderne sans être précurseur dans ses modes de construction, la fabrique des Billodes présente un intéressant catalogue d’architecture industrielle horlogère, que ce soit au niveau des matériaux et des techniques de construction ou du langage architectural. Sans grande planification, dirigeant et architectes ont cherché des solutions architecturales pour répondre rapidement aux besoins de la production et du marché. En trente ans, ils ont ainsi bâti une fabrique à leur image – ou plutôt à celle de Georges Favre-Jacot[5].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Andreas Hauser et Gilles Barbey, Inventaire Suisse d’Architecture (1850-1920), 6: Le Locle, Berne 1991, p. 169-170.
  • Patricia Hostettler, « Fabrication de guerre ou la manne des munitions: le cas de la fabrique de montres Zénith 1914-1918 », Musée neuchâtelois, 1991, p. 111-128.
  • Patricia Hostettler, « Naissance et croissance de la fabrique de montres Zénith », paru dans: Chronométrophilia, 1991, no 31, p. 13-54
  • Francis Kaufmann, Portraits de quinze Montagnons originaux: ils ont aussi fait l'histoire, Georges Favre-Jacot, Éditions du Haut, 2000.
  • Dany Kurtz, Horoguide No 2, Jalou, 2001 p. 12-21.
  • Jean-Marc Barrelet, « Georges(-Emile) Favre-Bulle, horloger, industriel, entrepreneur (1843-1917) » dans Michel Schlup (dir.), Biographies neuchâteloises. De la Révolution au cap du XXe siècle, tome 3, Hauterive, Editions Gilles Attinger, 2001, p. 105-113.
  • Claire Piguet, « La fabrique de montres des Billodes, berceau de l’entreprise Zénith », dans Jacques Bujard et Laurent Tissot (dir.), Le Pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger, Chézard-Saint-Martin, 2008, p. 158-163.
  • Manfred Rossler, Zenith: Swiss Watch Manufacture Since 1865, Damiani, (ISBN 978-8862080699)
  • Dossier de candidature au patrimoine mondial de l'UNESCO, La Chaux-de-Fonds / Le Locle, urbanisme horloger, 2007, p. 261-263.
  • Jean-Daniel Jeanneret (dir.), La Chaux-de-Fonds, Le Locle, urbanisme horloger, Le Locle 2009, p. 138-139 (préface : Louis Bergeron, avec des contributions de Martin Fröhlich, Sibylle Heusser, Jean-Daniel Jeanneret, Vittorio Lampugnani, Nadja Maillard, Sylviane Musy, Matthias Noell, Hélène Pasquier, Laurent Tissot).
  • Claire Piguet, «La fabrique de montres Zénith au Locle (Suisse) : une architecture et une iconographie au service de l’image de l’entreprise», dans Robert Belot et Pierre Lamard (dir.), Image[s] de l’industrie, XIXe et XXe siècle, E-T-A-I, Antony (France), 2011, p. 148-161.
  • Joël Duval, Zenith: La saga d'une manufacture horlogère étoilée, Albin Michel, (ISBN 978-2226259103)
  • Hélène Pasquier, « Zenith » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.

Publications de l'entreprise[modifier | modifier le code]

  • Philippe Godet (photogr. Fréd. Boissonnas, Genève), Zénith: une industrie neuchâteloise, Neuchâtel, Attinger Frères, , 48 p.
  • Philippe Godet, Zénith, Histoire de la montre parfaite, Neuchâtel, Attinger Frères, 1916, (2e édition), 48 p.
  • Hommage à Georges Favre-Jacot, née le 12 décembre 1843 au Locle fondateur des fabriques des montres Zénith, 1843-1943, Le Locle, 1943.
  • Zénith, La Chaux-de-Fonds, 1948.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Philippe Godet (photogr. Fréd. Boissonnas, Genève), Zénith: une industrie neuchâteloise, Neuchâtel, Attinger Frères, , 48 p.
  2. a b et c Andreas Hauser et Gilles Barbey, Inventaire Suisse d’Architecture (1850-1920), vol. 6: Le Locle, Berne, Société d'histoire de l'art en Suisse, , p. 146 et 174
  3. a b c d et e Claire Piguet, « La fabrique de montres des Billodes, berceau de l’entreprise Zénith », dans Jacques BUJARD et Laurent TISSOT (dir.), Le Pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger, Chézard-Saint-Martin, Editions de la Chatière,‎ , p. 158-163 (ISBN 978-2-940239-16-0)
  4. a b et c Andreas Hauser et Gilles Barbey, Inventaire Suisse d’Architecture (1850-1920), vol. 6: Le Locle, Berne, Société d'histoire de l'art en Suisse, , p. 169-170
  5. a b c et d Claire Piguet, « La Fabrique de montres Zénith au Locle (Suisse), une architecture et une iconographie au service de l'image de l'entreprise », dans Robert Belot et Pierre Lamard, Image[s] de l'industrie, XIXe-XXe siècles, Antony, E-T-A-I,‎ , p. 148-161 (ISBN 978-2-7268-9545-0)
  6. Jean-Marc Barrelet, « Georges(-Emile) Favre-Bulle, horloger, industriel, entrepreneur (1843-1917) », dans Michel Schlup (dir.), Biographies neuchâteloises. De la Révolution au cap du XXe siècle, Hauterive, Editions Gilles Attinger, vol. 3,‎ , p. 105
  7. Andreas Hauser et Gilles Barbey, Inventaire Suisse d’Architecture (1850-1920), vol. 6: Le Locle, Berne, Société d'histoire de l'art en Suisse, , p. 151 et 193
  8. Jean-Marc Barrelet, « Georges(-Emile) Favre-Bulle, horloger, industriel, entrepreneur (1843-1917) », dans Michel Schlup (dir.), Biographies neuchâteloises. De la Révolution au cap du XXe siècle, Hauterive, Editions Gilles Attinger, vol. 3,‎ , p. 110
  9. Andreas Hauser et Gilles Barbey, Inventaire Suisse d’Architecture (1850-1920), vol. 6: Le Locle, Berne, Société d'histoire de l'art en Suisse, , p. 156-159 et 177
  10. Jean-Daniel Jeanneret (dir.), La Chaux-de-Fonds, Le Locle, urbanisme horloger, Le Locle, Editions G d'Encre, , 240 p. (ISBN 978-2-940257-56-0), p. 138-139