Utilisatrice:Mélété/Traduction Gaudí

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A la recherche d'un nouveau langage architectonique[modifier | modifier le code]

Voûte d'hyperboloïde de la Sagrada Família

Gaudí est généralement considéré comme le grand maître du Modernisme catalan, mais son œuvre va au-delà d'un quelconque style ou de toute tentative de classification. C'est une œuvre personnelle et imaginative, qui trouve sa source principale d'inspiration dans la nature. Gaudí a étudié en profondeur les formes organiques et anarchiquement géométriques de la nature, à la recherche d'un langage pour pouvoir refléter ces formes dans l'architecture. Quelques-unes de ses inspirations majeures viennent de la montagne de Montserrat, des grottes de Majorque, des grottes du Salnitre (Collbató), les rochers escarpés de Fra Guerau, dans la Montagne de Prades, près de Reus, la Montagne de Pareis, au nord de Majorque, ou encore Sant Miquel del Fai, à Bigues i Reis, autant de lieux visités par Gaudí[1].

L'étude de la nature se traduit par l'emploi de formes géométriques réglées comme le paraboloïde hyperbolique, l'hyperboloïde, l'hélicoïde et le conoïde, qui reflètent exactement les formes que Gaudí rencontre dans la nature [2]. Les surfaces réglées sont des formes générées par une droite nommée génératrice, lorsqu'elle se déplace sur une ou plusieurs lignes nommées directrices. Gaudí les a trouvées en abondance dans la nature, comme par exemple dans les joncs, les roseaux, les os; il disait qu'il n'existe pas de meilleure structure que celle d'un tronc d'arbre ou d'un squelette humain. Ces formes sont à la fois fonctionnelles et esthétiques, et Gaudí les emploie très savamment, sachant adapter le langage de la nature aux formes structurales de l'architecture. Gaudí assimilait la forme hélicoïde au mouvement, et la forme hyperboloïde à la lumière. Au sujet des surfaces réglées, il disait :

« "Les paraboloïdes, hyperboloïdes et hélicoïdes, variant constamment l'incidence de la lumière, ont une richesse de nuances qui leur est propre, qui rend l'ornementation, et même le modelage superflus" »[3].

Colonnes hélicoïdales de la Sagrada Família

Un autre des éléments employés à profusion par Gaudí est la courbe parabolique ou caténaire. Gaudí avait étudié en profondeur la géométrie quand il était jeune, lisant de nombreux traités sur l'ingénierie qui louaient les vertus de l'utilisation de la courbe caténaire comme élément mécanique, courbe que, cependant, on n'utilisait alors que dans la construction de ponts suspendus; Gaudí fut le premier à utiliser cet élément dans l'architecture commune. L'utilisation d'arcs caténaires dans des œuvres comme la Casa Milà, Le Colegio de las Teresianas, la Crypte de la Colonia Güell ou la Sagrada Família permet à Gaudí de doter ses structures d'un élément de grande résistance, dans la mesure où la caténaire distribue régulièrement le poids qu'elle supporte, ne subissant que des forces tangentielles qui s'annulent entre elles [4].

Avec tous ces éléments, Gaudí est passé de la géométrie plane à la géométrie dans l'espace, la géométrie réglée. En outre, ces formes constructives s'accordaient bien avec un type de construction simple, avec des matériaux peu onéreux comme la brique : Gaudí a utilisé très régulièrement la brique, jointe au mortier, en couches superposées, comme dans la voûte cloisonnée catalane traditionnelle [5]. Cette recherche de nouvelles solutions structurales a atteint son comble entre les années 1910 et les années 1920, lorsqu'il a expérimenté la mise en pratique de toutes ses recherches dans son œuvre maîtresse : la Sagrada Família. Gaudí a conçu ledit temple comme si la structure était celle d'une forêt, avec un ensemble de colonnes arborescentes divisées en plusieurs branches pour soutenir une structure de voûtes d'hyperboloïdes entrelacées. Il a incliné les colonnes, pour mieux recevoir les pressions perpendiculaires à leur section; en outre, il leur a donné une forme hélicoïdale à double hélice (dextrogyre et lévogyre), comme dans les branches et les troncs d'arbres. Cette ramification crée une structure aujourd'hui nommée fractale [6]; ladite structure, conjointement avec la modulation de l'espace, divisé en petits modules indépendants et autoportants, crée une structure qui supporte parfaitement les efforts mécaniques de traction, sans la nécessité d'utiliser des contreforts, comme le requérait le style gothique [7]. De cette manière, Gaudí est parvenu à une solution rationnelle et structurée, parfaitement logique et adaptée à la nature, créant en même temps un nouveau style architectonique, original et simple, pratique et esthétique.

Cette nouvelle technique de construction permet à Gaudí de réaliser son plus grand dessein architectonique, perfectionner et dépasser le style gothique : les voûtes d'hyperboles ont leur centre, là où les voûtes gothiques avaient leur clef, sauf que l'hyperboloïde permet de créer une ouverture dans cet espace, un vide qui laisse passer la lumière naturelle. Ainsi, à l'intersection des voûtes, là où les structures gothiques avaient les nervures, l'hyperboloïde permet désormais l'ouverture de petites baies, que Gaudí utilise pour donner la sensation d'un ciel étoilé [8].

Cette vision organique de l'architecture est complétée chez Gaudí par une vision spatiale singulière, qui lui permettait de concevoir ses projets architecturaux sous une forme tridimensionnelle, contrairement à la bi-dimensionnalité du dessin sur plan de l'architecture traditionnelle. Gaudí disait qu'il avait acquis ce sens spécial, quand il était enfant, en regardant les dessins que faisait son père pour les chaudrons et les alambics qu'il fabriquait [9]. En raison de cette conception spatiale, Gaudí a toujours préféré travailler sur des moulages et des maquettes, allant parfois jusqu'à improviser sur le terrain à mesure que l'œuvre avançait; réticent à dessiner des plans, il a, en de rares occasions, réalisé des croquis de ses œuvres, mais seulement quand les instances officielles le réclamaient.

Maquette polyfuniculaire pour l'église de la Colonia Güell, Musée de la Sagrada Família

L'une de ses nombreuses innovations sur le terrain technique est l'utilisation d'une maquette pour le calcul de structures : pour l'église de la Colonia Güell, il avait construit dans un abri près du chantier une maquette à grande échelle (1:10), de quatre mètres de haut, où il avait installé un montage de ficelles, d'où pendaient des petits sacs remplis de plombs de chasse. Sur un plateau de bois fixé au toit, il avait dessiné le plan de l'église et aux points de soutien de l'édifice (colonnes, intersections de murs), il avait accroché les ficelles (pour les funiculaires) avec les sacs de plombs (pour les charges); ainsi suspendues, elles donnaient la courbe caténaire résultante, arcs et voûtes. Il en avait fait une photographie qui, une fois inversée, donnait la structure des colonnes et arcs que Gaudí cherchait. Sur ces photographies, Gaudí peignait, à la gouache ou au pastel, le contour déjà défini de l'église, notant jusqu'au dernier détail de l'édifice, tant architectonique que stylistique ou décoratif [10].

La position de Gaudí dans l'Histoire de l'Architecture est celle d'un grand génie créateur qui, en s'inspirant de la nature, a créé un style propre, d'une grande perfection technique, et en même temps très soucieux de la valeur esthétique, un style marqué par sa forte personnalité. Ses innovations structurales supposent, dans une certaine mesure le dépassement des style antérieurs, depuis le dorique jusqu'au baroque, en passant par le gothique, principale source d'inspiration de l'architecte; on pourrait considérer qu'elles représentent l'aboutissement des styles classiques, que Gaudí réinterprète et perfectionne. Ainsi Gaudí dépasse l'historicisme et l'éclectisme de sa génération, mais sans parvenir à une connexion avec les autres courants de l'architecture du XXe siècle. Avec ses postulats rationalistes dérivés de l'École du Bauhaus, l'architecture du XXe siècle représente une évolution antithétique de celle initiée par Gaudí, ce qui engendre le mépris et l'incompréhension initiale envers l'œuvre de l'architecte moderniste.

L'artiste/artisan catalan est tombé dans l'oubli au début du XXe siècle également pour une autre raison : bien que ses œuvres aient été exécutées par de nombreux assistants et disciples, Gaudí n'a pas créé d'école propre, car il ne s'est jamais consacré à l'enseignement et n'a pratiquement pas laissé d'écrit. Certains de ses collaborateurs ont suivi ses traces de près, surtout Francesc Berenguer et Josep Maria Jujol; d'autres comme Cèsar Martinell, Francesc Folguera et Josep Francesc Ràfols, ont évolué vers le Noucentisme, s'écartant du sillage du maître [11]. Malgré cela, on peut percevoir une certaine influence du créateur de la Sagrada Família chez certains architectes modernistes - ou qui ont participé au Modernisme- qui n'ont pas eu de contact direct avec Gaudí, comme Josep Maria Pericas (Casa Alòs, Ripoll), Bernardí Martorell (Cimetière de Olius) ou Lluís Muncunill (Masía Freixa, Terrasa).

Malgré tout Gaudí a laissé une profonde empreinte dans l'architecture du XXe siècle : des architectes comme Le Corbusier se sont déclarés admirateurs de l'œuvre de l'architecte catalan, et d'autres comme Pier Luigi Nervi, Friedensreich Hundertwasser, Oscar Niemeyer, Félix Candela, Eduardo Torroga ou Santiago Calatrava sont jusqu'à nos jours débiteurs du style inauguré par Gaudí. Frei Otto a employé les formes gaudiniennes dans le Stade olympique de Munich. Au Japon, l'œuvre de Kenji Imai est d'une évidente influence gaudinienne, comme on peut l'apprécier dans le Mémorial aux 26 martyrs du Japon à Nagasaki (Prix National d'Architecture du Japon en 1962), où l'on remarque l'emploi du célèbre "trencadis" de l'architecte de Reus [12]. D'un autre côté, le travail d'enseignement et de recherche mené par les critiques d'art depuis les années 1950 a redonné à l'artiste l'importance qu'il méritait dans l'architecture du XXe siècle.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Joan Bassegoda, Gaudí, o espacio, luz y equilibrio, p. 198
  2. Joan Bassegoda, Gaudí, o espacio, luz y equilibrio, p.266
  3. Isidre Puig i Boada, El pensament de Gaudí, p.238
  4. Jorge Wagensberg, Apunts sobre la intuïció científica de Gaudí, in Gaudí 2002, Miscellània, p.168
  5. Maria Antonietta Crippa, Gaudí, p. 12
  6. Claudi Alsina et Josep Gómez, Gaudí : geometria, estructura i construcció, in Gaudí 2002, Miscellània, p. 144
  7. Carlos Flores, Les lliçons de Gaudí, p. 58
  8. "Técnica arquitectónica de Gaudí", sur http://www.gaudiallgaudi.com/EA002 G Technica arq.htm, consulté le 03/08/2008
  9. Joan Bassegoda, El gran Gaudí, p. 16
  10. Joan Bassegoda, El gran Gaudí, p. 366-367
  11. Oriol Pibernat, "Diseño, entre el legado y la invención de la tradición", sur http://www.bcn.es/publicacions/b_mm/ebmm58/bmm58.htm, consulté le 03/08/2008
  12. Ana Maria Férrin, Gaudí, la huella del genio, p. 74