Récit par Le Matin des incidents du à la Chambre[1] :
« M. Gabriel Syveton, qui s'est approché du général André, le frappe par deux fois au visage, avec une violence telle que le ministre de la guerre chancelle à son banc et tombe presque sur le président du conseil. [...] [Un] tumulte inouï et sans précédent éclate dans la Chambre. Les députés de la gauche descendent de leurs bancs et, se précipitant dans l'hémicycle, se jettent sur les membres de la droite. Ce n'est plus qu'une mêlée effroyable où l'on ne distingue que des poings levés et des têtes baissées.
M. Gérault-Richard prend M. Guyot de Villeneuve à la gorge, tandis que M. de Dion se collette à bras le corps avec M. Jules Coûtant. De toutes parts, les coups pleuvent, et les huissiers qui cherchent vainement à séparer les combattants sont les premiers frappés et bousculés. Des cris de « Lâche, lâche, bandit ! » éclatent du haut des travées de la gauche et de l'extrême gauche à l'adresse de M. Syveton qui, très pâle, a regagné les hauteurs de l'extrême droite, où ses amis [MM. Boni de Castellane, Binder, Cesbron et d'Elva[2]] lui font un rempart de leurs corps. Cependant le général André a été emmené par quelques députés républicains, le visage en sang, avec la trace d'une large ecchymose sur la joue gauche. En même temps, M. Brisson se couvre et déclare la séance suspendue, ordonnant aux huissiers de faire évacuer toutes les tribunes du public.
Dans l'hémicycle, les scènes de violence se poursuivent. Au pied de la tribune, les corps à corps continuent, tandis qu'à leurs bancs, au centre, MM. Ribot, Aynard, Renault-Morlière contemplent la scène. À l'extrême droite, M. Syveton est littéralement entouré par des députés d'extrême gauche qui ont escaladé les gradins et qui le provoquent du geste et de la voix. [...] Enfin, M. le président Brisson remonte au fauteuil et, le livre du règlement en mains, se contente de donner lecture de l'article 125 du règlement de la Chambre relatif à la censure avec exclusion temporaire.
Cette lecture ne calme pourtant pas l'effervescence de l'assemblée. M. Jules Jaluzot, voulant de sa place parler sur le règlement, une nouvelle scène de violence se produit. M. Meslier, député socialiste de la Seine, se précipite sur lui mais il est arrêté au passage par les huissiers, qui le maintiennent à bras le corps, cependant que M. le marquis de Dion et M. Jules Coûtant paraissent s'expliquer, sur un ton plus amical que précédemment, dans un coin. [...]
M. le président : « Je vais mettre aux voix, par assis et levés, la censure avec exclusion temporaire. Que ceux qui sont d'avis de prononcer l'exclusion se lèvent. »
On remarque que M. Ribot est le premier à se lever, ainsi qu'une partie du centre, toute la gauche et l'extrême-gauche. M. le lieutenant-colonel Rousset, qui est à droite, se lève également. À la contre-épreuve, une vingtaine de députés, la plupart appartenant à l'extrême-droite, se lèvent, se solidarisant ainsi avec M. Gabriel Syveton. On remarque également que quelques députés qui siègent au centre, MM. Berthoulat, Arago, le vicomte Cornudet, se joignent à leurs collègues de l'extrême-droite. Par contre, beaucoup de députés conservateurs, parmi lesquels M. Denys Cochin, s'abstiennent. »