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Typhaine D dans le prologue de "Contes à rebours"

Écrite en 2012, dans le cadre du festival Elles résistent à la Parole errante de Montreuil, Contes à Rebours de Typhaine D est une œuvre entre théâtre et conte, mettant en scène les héroïnes des contes de notre enfance dans une réécriture résolument féministe. Depuis la première représentation de la pièce, lors du festival, les costumes qu'habite Typhaine D sont les œuvres féministes de la plasticienne Michèle Larrouy. Cette pièce, divisée en dix tableaux, a été publiée en octobre 2016. Une nouvelle édition plus complète est prévue pour l'année 2018, intégrant notamment le conte de Paule-Anne qui n'est pour l'instant admirable que sur scène.

L'œuvre de Typhaine D s'inscrit dans la suite des théories sociologiques sur la construction du féminin à partir des œuvres qu'on lit, des histoires qu'on raconte aux jeunes filles dans leur enfance et qui permettent leur construction sociale[1] - notamment leur rapport à l'amour et au masculin - et qui de fait renforcent la domination masculine[2]. Typhaine D prend le parti de rendre la parole aux femmes, de créer des héroïnes indépendantes, tout en parlant des diverses violences infligées aux femmes.

Dans cette pièce, Typhaine D rend la parole aux femmes de diverses façon ; d'abord en donnant la parole à ces-dites héroïnes qu'on lit mais que l'on n'entend pas, puis en mettant en lumière les violences, devenues affreuses habitudes, que les femmes subissent dans la société, et finalement dans la mise en place d'un langage où les femmes sont partout, où la domination masculine de la langue[3] est effacée. Les Contes à Rebours deviennent un endroit sécurisant et valorisant pour les femmes, un lieu où le pouvoir leur est rendu.

La pièce Contes à Rebours, jouée depuis 2012 dans les pays francophones, a été notamment mise à l'honneur en 2017 dans le cadre de la journée du 25 novembre contre les violences infligées aux femmes.

Originalité de l'œuvre de Typhaine D[modifier | modifier le code]

Rendre la parole aux héroïnes[modifier | modifier le code]

Les contes, d'abord nés d'une transmission orale des femmes aux enfants, ont été ensuite transcris par des hommes (Perrault, Grimm, Andersen, etc) dans les versions que nous connaissons et qui ont formé notre enfance. Cette appropriation des voix féminines par les hommes a eu un double impact : d'abord celui de voler un matrimoine collectif et d'y ajouter leur nom d'auteur, comme si ces histoires, cette oralité, via la transcription écrite, appartenait aux hommes. Le second impact de ces transcriptions est de l'ordre de la construction sociale. Comme l'explique Sonia Dayan-Herzbrun dans son article « Production du sentiment amoureux et travail des femmes », l'éducation des enfants se fait également à travers les discours qu'ils entendent et ces discours ont un effet différent selon le genre de l'enfant :

« Les conditions dans lesquelles la plupart des femmes ont été élevées depuis leur plus tendre enfance, les discours qu'elles entendent ou qu'elles lisent, les images qu'elles voient, font qu'elles attendent qui les aimera (le Grand Amour, le Prince charmant), que cette attente rythme leur vie, et que de l'amour de cet homme miraculeux, elles attendent (toujours) leur identité, identité de personne et identité de femme[4] ».

C'est cette identité construite par les contes, que Typhaine D fait le choix de dénoncer, proposant en retour des contes où les femmes n'attendraient rien d'autre que la reconnaissance de leur sexe comme un sexe égal, non voué à la subordination. Ainsi, ses personnages, personnages que nous connaissons depuis notre enfance, subvertissent le rôle qu'on leur a originellement imposé, se créant une identité nouvelle.

Parler des violences infligées aux femmes[modifier | modifier le code]

La création d'une identité nouvelle passe par le fait d'exprimer les souffrances qu'endurent les femmes : violences physiques, psychologiques, insécurités quotidiennes. Typhaine D transpose les contes d'un temps passé pour aborder les tabous sociaux du XXIe siècle, rendant ainsi la parole aux femmes du monde, en plus qu'à celles des histoires littéraires. C'est peut-être de cette façon que Typhaine D va « à rebours », elle prend les images de la culture populaire et les utilise pour libérer la parole de femmes, des femmes ; en donnant aux personnages les histoires réelles de femmes qu'elle a rencontrées.

Replacer les femmes dans le langage[modifier | modifier le code]

Rendre la parole aux femmes c'est également leur donner un langage non oppressif, un langage où, à l'image de la pièce, les femmes seraient à l'honneur. Dans cette optique, Typhaine D, d'après les travaux de la chercheuse Aurore Evain[5][source insuffisante], remet aux goûts du jour les termes « autrice[6][source insuffisante] » et « matrimoine[7][source insuffisante] » qui existaient déjà pendant des siècles, avant d'être effacés du langage[8]. Elle propose également des termes féminisés comme « femmage[9][source insuffisante] » (remplaçant « hommage ») et une langue féminisée en elle-même, qu'elle nomme la "Féminine Universelle", où le féminin devient générique (comme dans « elle était une fois ») et où les pronoms eux-mêmes sortent d'une fausse neutralité pour porter la présence féminine (on retrouve « Noues », « Moie », etc). Ce travail sur la langue, allant au-delà de la virtuosité littéraire, fait naître un langage novateur où les femmes ont toute leur place.

Structure de l'œuvre[modifier | modifier le code]

L'œuvre se compose de dix tableaux, dont un prologue et neuf prises de parole de différents personnages féminins de contes. Les contes Shéhérazade, Carabosse, Cendrillon, La petite Sirène, Anne la Sœur Anne et La Grande Chaperonne Rouge sont introduits par un extrait de L'Hymne des Femmes.

Prologue[modifier | modifier le code]

Le prologue des Contes à Rebours donne le la de la réappropriation des textes par l'autrice comme du travail sur le langage effectué: "la Féminine Universelle s'improse"[10][source insuffisante]. Dans un jeu sur les mots et les rimes, l'autrice annonce sa démarche de réécriture, d'adaptation, comme un retour en arrière des histoires pour les remettre à l'endroit, "allant droit"[11][source insuffisante].

Shéhérazade[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - Shéhérazade

La première réécriture est celle des Mille et une nuits. Le personnage de Shéhérazade prend la parole dans un slam pour dénoncer le harcèlement de rue[12] dont souffrent les femmes quotidiennement.

Blanche Neige[modifier | modifier le code]

En partant d'une analyse du nom et de l'histoire de Blanche Neige, l'autrice aborde les sujets de la Lesbophobie, du trafic et de l'esclavage sexuel dont sont victimes les femmes et des violences physiques qu'elles subissent. Cette nouvelle Blanche Neige se libère des chaînes des sept nains "de cœur"[13] et de son destin d'épouse de "Prince Charmant" pour trouver l'amour dans les bras d'une femme, loin des châteaux et des dorures.

Carabosse[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - Carabosse

À travers le personnage de Carabosse, l'autrice s'éloigne du personnage-type de la vieille et méchante fée, de la mauvaise femme ou de la femme mauvaise. Elle offre à la place une Sorcière incarnant le militantisme féministe, symbole de l'entraide féminine et du besoin de sororité des femmes. Elle renverse ainsi une image prédéfinie (par les hommes) et dévalorisante de la femme pour en faire un symbole de revendication et de combat.

Les Sept Filles de l'ogre[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - Les Sept Filles de l'ogre

Le tableau des "Sept Filles de l'ogre" est une chanson inspirée du conte Le Petit Poucet. S'éloignant de la réécriture, l'autrice rappelle une partie du conte que l'on ne retient pas. Celui-ci, célèbre pour sa fin victorieuse où Poucet et ses frères, par ruse réussissent à s'enfuir de la maison de l'ogre où ils risquent leur vie, ne se concentre que très brièvement sur la mort des Sept Filles de l'ogre qui périssent, dévorées par leur père. Typhaine D, dans ses Contes à Rebours, met la lumière sur cette partie de l'histoire que l'on oublie souvent et qui permet la construction de la domination des garçons sur les jeunes filles - le conte montrant que la fin est heureuse tant que les garçons survivent. Ce tableau met également en évidence, à travers le personnage de l'ogre, les sujets du viol[14], des violences conjugales[15] et de la pédocriminalité qui sont d'autres dangers auxquels font encore et toujours face les femmes et les enfants.

Cendrillon[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - Cendrillon

En réutilisant les codes du conte Cendrillon, l'autrice aborde la construction sociale des jeunes filles qui les force à espérer une relation hétérosexuelle, notamment à travers l'image de la princesse et les jouets "pour filles" qui dès leur plus jeune âge les enferme dans une version patriarcale oppressive de ce que signifierait "devenir une femme"[16]. Le personnage de Cendrillon prend également la parole pour aborder les violences psychologiques - comme la dépendance matérielle - que subissent les femmes, se transformant souvent en violences physiques, lorsqu'il est déjà trop tard. Ce tableau est dédié à Madame Jacqueline Sauvage, qui n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des tortures que subissent les femmes au sein même de leur couple[17].

La Petite Sirène[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - La etite Sirène

En modernisant le personnage du conte La Petite Sirène, Typhaine D aborde le sujet du viol, ainsi que du traumatisme que celui-ci engendre, à la fois traumatisme du corps et de l'esprit. En s'inspirant du travail de la psychiatre et psychotraumatologue Muriel Salmona de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, elle aborde le fonctionnement de la mémoire traumatique La petite Sirène des Contes à Rebours, si elle n'est donc pas véritable sirène, est une femme à qui on a volé/violé son enfance, son corps et ses rêves.

Anne la Sœur Anne[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - Anne la Soeur Anne

Le conte Anne la Sœur Anne, inspiré de Barbe Bleue explore encore une fois le sujet des violences conjugales, mais cette fois du point de vue de la Sœur Anne, personnage important mais que l'on n'entend pas, que l'on considère comme secondaire. La Sœur Anne retrouve une voix pour exprimer la difficulté de s'apercevoir, au sein du nucléon familiale, des violences conjugales infligées aux femmes. Au delà de la dénonciation, c'est une ode au féminisme que construit l'autrice au sein du conte : les femmes s'unissant pour rendre justice à leur sœur, mettant l'agresseur hors d'état de nuire, la secourant dans une sororité salvatrice.

La Grande Chaperonne Rouge[modifier | modifier le code]

Photo de JwhY prises lors de la représentation du 1er décembre 2017 à Chevilly-Larue - La Grande Chaperonne Rouge

Le personnage de La Grande Chaperonne Rouge - réécriture du Petit Chaperon Rouge - procède à une véritable dénonciation des violences infligées aux femmes. Loin du personnage violé par un prédateur, le Loup - qui n'est pas un loup du tout - la Grande Chaperonne Rouge s'insurge contre les souffrances endurées par les femmes et les exhorte à se rebeller contre le système patriarcal qui institutionnalise ces violences. Véritable incarnation de la militante féministe, la Grande Chaperonne Rouge se libère de l'adjectif paternaliste[18] "petit" et se place à la tête d'une lutte contre son histoire et contre l'Histoire, qui a construit la domination masculine.

La Belle au Bois Éveillée[modifier | modifier le code]

Le dernier tableau de la pièce est le conte de La Belle au Bois Éveillée, réappropriation de la Belle au Bois Dormant. Dans ce conte, l'autrice va nettement "à Rebours" de l'histoire, le personnage reprenant point par point son histoire pour la démanteler. Ce n'est pas une Fée qui a endormi le château, mais la Belle elle-même devenue Sorcière et étant la seule Éveillée du château. Dans cette nouvelle forteresse libérée de présence masculine, la Belle Éveillée fonde un univers où les hiérarchies, les discriminations et toute forme de dominations (sexisme, classisme, agisme, spécisme, lesbophobie, racisme, xénophobie etc) sont abolies. Toute espèce est conviée à prendre part à cet univers, des "Paysannes"[19] aux "Oiselles"[20] en passant par les "Dragonnes"[21] et les "Amazones"[22]. Ce conte, clôturant l'œuvre, est un authentique appel à l'abrogation des discriminations dénoncées par les féministes ainsi qu'une invitation à la lutte pour un monde plus juste - pour les femmes et pour tout.e.s.

Notes et Références[modifier | modifier le code]

  1. DAYAN-HERZBRUN Sonia, "Production du sentiment amoureux et travail des femmes", Cahiers Internationaux de Sociologie NOUVELLE SÉRIE, Vol. 72, HABITER, PRODUIRE L'ESPACE (Janvier-Juin 1982), pp. 113-130
  2. DEGBE Esther, "Et si les contes de fées favorisaient les violences faites aux femmes ?" [en ligne], Le HuffPost [consulté le 02/12/2017], http://www.huffingtonpost.fr/2017/11/23/et-si-les-contes-de-fees-favorisaient-les-violences-faites-aux-femmes_a_23286836/
  3. KHAZNADAR Edwige, "Le non-genre académique: doctrine de la domination masculine en France", Nouvelles Questions Féministes, Vol. 26, No. 3, Parité linguistique (2007), pp. 25-38
  4. DAYAN-HERZBRUN Sonia, "Production du sentiment amoureux et travail des femmes", Cahiers Internationaux de Sociologie NOUVELLE SÉRIE, Vol. 72, HABITER, PRODUIRE L'ESPACE (Janvier-Juin 1982), pp. 113-130
  5. Pour s'informer sur le travail d'Aurore Evain : https://auroreevain.com/
  6. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, , p. 35
  7. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p. 36
  8. VIENNOT Éliane, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Donnemarie-Dontilly, éditions iXe,
  9. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, , p. 35
  10. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p. 15
  11. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p.17
  12. Pour s'informer sur le harcèlement de rue : http://www.stopharcelementderue.org/quest-ce-que-le-harcelement-de-rue/
  13. Cette précision est apportée par l'autrice de l'œuvre, le personnage se libérant des personnages du conte, sans lien avec les personnes atteintes de nanisme.
  14. Si vous avez besoin d'aide, d'écoute, de conseils sur le sujet du viol : https://cfcv.asso.fr/
  15. Si vous avez besoin d'aide, d'écoute, de conseils sur le sujet des violences conjugales : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/Les-associations-de-soutien-aux.html
  16. BEAUVOIR Simone, Le Deuxième sexe, tome 1, Paris, Gallimard, , "On ne naît pas femme, on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin" p. 285
  17. Pour s'informer sur les violences conjugales : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/Violences-au-sein-du-couple,317.html
  18. Attitude d'une personne au pouvoir, d'une collectivité ou d'un pays qui, sous couvert de protection désintéressée, cherche à imposer une tutelle, une domination. (Dictionnaire du CNRTL, 2017)
  19. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016, p. 62
  20. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p. 68
  21. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p. 62
  22. D Typhaine, Contes à Rebours, Paris, Broché, 2016,, p. 62

Liens externes[modifier | modifier le code]

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