Prince (1667)
Prince | |
Vaisseau à deux-ponts de la flotte de Louis XIV d'un type voisin du Prince | |
Autres noms | Sans Pareil |
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Type | Vaisseau de ligne |
Histoire | |
A servi dans | Marine royale française |
Chantier naval | Brest |
Quille posée | 1666 |
Lancement | 1667 |
Statut | Coule au large de Belle-île le |
Équipage | |
Équipage | 400 hommes |
Caractéristiques techniques | |
Déplacement | 1400 tonneaux |
Caractéristiques militaires | |
Armement | 64 canons puis 70 canons |
Carrière | |
Port d'attache | Toulon |
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Le Prince[1] est un vaisseau de ligne de deuxième rang de 64 canons en service dans la Marine royale entre 1667 et le , date de son naufrage au large de Belle-Île-en-Mer. Il fait partie de la première vague de construction navale des débuts du règne de Louis XIV et du ministériat de Colbert. Sa mise sur cale débute en 1666 aux chantiers navals de Brest et il est lancé l'année suivante. Il est renommé Sans Pareil en 1671 et participe, sous ce nom, à la guerre de Hollande.
Service dans la Marine royale
[modifier | modifier le code]Le , le Sans Pareil est à la bataille de Solebay au sein de la flotte franco-anglaise commandée par le duc d'York et le comte d'Estrées. Armé à cette occasion de 66 canons, il est commandé par M. de la Clocheterie. En 1676, il participe à la campagne de Duquesne au large de la Sicile. Le 8 janvier, il est — à la bataille d'Alicudi — le vaisseau amiral de Gabaret, qui commande à son bord l'arrière-garde française. Le 22 avril, à la bataille d'Agosta, il est à nouveau commandé par Gabaret et, le , à la bataille de Palerme il évolue sous les ordres du capitaine de Châteauneuf.
Naufrage au large de Belle-Île-en mer, 21 octobre 1679
[modifier | modifier le code]Au printemps 1679, alors que la guerre de Hollande vient de s'achever, le comte de Tourville part de Toulon pour se rendre dans le Ponant, avec quatre vaisseaux : Sans Pareil, Le Content, Le Conquérant et l’Arc-en-Ciel. Pierre Arnoul, l'intendant de Toulon, annonce ce départ le . Il s'agit alors du onzième commandement en mer de Tourville[2]. Ce dernier navigue d'abord fort bien avec cette escadre qui devait tenir la mer la nettoyer des corsaires qui l'infestaient et, à la fin de la bonne saison, rallier le port de Brest pour y désarmer. En octobre, le chef d'escadre pense que le moment était venu de gagner le port ; il prend donc la route qui devait le conduire en Bretagne; lorsqu'il est assailli, le , au large de Belle-Île, par une violente tempête.
Peut-être trop sûr de lui, peut-être trop confiant dans les vaisseaux du Roi qui ne cessaient de s'améliorer, Tourville n'inspecte pas assez son vaisseau. Les quatre vaisseaux souffrent horriblement. Le Sans Pareil, mal radoubé, s'« ouvre ». La coque « se délie ». L'étoupe qui sert de calfatage se gorge d'eau[2]. Le vaisseau se met à sombrer.
Tourville décide d'évacuer le Sans Pareil et de faire passer 70 de ses hommes sur l’Arc-en-Ciel à l'aide de la grande chaloupe, mais une fois à l'abri, les marins qui montent la chaloupe refusent de retourner sur le vaisseau amiral à l'agonie pour sauver le reste de l'équipage ; c'est finalement le canot de l’Arc-en-Ciel qui se porte au secours des hommes restés à bord du bâtiment de Tourville, mais l'état de la mer l'empêche d'aborder; l'amiral ordonne le sauve qui peut. Les marins sautent à l'eau, mais comme peu d'entre eux savent nager[Note 1], beaucoup se noient et disparaissent avec le Sans Pareil ; on dénombre seulement 78 survivants sur un total de 400 hommes[3]. Dans ce naufrage, Tourville perd son fils, âgé de 19 ans.
Tourville et son équipage sont sauvés par Coëtlogon, le chef d'escadre rend compte du naufrage et de l'action de Coëtlogon dans une lettre adressée à Seignelay quelques jours plus tard.
- Belle-Isle le .
- Monseigneur,
- Je suis dans une si grande affliction que je laisserais à un autre le soin de vous informer de la perte du vaisseau Sans-Pareil si je ne croyais absolument nécessaire que vous l'appreniez de moi-même. Elle est arrivée à cent lieues de Belle-Isle par le démâtement de tous ses mâts. Le beaupré démâta le vingt et un de ce mois et attira comme il arrive ordinairement la mât de misaine. Ce désordre fit ouvrir le devant du navire et faisait faire beaucoup d'eau.
- Le soin que je prenais à faire pomper incessamment et à faire tout ce qui peut en pareille occasion me donnait espérance de me pouvoir sauver, mais la chute du grand-mât qui arriva le lendemain au matin fit une si grande ouverture que l'eau monta de dix pieds en moins de trois heures, ce qui fit abandonner le travail aux matelots qui se noyaient dans les fonds de cale.
- Croyant qu'il n'y avait plus d'espoir de sauver le vaisseau, je me mis en devoir de sauver l'équipage. Je fis embarquer quatre-vingt hommes dans mon canot et ma chaloupe et conviai plusieurs officiers de s'embarquer. Mais ils trouvaient la mer si grande qu'ils crurent devoir remettre à une autre occasion de se sauver.
- Tout ce monde, à quelques gens près, arriva heureusement à l’Arc-en-Ciel, mais leur infidélité et leur ingratitude fut si grande que, se voyant sauvés, ils laissèrent aller la chaloupe et le canot à la dérive, craignant d'être obligés de faire un second voyage. Cette chaloupe était le seul espoir qui me restait ; le temps était si mauvais que le chevalier de Coëtlogon ne me pouvait approcher et aurait démâté s'il avait entrepris de mettre sa chaloupe à la mer.
- Enfin voyant qu'il ne pouvait nous rendre aucun secours, il hasarda son canot avec six hommes qu'il fit embarquer à force de menaces et de prières, mais beaucoup plus par la force de l'argent qu'il leur promit. Un officier les accompagna et vint se mettre à une portée de fusil derrière la poupe du Sans Pareil.
- Voyant que c'était la seule ressource que je pouvais espérer, je sollicitai tous les officiers de s'en servir et de se jeter à la mer pour gagner le canot comme j'allais essayer de le faire.
- La vue d'une mer haute comme le navire leur parut une voie de se sauver aussi périlleuse que celle d'attendre qu'ils coulassent à fond, de manière que je fus seul à prendre ce parti qui fut funeste à quelques gardes-marine et à quantité de matelots qui voulurent me suivre. Plus de vingt se noyèrent, quatre seulement purent parvenir d'aller jusqu'à moi. Ce ne fut pas le seul danger que je courus, car avant d'arriver à l’Arc-en-Ciel les coups de mer pensèrent abîmer vingt fois le canot qui n'arriva à bord qu'entre deux eaux. Je fus obligé avec quelques matelots de nous serrer, faisant le dos de tortue pour rompre les coups de mer.
- Je vis encore ce pauvre navire depuis une heure jusqu'à la nuit coulant insensiblement à fond avec le mortel déplaisir de ne lui pouvoir donner aucune aide. Apparemment il périt à l'entrée de la nuit, n'ayant point répondu aux signaux qui lui étaient faits de l’Arc-en-Ciel. Il ne parut plus le lendemain.
Finalement, le Sans Pareil et Le Conquérant coulent, Le Content commandé par le chevalier d'Imfreville s'échoue dans la rivière de Morbihan ; l’Arc-en-Ciel enfin, commandé par le chevalier de Coëtlogon, plus neuf, plus solide que les autres, peut regagner Brest où il s'abrite.
Conséquences
[modifier | modifier le code]La nouvelle de ce malheur parvient à Versailles où elle jette la consternation[Note 2]. Près de 800 hommes avaient péri et, parmi eux, beaucoup d'officiers appartenant à des familles importantes. En Provence, d'où les équipages étaient originaires, un deuil général est décrété. On fait payer aux familles des morts ce qui leur revenait de leur solde, seule consolation qu'on peut leur donner. Une enquête est commandée à Brest et à Toulon ; Arnoul, qu'on accusait d'avoir mal veillé aux radoubs, est remplacé à Toulon, par Girardin de Vauvré ; Brodart et Du Quesne sont chargés de recueillir les témoignages des hommes qui, échappés au naufrage, étaient retournés à Toulon. Duquesne répond, le , à Seignelay qui, le 8, lui avait écrit d'Arles :
« Il est constant que le démâtement du beaupré du Sans Pareil est la première cause de son malheur, son mat d'avant - (le malt de misaine) ayant suivi en tombant et ayant ébranlé l'autre (le gd mast) et fait des voyes d'eau au vaisseau dont une grande partie de l'équipage estoit malade, ce qui a fait perdre l'espérance de pouvoir épuiser l'eau et en mesme temps de gouverner le vaisseau, les voiles ayant esté emportées. »
Notes
[modifier | modifier le code]- Tourville qui a appris a nager pendant ses caravanes à Malte s'arc-boute dans un canot avec trois marins et fait face à la tempête.
- Le naufrage du Sans Pareil est évoqué dans une lettre de madame de Sévigné à sa fille madame de Grignan, datée du 8 novembre 1679. Elle écrit : « Il y a eu bien des gens noyés dans ce vaisseau du chevalier de Tourville qui s'est sauvé à la nage ; je crois qu'un de nos chevaliers de Sévigné s'est noyé. »
Références
[modifier | modifier le code]- Ne pas confondre ce navire avec le Prince, navire de la Compagnie des Indes, qui coula en 1752 au large des côtes brésiliennes
- Durand, Bardet et Vergé-Franceschi 2000, p. 514
- belleisleenmer.free.fr
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens internes
[modifier | modifier le code]- Histoire de la marine française de Richelieu à Louis XIV
- Liste des vaisseaux de Louis XIV
- Liste des vaisseaux français
Sources et bibliographie
[modifier | modifier le code]- Yves Durand, Jean-Pierre Bardet et Michel Vergé-Franceschi, État et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Presses Paris Sorbonne, , 548 p. (lire en ligne), « Le Maréchal de Tourville (1642-1701) : un Vice-amiral normand, gendre de fermier général », p. 505-520
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Alain Boulaire, La Marine française : De la Royale de Richelieu aux missions d'aujourd'hui, Quimper, éditions Palantines, , 383 p. (ISBN 978-2-35678-056-0)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Olivier Chaline, La mer et la France : Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l’histoire », , 560 p. (ISBN 978-2-08-133327-7)
- Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 1, Paris, Challamel aîné, 1867-1868, 453 p. (lire en ligne)
- Charles La Roncière, Histoire de la Marine française : La Guerre de Trente Ans, Colbert, t. 5, Paris, Plon, , 822 p. (lire en ligne)
- Alain Demerliac, La Marine de Louis XIV : nomenclature des vaisseaux du Roi-soleil de 1661 à 1715, Nice, Omega, , 292 p. (ISBN 2-906381-15-2).
- Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, éditions LTP, , 530 p. (lire en ligne)
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Flotte française en 1679 sur netmarine.net
- belleisleenmer.free.fr