Louis Moreau (ébéniste)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Louis Moreau
Biographie
Naissance
Décès
Activité

Louis Moreau, né vers 1740, décédé le sur l'île d'Anjouan, était un marchand et un ébéniste de renom, ainsi qu'un révolutionnaire français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Louis Moreau : l'ébéniste[modifier | modifier le code]

À la suite de la faillite de l'ébéniste Denis Genty en 1762 (maître en 1754), Louis Moreau racheta sa boutique à l’enseigne « À la descente des Tuileries » de la rue de L'Échelle-Saint-Honoré, à Paris, qu’il rebaptisa: « À la Petite Boule Blanche ».

Louis Moreau accéda à la maîtrise le . Son œuvre se caractérise par des placages d'acajou, des décors floraux marquetés ainsi que des ornementations de bronzes dorés et ciselés[1].

Son talent lui apporta rapidement une clientèle de renom ce qui ne l'empêcha pas de déposer le bilan le . Parmi ses débiteurs figuraient le comte d’Egmont et de Modène, le marquis de Montpezat, le comte de Montbarrey, etc.[2]

Louis Moreau : le marchand ébéniste[modifier | modifier le code]

Dès 1771, on le retrouve aux affaires, mais comme marchand cette fois. À cette date, il acheta à son confrère Charles Topino (le père du peintre François Topino-Lebrun) des meubles plaqués en bois de rose et d’amarante et en contrepartie lui vendit des bois d’ébénisterie[3].

Il associe rapidement ses qualités d’ébéniste à celles de marchand, faisant notamment travailler des artisans de renom tel que les ébénistes : Jacques Bircklé, Pierre-Antoine Foullet, Léonard Boudin, Charles Topino, Jean-François Oeben, Jacques-Laurent Cosson, dont il fera l’inventaire de son atelier après la mort de sa femme en 1782, ainsi que les fondeurs Guinard et Cottin.

Le fait que Louis Moreau ne réalisait qu’une partie des meubles qu’il vendait fait planer beaucoup d’incertitudes sur les meubles portant son estampille. Beaucoup de ces meubles sont en fait l’œuvre d’autres ébénistes. Cette pratique des marchands de l’époque permettait d’accroître la valeur du mobilier à la vente et d’éviter que les acquéreurs ne s’adressent directement aux maitres ébénistes.

Louis Moreau fournit une riche clientèle aristocratique ainsi que la surintendance des Menus-Plaisirs du Roi, administration royale spécifiquement chargée de l'organisation des fêtes et des cérémonies à la cour, qui lui commanda à plusieurs reprises, sous Louis XVI, des pièces de mobilier (en particulier en 1786).

Ses produits furent très diversifiés, ainsi que le prouve une étiquette retrouvée sur l'un de ses meubles avec la mention « Fait et tient Magasin : Secrétaire, Armoire, Commode, Bibliothèque, Bureau à cylindre, Table à jouer, Table Anglaise d'Acajou, et tout ce qui concerne la Menuiserie et l'Ébénisterie à Paris »[4],[5],[6],[7],[8].

Reconnu par ses pairs, il devint en 1784 député de sa corporation[9].

En 1789, il est mentionné comme arbitre de sa profession dans les différents : Wattaire-Lienard (jugement du ) et Amont-Paffrat (jugement du )[10].

À la Révolution française, ses affaires périclitèrent rapidement, comme celles de tous les ébénistes de France, du fait de la perte de leur clientèle. Dès 1793, il dut mettre en location une maison meublée[11] et transféra son enseigne au 1514, rue Saint-Honoré (qui devint plus tard le 352) vis-à-vis les Feuillants (près de l'actuelle Place Vendôme).

Louis Moreau : le Jacobin[modifier | modifier le code]

Il s’impliqua assez tôt dans la politique, tout d’abord comme conseiller de sa corporation en 1784, puis comme syndic adjoint en 1787 et enfin comme premier syndic en 1788. Il fut maintenu en fonction pour présider la dissolution de la communauté en .

On le retrouve en 1797 comme militant au Cercle Constitutionnel du faubourg Saint-Antoine, où on lui prête des convictions babouvistes[12].

Après l'Attentat de la rue Saint-Nicaise, il fait partie de la liste de proscription de 133 noms établie par Fouché, ministre de la Police puis soumise au conseil d'État et votée par le Sénat le 15 nivôse an IX ().

Louis Moreau fut déporté aux Seychelles sur la corvette La Flèche, qui le débarqua à Mahé le . Louis Moreau reprit son activité d’ébéniste et fabriqua plusieurs meubles en takamaka[13] tant et si bien, qu’en moins de six mois, il gagna 70 piastres en son particulier et 30 piastres en commun avec son compagnon d’infortune Thirion (lui aussi du faubourg Saint-Antoine). Cela représentait environ 3 ans de salaire d’un ouvrier au travail physique modéré[14].

Les colons des Seychelles, effrayés de voir les indigènes de l'île côtoyer les idées pernicieuses des réprouvés, obtinrent l’éloignement de 33 d’entre eux estimés comme les plus dangereux. Ainsi, le , la corvette le Bélier emporta Louis Moreau vers l’île d’Anjouan, où il mourut le avec une vingtaine d’autres déportés, très probablement d’une épidémie[15],[16],[17],[18],[19],[20],[21].

À sa déportation, sa femme, Louise Josèphe Lemoine, décédée le 9 vendémiaire an XI à environ 52 ans (), puis son fils Louis (maître vers 1791)[22] (il utilisa la même estampille que son père) reprirent le magasin et le conservèrent jusque vers 1814-1815 [23],[24],[25],[26],[27],[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Une commode Transition à double ressaut estampillée « L. MOREAU » et provenant de la collection Kress est actuellement conservée au Metropolitan Museum of Art, à New York. D’autres meubles dans les Collections : Espirito Santo, Grognot et Joinel…
  2. Archives Départementales de la Seine : Consulat, bilans, livre du Commerce Cat : 28.
  3. Henri Vial, Adrien Marcel et André Girodie, Les Artistes décorateurs du bois, tome II de M-Z et supplément, 1922.
  4. Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle. Dictionnaire des ébénistes et des menuisiers, Paris, 1989, p. 594.
  5. Guillaume Janneau, Les Ateliers parisiens d'ébénistes et de menuisiers aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1975, p. 189.
  6. Jean Meuvret, Claude Frégnac, Les Ébénistes du XVIIIe siècle français, 1969.
  7. Revue des deux mondes, 1930, p. 870.
  8. Jean-Pierre Samoyault, André-Charles Boulle et sa famille, vol. 40, 1979, p. 52.
  9. Table de la Communauté ; Almanach des Bâtiments.
  10. Denise Le Doux – Lebard, Les Ébénistes parisiens (1795 -1830), 1951, p. 222.
  11. Annonce parue dans le Journal de Paris du .
  12. Histoire de la double conspiration de 1800 contre le gouvernement consulaire et la déportation qui eut lieu dans la deuxième année du Consulat ; contenant les détails authentiques et curieux de la machine infernale et sur les déportés, par Fescourt, Paris, Guillaume, 1819, XII.
  13. « Documents sur les déportations du Consulat », Revue Historique, Paris, Librairie Germer Baillière, vol. 7,‎ , p. 89, note de bas de page : « Louis Moreau ébéniste (ce déporté fit aux Seychelles plusieurs meubles avec un bois particulier au pays : le tatamara) » (lire en ligne)
  14. Jean Destrem, Les Déportations du Consulat et de l'Empire (d'après des documents inédits): index biographique des déportés, Jeanmaire, Paris, 1885, p. 108.
  15. « Les derniers terroristes » dans la Revue des deux mondes, 1930, no 550, p. 287-318, no 550, p. 579, et no 551, 1931, p. 184-209 et 420-450.
  16. G. Lenotre, Les Derniers terroristes, 1932, p. 123.
  17. Raymonde Monnier, Le Faubourg Saint-Antoine, 1789-1815, 1981, p. 274.
  18. Mémoires de Joseph Fouché, Duc d’Otrante, ministre de la police Générale, réimpression de l'édition de 1824, Osnabrück, BiblioVerlag, 1966, Gesamtherstellung Proff&Co.
  19. Les Infortunes de plusieurs victimes de la tyrannie de Napoléon Bonaparte ou Tableau des Malheurs de soixante et onze Français déportés sans jugement aux iles Seychelles a l’occasion de l’Affaire de la machine infernale du 3 nivôse an IX, par J.B.A Le Franc, Paris, 1816, p. 71–73.
  20. Steven Kaplan, « Les corporations, les "faux ouvriers" et le faubourg Saint-Antoine au XVIIIe siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 43, no 2,‎ , p. 353-378
  21. Claude Wanquet, Benoît Jullien, Révolution française et Océan Indien, Indian Ocean International Historical Association, Université de la Réunion. Faculté des lettres et sciences humaines, 1996.
  22. Pierre Kjellberg, Le Mobilier français du XIXe siècle. Dictionnaire des ébénistes et des menuisiers, Paris, 1989.
  23. . Il figure dans les Almanachs du commerce jusqu’en 1814 inclus.
  24. « Almanach portatif des commercans de Paris » 1806.
  25. Journal des débats et des décrets de 1810.
  26. Table Communauté Almanach des Bâtiments en 1806.
  27. Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’An II (Soboul et Monnier) 1985.
  28. Archives nationales de Paris F 6271 à F 6276 ; de la Marine BB 158, 165 – 166 et C 137 et des Colonies C 115 et 145; Archives de la Préfecture de Police AA 273 à 282; Bibliothèque historique de la ville de Paris, Ms 969, Papiers Lenôtre.