Liste Bernhard

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La liste Bernhard est la première liste établie, dès 1940, par les autorités d'occupation allemande en France pour éliminer des librairies et bibliothèques françaises les livres jugés indésirables par les nazis.

Mise en œuvre[modifier | modifier le code]

Sur la base de cette liste, préparée par la Propaganda Abteilung et répertoriant 143 ouvrages, un peu plus de 20 000 livres furent confisqués lors d'un raid effectué dans les librairies de Paris à partir du [1]. D'après le journaliste américain Edgar Ansel Mowrer (en)[2], les agents allemands, agissant par deux accompagnés d'un policier français, donnaient une demi-heure à chaque libraire pour leur produire les livres désignés sur une liste reproduite au stencil et soigneusement récupérée après.

Contenu[modifier | modifier le code]

La liste Bernhard[3] comporte des titres d'opposants allemands, comme Heinrich Mann et Otto Strasser, mais aussi des titres d'auteurs français jugés anti-allemands, comme Louis Aragon, André Malraux[4], Charles Andler, Wladimir d'Ormesson, Georges Duhamel[2], Georges Blondel[5] et André Chevrillon. Trois livres des éditions Denoël y figurent : Les dictateurs de Jacques Bainville (1935), La croisade gammée de Louis Roubaud (1939) et La victoire des vaincus d'André Fribourg (1938)[6]. Les livres saisis à la NRF le [7] comprenaient L'Allemagne, essai d'explication d'Edmond Vermeil, Le temps du mépris de Malraux, La C.G.T. ce qu'elle est ce qu'elle veut de Léon Jouhaux et, bizarrement, Nous autres Français alors que cet essai de Georges Bernanos ne semble avoir figuré ni sur la liste Bernhard[5], ni même sur la première liste Otto. Cinq Américains figurent également sur la liste Bernhard : Franz Boas pour Race et milieu[8],[9], Louis Fischer, H.R. Knickerbocker, le professeur Calvin B. Hoover et Leon G. Turrou[2]. Fernand Sorlot, désigné comme éditeur d'Andler, de Boas, mais aussi de Robert de Beauplan, Maximilian Beck[10], P. Bloch & le général Tilho[11], Jules Brutzkus[12]... est particulièrement touché[13].

Il aurait existé une deuxième version de la liste, comportant vingt titres supplémentaires[2].

Devenir[modifier | modifier le code]

La liste Bernhard fut, fin , englobée dans la liste Otto, qui porta à plus de mille le nombre de livres prohibés.

Fiction[modifier | modifier le code]

Une des variations oulipiennes sur la nouvelle Le Voyage d'hiver de Georges Perec est construite sur la supposition que le mystérieux Voyage d'hiver d'Hugo Vernier aurait figuré sur la liste Bernhard, qui aurait ainsi, dans une première version, comporté 144 titres et non 143[14].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Anton Ridderstad, « L'édition française sous l'Occupation (1940-1944) », XV Skandinaviske romanistkongress, (consulté le ).
  2. a b c et d (en) Edgar Ansel Mowrer, « Germans slowly strangling France's culture; Libraries 'purified', catholicism suppressed », The Pitssburgh Press, sur Google News, (consulté le ).
  3. Reproduite dans « La Liste Bernhard », Les Revues littéraires en France sous l'occupation allemande, sur rlfsoa, (consulté le ) d'après Pascal Fouché, L'Édition française sous l'Occupation 1940-1944, t. 3, Bibliothèque de Littérature française contemporaine de l'Université Paris 7, coll. « L'Édition contemporaine » (no 3-4), (BNF 36630944), p. 287-290.
  4. (en) Jonathan M. Weiss, « Irène Némirovsky: Her Life and Works », Stanford University Press, (consulté le ).
  5. a et b « Liste Bernhard », sur Internet Archive (consulté le ).
  6. « Robert Denoël, éditeur » (consulté le ).
  7. « Bordereau des Messageries de journaux Hachette indiquant le titre des premiers livres interdits à la vente par les autorités allemandes », sur BNF (consulté le ).
  8. Jean Ferrette, « La sociologie sous Vichy : rupture ou continuité ? Retour sur un impensé historique », dans Jean Ferrette (dir.), Les sociologues sous Vichy (actes des journées d'études à l'IMEC, abbaye d'Ardenne, Caen, -), Paris, L'Harmattan, coll. « Anamnèse » (no 7), , 181 p. (ISBN 978-2-336-00642-0), p. 21 [lire en ligne].
  9. Probablement plutôt « Hérédité et milieu », Races et racisme, no 5,‎ , p. 18 (lire en ligne).
  10. M. Beck, « L'indépendance de la culture à l’égard de la race », Races et racisme, no 5,‎ , p. 14 (lire en ligne).
  11. Mis en cause sous l'intitulé approximatif « Bloch, le général, Tilho, Pierre: La politique raciale et les colonies. Coll. "Races et racismes". Paris: Ed·Fernand Sorlot », alors que le titre véritable « La politique raciste et les Colonies » n'est que celui de l'éditorial du numéro de Races et racisme qui présente leurs deux articles : Général Tilho, « Les revendications coloniales allemandes et la sécurité française », Races et racisme, no 6,‎ , p. 3 (lire en ligne) et Pierre Bloch, « Les exigences coloniales de l'Allemagne raciste au Parlement : discours prononcé à la Chambre le  », Races et racisme, no 6,‎ , p. 7 (lire en ligne).
  12. J. Brutzkus, « Les groupes sanguins parmi les populations juives », Races et racisme, no 5,‎ , p. 10 (lire en ligne).
  13. Le nom de Sorlot n'apparaît pourtant pas dans la revue Races et racisme, si ce n'est, dans le premier numéro, dans un regret, par citation du Cri de Paris, que « l'excellente traduction » faite par Sorlot de Mein Kampf ait été interdite par les tribunaux, à la suite du procès intenté à l'éditeur français (« Toujours "Mein Kampf" : une bonne affaire », Races et racisme, no 1,‎ , p. 16 (lire en ligne).
  14. Hervé Le Tellier, Le voyage d'Hitler, coll. « La Bibliothèque oulipienne » (no 105), (présentation en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]