Lilian Mathieu

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Lilian Mathieu
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Activités
Autres informations
A travaillé pour
Directeur de thèse
Distinction

Lilian Mathieu est sociologue, directeur de recherche au CNRS, au centre Max-Weber et à l'ENS de Lyon. Il est spécialiste de l’étude de la prostitution et des mouvements sociaux[1]. Il est considéré comme un sociologue « qualitativiste » à cause de son attachement aux enquêtes de terrain[2].

Formation et activité professionnelle[modifier | modifier le code]

Lilian Mathieu passe un DEUG de sociologie avant de partir passer une maitrise en ethnologie au Québec, où il mène une enquête de terrain dans une réserve amérindienne. Son passage par l'ethnologie influencera sa méthodologie. À son retour, il passe son DEA à Lyon, où il commence à s'intéresser à la prostitution[2]. En 1998, il passe sa thèse à l'Université Paris 10, sous la direction de Michel Dobry. Son travail de thèse donne lieu, en 2001, à la publication d'un ouvrage intitulé Mobilisations de prostituées aux Éditions Belin[3].

En 2000, il rentre au CNRS et reçoit en 2008 la médaille de bronze du CNRS qui récompense le premier travail d'un chercheur[2]. À cette occasion il signe un appel avec un grand nombre de médaillés contre le dépeçage du CNRS par le gouvernement[4].

À partir de 2010, il co-dirige avec le sociologue Philippe Corcuff la collection « Petite encyclopédie critique » chez les Éditions Textuel. L'objectif est de proposer des synthèses accessibles et pédagogiques sous la forme de points de vue critiques dans des petits formats accessibles qui appellent à penser par soi-même. Ils s'adressent aux étudiants, militants, associations, citoyens ouverts sur le monde[5],[6].

En 2007, il publie dans la revue Politix un article intitulé « L'espace des mouvements sociaux »[7] qui a été cité 245 fois entre sa publication et 2022[8]. Cet article est suivi par la publication d'un livre du même titre aux Éditions du Croquant en 2011[9],[10]. Il y esquisse une « théorie générale des mouvements sociaux »[11]. Dans un compte-rendu de lecture, le professeur agrégé en sciences sociales Igor Martinache le qualifie de « spécialiste incontestable des mobilisations collectives »[12]. Ce travail s'inspire et discute du concept de champ élaboré par Pierre Bourdieu dans le cas des mouvements sociaux, ce qui l'amène à proposer la notion « d'espace » car « l’autonomie de celui-là n’est que partielle, contrairement aux champs analysés par Pierre Bourdieu »[12].

En 2015, il publie un ouvrage de synthèse à propos de la sociologie de la prostitution dans la collection « Repères » à La Découverte[13],[14],[15],[16].

Questions de prostitution[modifier | modifier le code]

Lilian Mathieu est spécialisé dans l'étude de la prostitution. II prend position contre la pénalisation et le mouvement abolitionniste. Pour lui, la pénalisation des clients est une fausse bonne idée. En faisant de l’interaction client-prostituée un délit, la pénalisation ne fera que repousser ces rencontres loin du regard de la police[17]. Ainsi la prostitution ne diminue pas et l'interdiction entraine des conséquences dramatiques sur les prostituées, elles sont éloignées vers des lieux plus discrets et entrent dans la clandestinité, ce qui augmente considérablement leur insécurité[18],[19]. « Cela conduira à dégrader la situation de ces personnes que l'on prétend protéger ! »[20]. Il rappelle que pour la majorité, la prostitution est un moyen de survie[17]. Il défend une amélioration des conditions des prostitués. Mais cela ne doit pas passer par la légalisation des maisons closes, qui ramène selon lui, à la soumission à un patron, de plus ces maisons n'accueilleront jamais toutes les prostituées, surtout les plus vulnérables[17].

L'auteur appréhende la prostitution non seulement comme une des expressions les plus brutales de la domination masculine, mais également comme une des manifestations les plus extrêmes des rapports économiques[21]. Il assène une urgence à réinscrire la prostitution dans la question sociale. Le vrai problème est la difficulté d’accès au monde du travail. Rabaisser le RSA sous le seuil des vingt-cinq ans et l'augmentation de l’ensemble des minima sociaux seraient des solutions[17]. Il rappelle que la violence n'est pas seulement la délinquance ou le terrorisme, c'est aussi la violence sociale[22].

À la suite d'une tribune dans Rue89, la militante féministe abolitionniste et proche du Mouvement du Nid, Christine Le Doaré publie à son tour une tribune dans L'Obs, en 2016, dans laquelle elle l'accuse de vouloir associer le PS et le FN dans la défense d'un système « prostitueur », de ne pas avoir d’arguments à opposer aux mesures proposées qu'il dénonce, de ne pas connaître le terrain, de défendre la plus vieille et la plus sexiste exploitation et de relever de la supercherie intellectuelle. Elle va jusqu'à écrire que le patriarcat lui doit beaucoup[23].

Engagements[modifier | modifier le code]

Lilian Mathieu est un sociologue engagé qui prend fréquemment position dans les médias sur des sujets variés que ce soit dans ses travaux sur la prostitution ou des sujets plus éloignés de ses sujets d'études. Pour l'exemple, en 2003 il est cosignataire d'une tribune contre la guerre en Irak[24], en 2013, il co-signe avec le Collectif retraites 2013 un appel contre « la régression sociale » qui se prépare à la suite de l'annonce de François Hollande lors de la Conférence sociale du 20 juin 2013[25], en 2014, il est cosignataire d'une tribune soutenant le mouvement cheminot[26] et d'une tribune contre la violence utilisée par l’État contre les exilés de Calais[27]. Il écrit ponctuellement dans Contretemps, revue trimestrielle de critique communiste fondée par Daniel Bensaïd en 2001, qui a pour projet d'armer la gauche radicale[28]. En 2015, il écrit un article sur les problèmes axiologiques qui se posent à la sociologie des engagements, il se demande si le sociologue peut rester neutre et objectif comme semblent y inviter les deux fondateurs de la sociologie Émile Durkheim et Max Weber ou s'il doit être sociologue engagé. Il conclut son article en prônant un retour à des principes « wébériens revivifiés »[29].

Publications[modifier | modifier le code]

Pour une liste de ses publications plus complète voir le site du HAL[30].

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Prostitution et sida, Sociologie d'une épidémie et de sa prévention, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, 2000
  • Mobilisations de prostituées, éd. Belin, 2001
  • La prévention sur le trottoir, éd. Textuel, 2001
  • Comment lutter ?, éd. Textuel, 2004
  • La double peine histoire d'une lutte inachevée, La Dispute, 2006
  • La condition prostituée, Textuel, 2007
  • Les années 70, un âge d'or des luttes ?, Textuel, 2010
  • L'espace des mouvements sociaux, Du croquant, 2012
  • Columbo, la lutte des classes ce soir à la télé, Textuel, 2013
  • La fin du tapin - Sociologie de la croisade pour l'abolition de la prostitution, Les peregrines, 2014
  • Sociologie de la prostitution, La découverte, 2015
  • Prostitution, où est le problème ?, Textuel, 2016

Direction d'ouvrages collectifs[modifier | modifier le code]

  • Lilian Mathieu (dir.) et Violaine Roussel (dir.), Penser les frontières sociales: Enquêtes sur la culture, l'engagement et la politique, Presses Universitaires de Lyon, 2019.
  • Olivier Fillieule (dir.), Lilian Mathieu (dir.) et Cécile Péchu (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Science Po, 2020.

Prix et distinctions[modifier | modifier le code]

  • 2008 : Médaille de bronze du CNRS[31].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Lilian MATHIEU », sur ehne.fr (consulté le )
  2. a b et c « Lilian Mathieu, enquête au cœur des mouvements protestataires » (consulté le )
  3. « L'action collective des prostituées : le cheminement incertain de la constitution d'un groupe », sur theses.fr (consulté le )
  4. Matthieu Vernet, « Les médaillés du CNRS contre le dépeçage du CNRS », sur Fabula.org, (consulté le )
  5. « Nouvelle collection pour la critique sociale », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  6. « Petite Encyclopédie Critique », sur Blog de médiapart (consulté le )
  7. Lilian Mathieu, « L'espace des mouvements sociaux », Politix, vol. nº 77, no 1,‎ , p. 131 (ISSN 0295-2319 et 1953-8286, DOI 10.3917/pox.077.0131, lire en ligne, consulté le )
  8. « Cité par… », sur Cairn.info (consulté le )
  9. Lilian Mathieu, L'espace des mouvements sociaux, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, , 285 p. (ISBN 978-2-36512-002-9)
  10. Stéphanie Dechezelles, « Une théorie des mouvements sociaux - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées », sur www.nonfiction.fr (consulté le )
  11. Clément Lefranc, « L'espace des mouvements sociaux », sur Sciences Humaines (consulté le )
  12. a et b Igor Martinache, « Lilian Mathieu, L’espace des mouvements sociaux », Lectures,‎ (ISSN 2116-5289, lire en ligne, consulté le ).
  13. Julien Damon, « La prostitution vue par la sociologie », Les Échos,‎
  14. Igor Martinache, « Sociologie de la prostitution », La Vie des idées,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. « Sociologie de la prostitution - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées », sur www.nonfiction.fr (consulté le )
  16. Philippe Combessie, « Sociologie de la prostitution | Lilian Mathieu », sur Droit & Société (consulté le )
  17. a b c et d « Faut-il pénaliser les clients des prostituées ? », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  18. Quentin Girard, « Prostitution : bientôt, des sanctions à la pelle ? », Libértion,‎ (lire en ligne)
  19. « La pénalisation des clients au menu de l’Assemblée nationale », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  20. Anne Chemin, « Abolition de la prostitution : le chantier est lancé en France », Le monde,‎ (lire en ligne)
  21. Dorothée Dussy, « Catherine Deschamps, 2006, Le sexe et l'argent des trottoirs », Les Annales de la Recherche Urbaine,‎ , p. 186 (lire en ligne)
  22. Christian Losson, « Il n’y a pas d’unité sociale », Libération,‎ (lire en ligne)
  23. Christine Le Doaré, « Les femmes étrangères rêvent de devenir « putes », c’est ça ? », Le Nouvel Obs,‎ (lire en ligne)
  24. « Refusons la guerre Appel », L'Humanité,‎ 13//02/2003 (lire en ligne)
  25. « Ensemble, défendons nos retraites! Signez l'appel! », L'Humanité,‎ (Ensemble, défendons nos retraites! Signez l'appel!)
  26. « Ils soutiennent le mouvement des cheminots ! », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  27. « Violence d’Etat contre les exilés de Calais », Libération,‎ (lire en ligne)
  28. « Revue Contretemps », sur contretemps.eu (consulté le )
  29. Lilian Mathieu, « Sociologie des engagements ou sociologie engagée ? », SociologieS [En ligne],‎ (lire en ligne)
  30. « Archive ouverte en Sciences de l'Homme et de la Société » (consulté le )
  31. « Lilian Mathieu », sur cnrs.fr (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]