Lancer de renard

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Un tournoi de lancer de renard au début du XVIIIe siècle, illustration de Der deutsche vollkommene Jäger (1719).

Le lancer de renard (en allemand : Fuchsprellen) était un sport populaire dans certaines parties de l'Europe durant les XVIIe et XVIIIe siècles, où les participants lançaient en l'air des renards et d'autres animaux vivants.

Pratique[modifier | modifier le code]

Le lancer se tenait dans une enceinte, constituée d'une clôture d'écrans de toile établie en plein air, ou installée dans la cour d'un château ou un palais[1]. Deux personnes se tenaient à six ou sept mètres de distance, tenant les bouts d'une corde (ou d'un filet) posée à plat sur le sol. Un animal tel qu'un renard était alors sorti de sa cage et guidé dans l'arène, le forçant à franchir la corde. Lorsqu'il passait la corde, les lanceurs tiraient brusquement les bouts, ce qui propulsait l'animal en l'air[2]. Le plus haut lancer gagnait le concours ; des lanceurs expérimentés pouvaient atteindre une hauteur de 7,5 m. Parfois, plusieurs équipes de lanceurs étaient disposées en parallèle, de sorte que l'animal devait passer au-dessus de plusieurs cordes de suite[1]. Le résultat du lancer était souvent mortel pour l'animal.

Concours de Dresde[modifier | modifier le code]

Auguste II de Pologne, dit « le Fort », alors qu'il n'était encore qu'électeur de Saxe, a tenu un concours de lancer célèbre à Dresde, durant lequel 647 renards, 533 lièvres, 34 blaireaux, 21 chats sauvages, 34 marcassins et trois loups ont été lancés et tués[2].

D'autres monarques ont également participé à ce sport. L'envoyé suédois Esaias Pufendorf a assisté à un concours de lancer de renards qui s'est tenu à Vienne en mars 1672, et a noté dans son journal sa surprise de voir l'empereur Léopold Ier, âgé de 32 ans, se joindre avec enthousiasme aux nains de cour et aux garçons qui frappaient à mort les animaux blessés ; il a noté qu'il était remarquable de voir l'empereur ayant « des petits garçons et des bouffons comme compagnons, [ce qui] était à mes yeux quelque peu étranger à la solennité impériale[3],[4] ».

Ce sport était particulièrement populaire avec des couples mixtes de lanceurs, car la rivalité entre couples ajoutait au divertissement. Lors du concours d'Auguste à Dresde, les 34 marcassins ont été conduits dans l'enceinte « à la grande délectation des cavaliers, mais à la terreur des dames nobles, dont les robes à panier furent considérablement ravagées par les marcassins, à la joie continue de l'illustre compagnie[5] ».

Accidents[modifier | modifier le code]

Le lancer de renards et autres animaux n'était pas sans risque pour les participants, car il n'était pas rare que les animaux terrifiés se retournent contre les lanceurs. Le lancer de chats sauvages était particulièrement risqué ; comme un auteur l'a fait remarquer, ils « n'offrent pas un sport agréable, car lorsqu'ils n'enfoncent pas leurs griffes ou leurs dents dans le visage ou les jambes des lanceurs, ils s'accrochent à la corde avec fureur, et il est presque impossible de lancer habilement un de ces animaux[5] ».

Déguisements[modifier | modifier le code]

À l'occasion, le lancer faisait partie d'une mascarade costumée dans lequel l'animal lancé ainsi que les lanceurs étaient décorés et masqués. Les messieurs se déguisaient en héros mythique, en satyre, en centaure, en guerrier romain ou en bouffon. Les dames s'habillaient en nymphe, en déesse ou en muse. Les animaux lancés — lièvres comme renards — étaient « parés de morceaux de carton, de tissus bariolés et de guirlandes, et parfois costumés en caricatures de personnes célèbres ». À l'issue du lancer, les invités joignaient une procession aux flambeaux, ou se rendaient à l'intérieur pour un grand banquet[1].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) Sacheverell Sitwell, The Hunters and the Hunted, p. 60. Macmillan, 1947.
  2. a et b (en) Howard L. Blackmore, Hunting Weapons: From the Middle Ages to the Twentieth Century, p. XXIII. Courier Dover Publications, 2000, (ISBN 0486409619).
  3. (en) Jeroen Frans Jozef Duindam, Vienna and Versailles: the courts of Europe's dynastic rivals, 1550-1780, p. 147. Cambridge University Press, 2003, (ISBN 0521822629).
  4. (en) Tim Blanning (en), The Pursuit of Glory: Europe 1648-1815, p. 403. Allen Lane, 2007, (ISBN 0713990872).
  5. a et b (en) William Adolph Baillie-Grohman, Sport in Art: An Iconography of Sport Illustrating the Field Sports of Europe and America from the Fifteenth to the End of the Eighteenth Century, Simpkin, Marshall, Hamilton, Kent, (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]