Initiative populaire fédérale 99 %

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Initiative populaire fédérale 99 %
Corps électoral et résultats
Inscrits 5 519 168
Votants 2 882 879
52,23 %
Blancs et nuls 72 572
Initiative 99 %
Oui
35,12 %
Non
64,88 %

L'initiative populaire fédérale « Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital », dite « initiative 99 % », est une initiative déposée en 2019 par la Jeunesse socialiste suisse (JS). L'initiative demande que les revenus du capital qui dépassent un montant déterminé par la loi soient imposés à un taux 1,5 fois plus élevé que les revenus du travail salarié. Les revenus supplémentaires obtenus doivent permettre d'abaisser l'impôt sur le revenu pour les personnes ayant de faibles à moyens salaires et de renforcer les prestations sociales. La votation populaire est fixée au 26 septembre 2021.

L'initiative est rejetée à une large majorité de près de deux tiers des suffrages exprimés, et ne recueille la majorité dans aucun canton.

L'initiative[modifier | modifier le code]

Texte de l'initiative[modifier | modifier le code]

La Constitution est modifiée comme suit :

Art. 127a Imposition du revenu du capital et du revenu du travail

1 Les parts du revenu du capital supérieures à un montant défini par la loi sont imposables à hauteur de 150 %.

2 Les recettes supplémentaires qui découlent de l’imposition à hauteur de 150 % au lieu de 100 % des parts du revenu du capital au sens de l’al. 1 sont affectées à une réduction de l’imposition des personnes disposant de petits ou moyens revenus du travail ou à des paiements de transfert en faveur de la prospérité sociale.

3 La loi règle les modalités[1].

Comité d'initiative[modifier | modifier le code]

Le comité d'initiative se compose de 27 personnes ; deux d'entre elles sont membres des Verts suisses, tandis que la majorité sont membres de la Jeunesse socialiste suisse et du Parti socialiste suisse (PS). On y trouve notamment les coprésidents du PS en poste depuis 2020 (Mattea Meyer et Cédric Wermuth) et leur prédécesseur Christian Levrat[1].

Le PS a voté son soutien à l'initiative 99 % lors de son assemblée des délégués du 7 octobre, à Olten, à hauteur de 138 voix contre 17[2].

Arguments du comité d'initiative[modifier | modifier le code]

Le comité d'initiative critique le fait que les gros actionnaires, qui ne travaillent pas pour leur revenu mais laissent leur argent travailler pour eux, ne sont aujourd'hui imposés qu'à hauteur de 60 % sur les revenus du capital, alors que le revenu du travail de la grande majorité des salariés est imposé à hauteur de 100 %. Pour le comité d'initiative, il est nécessaire d'abolir ce privilège des super-riches, et de mettre fin à une injustice. En Suisse, le pour-cent le plus riche des contribuables possède plus de 43 % de la fortune totale. Alors que les riches s'enrichissent — la fortune totale des 1 % les plus riches est passée de 36,3 % de la fortune totale en 2003 à 43,2 % en 2017 — de plus en plus de salariés, en particulier les femmes, manquent d'argent pour faire face à l'augmentation des primes d'assurance-maladie et la hausse des loyers. L'initiative veut rendre l'argent à ceux qui y ont travaillé. En comparaison internationale, la Suisse pratique une sous-enchère fiscale qui ne profite qu'aux plus riches. Une politique fiscale fondée sur la solidarité est nécessaire[3].

Traitement de l'initiative[modifier | modifier le code]

Chronologie[modifier | modifier le code]

L'examen préliminaire formel du texte de l'initiative par la Chancellerie fédérale (art. 69 LDP) est publié le 3 octobre 2017 dans la Feuille fédérale[1]. S'ouvre alors une période de 18 mois pour la récolte d'au moins 100 000 signatures (art. 139, al. 1, Cst.). Celles-ci sont déposées le 2 avril 2019. En mai 2019, la Chancellerie fédérale constate que l'initiative a abouti, avec 109 332 signatures valables[4]. En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, LParl, le Conseil fédéral a alors jusqu'au 2 avril 2020 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d’arrêté fédéral accompagné d’un message. Il s'acquitte de cette obligation par son message du 6 mars 2020[5]. En vertu de l'art. 100 LParl, le délai pour que l'Assemblée fédérale décide de sa recommandation court alors jusqu'au 2 octobre 2021, avec la possibilité d'une prolongation du délai au 2 octobre 2022 si l'un des conseils décide de soumettre un contre-projet direct ou indirect (art. 105 LParl). En raison de la pandémie de Covid-19, le délai est exceptionnellement prolongé au 13 décembre 2021[6]. En vertu de l'art. 75a LDP, la votation populaire doit avoir lieu au plus tard dix mois après le vote final de l'Assemblée fédérale et au plus tard dix mois après l’échéance des délais légaux réservés au Parlement pour examiner l’initiative populaire.

Position du Conseil fédéral[modifier | modifier le code]

Dans son message du 6 mars 2020, le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons, en recommandant de la rejeter. Il ne voit aucune nécessité d'agir ; il considère qu'en comparaison internationale la Suisse bénéficie d'une répartition homogène des revenus et que le volume redistribué est déjà important. Au-delà de ces aspects, il estime que l’initiative réduirait l’attrait de la Suisse, ainsi que les incitations à la création de capital, ce qui affecterait non seulement les personnes dont le capital génère un revenu élevé, mais aussi les salariés[5].

Critiques diverses et contre-arguments[modifier | modifier le code]

L'initiative fait l'objet de nombreuses critiques[7],[8],[9],[10].

a) L'initiative est contraire à l'article 8 al.2 de la Constitution qui interdit toute discrimination notamment en vertu de la situation sociale.

b) Fiscalement (cf art. 20ss LIFD), les revenus du capital, compris comme rendements de la fortune, ne comprennent pas que les dividendes, mais aussi les intérêts, les loyers, les licences ou droits immatériels, les apports de titres dans une société, certaines ventes de sociétés, la valeur locative du bien habité par son propriétaire, certains revenus de la prévoyance professionnelle, etc.

c) Contrairement à l'affirmation du comité d'initiative, les "gros actionnaires" ne sont pas taxés à 60 % sur les revenus du capital, mais à 100 %. Il y a une taxation à 70 % des revenus du capital concernant les entrepreneurs possédant des participations conséquentes (cf article 20 LIFD).

d) La justification d'une taxation à 70 % provient du fait que les revenus concernés ont déjà été taxés à titre de bénéfice. Si une entreprise réalise 100 de bénéfice et qu'elle est taxée à 15 % et que l'entrepreneur touche le maximum légal résiduel, à savoir 76.5, il est taxé individuellement à 30 % (moyenne) sur 70 %, soit un impôt de 16. Au total, l’État aura prélevé 31 % des 100, ce qui revient à taxer le tout normalement. Si le taux individuel est de 20 %, le prélèvement étatique total s'élève à 25,7 %.

e) Les plus petits revenus du travail ne bénéficieront d'aucune baisse d'impôts: en général, ils n'en paient pas ou quasiment pas.

f) La "prospérité sociale" est une notion vague : toute dépense étatique peut être justifiée par "la prospérité sociale".

g) Les revenus du travail ne sont pas taxés à 100 %: le revenu imposable se détermine après de nombreuses déductions.

h) Le nom de l'initiative est trompeur: cela ne concerne pas que les 1 % les plus riches, et cela ne profitera pas au 99 % restants.

i) En reprenant les exemples du point d) avec une taxation à 150 %, les prélèvements étatiques se montent alors à 49,4 % (avec un taux d'impôts de 30 %) et à 33 % (avec un taux d'impôts de 20 %). Les taux deviennent dissuasifs.

j) Le financement des start-ups se fonde sur une probabilité de forte plus-value, compensant la forte probabilité de perte. Une forte taxation des plus-values empêche ce financement en pénalisant la couverture des pertes. Plus généralement, tout financement d'entreprise est pénalisé.

Délibérations du Parlement[modifier | modifier le code]

L'initiative populaire est d'abord été traitée par le Conseil national. Celui-ci suit le 24 septembre 2020, par 123 contre 62 voix, la proposition du Conseil fédéral de recommander son rejet. La proposition déposée par d'une minorité de la commission chargée de l'examen préalable d'élaborer un contre-projet direct est rejetée avec le même score. Le contre-projet direct prévoyait que le revenu du capital ne soit pas imposé à un taux 1,5 fois plus élevé (comme le demande l'initiative), mais au même taux que le revenu du travail[11]. Le groupe des Verts et le groupe socialiste se sont prononcés à l'unanimité en faveur du contre-projet direct, puis pour une recommandation d'accepter l'initiative populaire ; les autres groupes s'y sont unanimement opposés. L'initiative est examinée par le Conseil des États lors de la session de printemps 2021.

Sondages[modifier | modifier le code]

Institut Sur mandat de Date Oui Plutôt oui Indécis
Pas de réponse
Plutôt non Non
LeeWas GmbH Tamedia 13 août 2021 29 16 6 9 40

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats nationaux[12]
Choix Votes % Cantons
Entier Demi Total
Pour 987 045 35,12 0 0 0
Contre 1 823 262 64,88 20 6 23
Votes valides 2 810 307 97,48
Votes blancs 58 499 2,03
Votes invalides 14 073 0,49
Total 2 882 879 100 20 6 23
Abstentions 2 636 289 47,77
Inscrits/Participation 5 519 168 52,23

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Chancellerie fédérale : « Examen préliminaire », sur Feuille fédérale, (consulté le ).
  2. « Mittelfinger an die Superreichen », Zürichsee-Zeitung,‎ , p. 14
  3. « Arguments », sur Initiative 99 % (consulté le ).
  4. « Décision sur l'aboutissement », sur Feuille fédérale, (consulté le ).
  5. a et b « Message concernant l'initiative populaire «Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital» », sur Feuille fédérale, .
  6. « Ordonnance du 20 mars 2020 sur la suspension des délais applicables aux initiatives populaires fédérales et aux demandes de référendum au niveau fédéral ».
  7. « Initiative 99 % : une menace pour l’économie », sur Le Temps, (consulté le ).
  8. « L’initiative 99 %, aux effluves de lutte des classes », sur Le Temps, (consulté le ).
  9. « L’initiative 99 % bâtit des châteaux en Espagne », sur Le Temps, (consulté le ).
  10. « Votations fédérales du 26 septembre – «L’initiative 99 % menace notre tissu économique» », sur Tribune de Genève (consulté le ).
  11. 20.032 Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital. Initiative populaire, in Curia Vista, base de données parlementaire (avec des liens vers le message du conseil fédéral, les débats des chambres, et d'autres objets parlementaires), consulté le 27 février 2021.
  12. « Votation no 646 - Résultat officiel provisoire - Initiative populaire «Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital» », sur admin.ch, (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]