Incendie de Moscou (1812)

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Incendie de Moscou
Napoléon dans Moscou incendiéepar Albrecht Adam.
Napoléon dans Moscou incendiée
par Albrecht Adam.

Type Incendie
Pays Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Localisation Moscou
Coordonnées 55° 45′ nord, 37° 38′ est
Date 14 septembre 1812
Résultat La majeure partie de Moscou détruite par l'incendie

Carte

L'incendie de Moscou est un événement de la campagne de Russie. L'incendie, de cause incertaine, éclate le lors de la prise de Moscou, lorsque les troupes russes et la plupart des habitants restants abandonnent la ville de Moscou juste devant l'avance de l'empereur français Napoléon dans la ville après la bataille de Borodino. L'incendie a pratiquement détruit la ville, qui avait été en grande partie abandonnée par ses habitants le mois précédent.

Causes[modifier | modifier le code]

Les spécialistes envisagent plusieurs causes. Selon la version officielle du gouvernement tsariste, l'incendie a été causé par les actions des occupants. Selon d'autres sources comme le Sergent Bourgogne dans son livre "Mémoires", l'incendie aurait été provoqué par des forçats. A contrario, Fédor Rostopchine a été accusé par les Français d'avoir ordonné de mettre le feu à la ville. Il n'existe cependant aucune preuve écrite confirmant l'existence d'ordres directs ou d'instructions pour préparer l'incendie de la ville[1]. Aucune preuve ne suggère que l'incendie a été préparé à l'avance[1]. Le retrait des moyens de lutte contre les incendies est souvent avancé comme une preuve de la responsabilité de Rostoptchine mais il convient de noter que, tous les habitants ayant été évacués, ces moyens n'auraient servi à rien en cas d'incendie[1]. Rostoptchine a lui-même adopté des postures contradictoires. Il a parfois semblé accepter la responsabilité qui lui apportait une certaine notoriété, notamment en Allemagne, et l'a finalement rejetée face aux reproches de ses compatriotes russes. Il est parfois rapporté que Rostoptchine aurait libéré des prisonniers avec ordre d'incendier la ville[1]. Mais cela semble relever de la fiction[1]. Les rapports officiels prouvent que la majorité des prisonniers (moins de 700) ont été évacués avec les habitants et que seuls des malades (une petite dizaine) ont été abandonnés sur place[1].

Il semble que certains Moscovites auraient eux-mêmes pu mettre le feu à leur propriété, plutôt que de l'abandonner aux Français. De plus, de nombreux pillages ont eu lieu, suite à l’évacuation de la ville par les autorités, et notamment par la Grande Armée elle-même. Ces pillages et le chaos pourraient être à l'origine de l'incendie[1]. Lors de la retraite de la Grande Armée, le reste de la ville est intentionnellement détruit par les forces françaises, notamment des dépôts de munitions et de vivres[1]. Napoléon donne en particulier l'ordre à Maret de faire exploser le Kremlin[1]. Après le retrait des Français, les pillages se poursuivent, finissant de dévaster la ville[1].

Dégâts[modifier | modifier le code]

Carte de 1817, la zone ravagée par l'incendie est marquée en rouge.

Ivan Kataïev a estimé en 1911 que les destructions ont affecté les 3/4 des bâtiments de la ville :

  • 6 496 des 9 151 maisons privées (ce total comprenait 6 584 bâtiments en bois et 2 567 bâtiments en briques) ;
  • 8 251 magasins de détail et entrepôts (dont la plupart des quartiers d'affaires de Kitaï-gorod et Zamoskvoretche) ;
  • 122 des 329 églises.

Quelque 12 000 corps ont été retrouvés dont environ 2 000 étaient ceux de soldats russes blessés. L'université d'État de Moscou, la bibliothèque du comte Boutourlin, les théâtres Petrovski et Arbatski ont été complètement détruits ; de nombreuses œuvres d'art, notamment le manuscrit du poème épique du Dit de la campagne d'Igor, ont été perdus à jamais. L'orphelinat de Moscou près de Kitaï-gorod, converti en hôpital, a été épargné grâce à la police locale. La population de Moscou en 1811 est estimée à 270 000 habitants ; après la guerre, lorsque les résidents sont revenus dans la ville, elle est tombée à 215 000 ; en 1840, elle a atteint le nombre de 349 000 habitants [2].

Les cartes établies par les autorités russes après la guerre (notamment des cartes militaires de 1817 réimprimées pour le public en 1831) montrent que la majorité du territoire de Moscou a été détruit dans l'incendie, à l'exception notable du Kremlin de Moscou, l'orphelinat, du quartier nord de Bely Gorod (de la rue Tverskaïa à la rue Pokrovka), des étangs du Patriarche à l'ouest, ainsi que des établissements de la banlieue.

Napoléon regardant l'incendie de Moscou depuis les murs du Kremlin par Vassili Verechtchaguine.

Ces plans, qui exagèrent probablement le désastre, montrent certains quartiers épargnés comme détruits. Par exemple, la rue Bolchaïa Nikitskaïa à l'ouest du boulevard périphérique conserve nombre de ses demeures intactes ; les troupes occupantes défendent leurs propres logements ainsi que le théâtre français et la colonie française de Kouznetski Most. Les Français tentèrent même de sauver le palais Batachov[3], occupé par Murat, mais après deux jours de lutte acharnée, celui-ci a été détruit dans l'incendie de l'arrondissement de Taganka.

Le général Marbot objecte à ceux qui prétendaient que l'incendie de Moscou était la principale cause de l'échec de la campagne de 1812 que la destruction de Moscou n'était pas si étendue qu’il ne restât pas suffisamment de maisons, de palais, d'églises ou de casernes pour héberger l'ensemble de l'armée[4]. De plus, de nombreuses unités étaient stationnées en dehors de la ville, par exemple à Ostankino (cavalerie légère) ou Khimki (corps italien) ; d'autres ont été envoyées au sud pour faire barrage aux mouvements des Russes.

Reconstruction de la ville[modifier | modifier le code]

Certains bâtiments du XVIIIe siècle ont été reconstruits selon les plans d'origine.

Après le retrait des forces françaises, les habitants reviennent petit à petit. Des dizaines de milliers de Moscovites sont sans abri, sans compter les nombreux blessés abandonnés sur place[1].

Une pénurie de fonds, publics et privés, retarde la reconstruction de Moscou d'au moins cinq ans. Au cours de ces années, de nombreuses propriétés sont vendues par des propriétaires ruinés et des quartiers entiers changent de composition sociale ; par exemple, toutes les propriétés de la rue Marosseïka autrefois diversifiée sont achetées par la classe marchande[5].

La catastrophe donne aux autorités une occasion unique de replanifier la ville à partir de zéro, comme ce fut le cas à Kiev après l'incendie de Podil de 1811. En février 1813, Alexandre Ier de Russie crée une Commission à la construction à Moscou, avec pour instruction de produire un plan directeur viable pour la ville. Le plan de 1813 de William Hastie est cependant jugé infaisable, et la Commission se tourne alors vers de nombreux architectes et topographes locaux qui produisent le plan directeur final de 1817 (incorporant les idées de Hastie de nettoyer les places centrales de Moscou). En 1816-1830, les urbanistes installent la ceinture des Jardins, une route circulaire à la place d'un ancien rempart de fortification, et élargissent de nombreuses autres rues.

La reconstruction de la place Rouge et de Kitaï-gorod est confiée à Joseph Bové, qui conçoit les façades néoclassiques des bâtiments marchands (actuels GOUM) en miroir de ceux du Sénat du Kremlin de Matveï Kazakov. En février 1818, Ivan Martos achève le monument à Kouzma Minine et Dmitri Pojarski, le premier monument public de Moscou, placé au centre de la place Rouge. Bové a conçoit également la place du théâtre symétrique et achève les théâtres du Bolchoï et de Maly en 1825. L'université de Moscou et d'autres bâtiments publics sont reconstruits par Domenico Giliardi et Afanasy Grigoriev.

Utilisation dans la culture[modifier | modifier le code]

Léon Tolstoï utilise l'incendie dans l'intrigue de Guerre et paix[6] :523 Ces scènes ont été adaptées dans la série de films soviétique de 1965-1967, Guerre et paix ; l'équipe de tournage a planifié les scènes pendant dix mois et a filmé l'incendie avec six caméras au sol et d’autres embarquées dans des hélicoptères[7].

Napoléon (2023) par Ridley Scott, l'incendie a été représenté dans le film.


Voir également[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Fedor Rostopchine, La vérité sur l'incendie de Moscou et d'autres textes, dossier historique de Natalia Griffon de Pleineville, Editions L'Esprit du Temps, mars 2021, lire en ligne.
  • Carl von Clausewitz, Campagne de Russie de 1812, partie 1.
  • Mémoires du général baron de Marbot, chapitre 21
  • L'Incendie de Moscou raconté par Rostopchine et par Mme Narichkine sa fille, Éditions historiques Teissèdre, 14 rue Séguier 75006 Paris, réédition de . La fille de l'auteur dont il s'agit est Nathalie, mariée en 1819 au gouverneur de Crimée Dimitri Narichkine.
  • François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, tome I, pages 802-807, bibliothèque de la Pléiade.
  • Fédor Rostopchine, La Vérité sur l'incendie de Moscou, édité en 1823 par Ponthieu, libraire au 252 de la Galerie de Bois au Palais-Royal.
  • Louise Fusil, L'Incendie de Moscou, la petite orpheline de Wilna, passage de la Berezina et retraite de Napoléon jusqu'à Wilna, imprimé en 1817 par Pillet, imprimeur au 5 de la rue Christine, Paris.
  • Abbé Adrien Surrugues, curé de Saint-Louis des Français à Moscou, Lettres sur l'incendie de Moscou, éditées en 1823 par Plancher, libraire au 15 quai Saint-Michel à Paris.
  • Mémoires du sergent Bourgogne, sortis le , éditions Arléa.
  • G. Lecointe de Laveau, Gide fils, Moscou avant et après l'incendie, notice contenant une description de cette capitale, des mœurs de ses habitants, des événements qui se passèrent pendant l'incendie.
  • Le blog « L'Estafette », outre des extraits illustrés très intéressants fournit des références de livres concernant cette page :
    • Baron Guillaume Peyrusse, En suivant Napoléon, mémoires de 1809-1815, édités en 2009 aux éditions Cléa à Dijon avec une présentation, des compléments et des annotations rédigés par Christophe Bourachot.
    • Louis Gardier, Un journal de la campagne de Russie, en 1812, imprimé en 1912 par Protat frères, imprimeurs à Mâcon.
    • Arthur Chuquet, Lettres de 1812. La première série a été éditée en 1911 par Honoré Champion à la librairie Ancienne.
    • Joseph de Kerckhove, Mémoires sur les campagnes de Russie et d'Allemagne (1812-1813), édités en 2011.
    • Capitaine Vincent Bertrand, Mémoires Grande -Armée, 1805-1815, recueillis et publiés en 1909 par le colonel Chaland de la Guillanche, son petit-fils. Réédition en 1998 à la librairie des Deux empires, établie et complétée par Christophe Bourachot.
  • Yevgeny Tarle, L'invasion de la Russie par Napoléon, dans Тарле, Е. В., "Нашествие Наполеона на Россию", гл. VI "Пожар Москвы".
  • V. Fillipov, , На пути к переписи / Под редакцией Валерия Тишкова - М .: "Авиаиздат", 2003 с. 277–313 [8]
  • IM Katayeva, L'Incendie de Moscou, citant l' édition russe de "Отечественная война и русское общество", в 7тт, т.4, М, издание т-ва И.Д.Сытина, 1911 [9]
  • PV Sytine, Histoire des rues de Moscou (Сытин, П.В., "Из истории московских улиц"), Moscou, 1948.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j et k (en) Alexander Mikaberidze, The Burning of Moscow: Napoleon's Trail By Fire 1812, Pen and Sword, (ISBN 978-1-78159-352-3, lire en ligne)
  2. Fillipov
  3. Aujourd'hui hôpital Yauzskaya.
  4. (en) Jean-Baptiste Antoine Marcelin Marbot (trad. du français par A.J. Butler), The memoirs of General Baron de Marbot, late lieutenant-general in the French army, vol. II, Londres, Longmans, green & Co., (lire en ligne), chap. LXXIV, p. 602.
  5. Sytin, p. 105.
  6. Leo Tolstoy, War and Peace, Garden City, International Collectors Library,
  7. Taylor, « War and Peace: Saint Petersburg Fiddles, Moscow Burns », The Criterion Collection (consulté le )
  8. « Как менялся этнический состав москвичей », Demoscope.ru (consulté le )
  9. « ╚Нревеярбеммюъ Бнимю Х Псяяйне Наыеярбн╩. Рнл Iv. Лняйбю Опх Тпюмжсгюу. Онфюп Лняйбш », Museum.ru (consulté le )