Guillaume Ier (roi de Sicile)

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Guillaume Ier de Sicile
Illustration.
Guillaume Ier de Sicile.
Titre
Roi de Sicile

(12 ans, 2 mois et 11 jours)
Prédécesseur Roger II
Successeur Guillaume II
Biographie
Dynastie Hauteville
Nom de naissance Guillaume de Hauteville
Date de naissance vers 1125
Date de décès
Lieu de décès Palerme
Père Roger II de Sicile
Mère Elvire de Castille
Conjoint Marguerite de Navarre
Enfants Roger IV d'Apulie
Robert III de Capoue
Guillaume II de Sicile
Henri de Capoue

Guillaume Ier (roi de Sicile)
Rois de Sicile

Guillaume Ier de Sicile (de la Maison de Hauteville), dit Guillaume le Mauvais, est le second roi normand de Sicile de 1154 à 1166. Il doit son épithète de « Mauvais » au chroniqueur Hugues Falcand et aux barons normands révoltés qui ont cherché à donner de lui une mauvaise réputation[1]. Après avoir défendu victorieusement le royaume de Sicile contre une invasion byzantine en 1156, il résiste à une révolte des barons normands en 1161. Son fils Guillaume II lui succède en 1166.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origine et accession au trône[modifier | modifier le code]

Le royaume de Sicile en 1154.

Né autour de l'an 1125[2], Guillaume est le quatrième fils du roi Roger II de Sicile et de la princesse Elvire de Castille. Étant le quatrième fils, il n'était pas censé devenir roi un jour. Mais les décès successifs et précoces de ses frères aînés Tancrède (1138), Alphonse (1144) et Roger (1148), changent l'ordre de succession et il est associé à la couronne le [3]. Guillaume devient à la mort de son père, le , le second roi du royaume de Sicile.

Si Guillaume hérite d'un royaume puissant et en plein apogée, son règne s'annonce néanmoins difficile. En effet, à l'extérieur, il est menacé par l'alliance entre la papauté et le Saint-Empire, et, à la mort de Roger, le royaume de Sicile est toujours en guerre avec l'Empire byzantin[4]. À l'intérieur, les barons normands sont mécontents de voir le royaume administré par des hommes de condition inférieure, et revendiquent leur ancienne indépendance[3]. Quant aux villes, elles regrettent leur anciennes libertés et font cause commune avec l'aristocratie[3]. Tous haïssent le personnage le plus puissant du royaume, l'« émir des émirs » Maion de Bari, qu'ils jugent responsable de la conduite du roi à leur égard[5].

L'aristocratie, sous la bannière du comte Robert II de Bassonville n'hésite pas à chercher l'appui de l'empereur germanique Frédéric Barberousse, mais aussi de l'empereur byzantin Manuel Ier Comnène, afin de renverser l'ordre établi[6].

Guerre contre Rome et Constantinople[modifier | modifier le code]

Manuel Ier Comnène, empereur byzantin de 1143 à 1180.

L'autorité de Guillaume est contestée par l’empereur Manuel Comnène, ennemi juré des Normands qui espère encore conquérir l'Italie, ainsi que par le pape Adrien IV. À la fin de l'année 1155, les troupes byzantines s'emparent de Bari et assiègent Brindisi[1]. Le pape entre également en campagne ; il gagne Capoue puis s'installe à Bénévent[7]. L'intervention du pape, combinée à la révolte des vassaux siciliens, facilite l'avancée des troupes byzantines[8].

Guillaume, pourtant habitué à une vie molle et voluptueuse, et aimant peu l'action[9], décide de prendre les devants. Il débarque en Italie, remporte une victoire décisive à Brindisi le et réduit la ville de Bari en cendres[10],[11]. Les sujets rebelles sont pendus, aveuglés ou précipités dans la mer[12],[11]. Les villes et les seigneuries révoltées, terrorisées, se soumettent les unes après les autres[12]. Le prince de Capoue, Robert II, tente de s'enfuir mais est rattrapé au moment de traverser le Garigliano. Il est envoyé en prison à Palerme où le roi lui fait crever les yeux[13]. Assiégé dans Bénévent, le pape Adrien IV se soumet et signe, le , le traité de Bénévent par lequel il reconnaît l'autorité de Guillaume sur la Sicile, l'Apulie, la Calabre et la principauté de Capoue[14].

Un renversement d'alliances se produit. Le souverain normand devient un fidèle allié de la papauté contre les menées de l’empereur Frédéric Barberousse qui cherche à étendre son influence en Italie[14]. Après avoir signé un accord de paix avec l'Empire byzantin en 1158[1], Guillaume tente de poursuivre la politique expansionniste, méditerranéenne et orientale de son père mais finit par perdre toutes les places fortes normandes d'Afrique du Nord. Le dernier bastion normand du royaume normand d'Afrique, Mahdia, tombe entre les mains des Almohades le [15].

Révolte des barons[modifier | modifier le code]

Tancrède de Lecce, l'un des barons révoltés, futur roi de Sicile.

L'année 1160 marque également le retour des troubles secouant le royaume : Maion de Bari est assassiné en novembre dans Palerme, victime d'un complot de la noblesse dirigé par Mathieu Bonnel[1]. Des membres de la famille royale et des barons importants participent également aux troubles : Tancrède de Lecce, Roger Sclavo, Richard de Mandra, Bohémond II de Manoppello, etc. Peu de temps après, le , Guillaume lui-même est capturé et emprisonné à la suite d'un complot de barons rebelles[16]. Les conjurés sont cependant divisés. Certains souhaitent placer le fils de Guillaume, Roger, sur le trône, mais d'autres lui préfèrent le frère bâtard du roi, Simon de Tarente[17].

Le parti du roi profite de ces divisions pour lever contre les conjurés la population sicilienne, qui entame le siège du palais royal[17]. Le roi est libéré mais le jeune Roger, âgé de neuf ans, est tué accidentellement par une flèche égarée[18],[19]. La paix est conclue avec les conjurés ; un certain nombre de seigneurs sont bannis, d'autres reçoivent le pardon du roi[20]. Pourtant, une insurrection générale des vassaux éclate peu après[21]. Guillaume entre en campagne et détruit successivement les villes de Piazza et de Butera[22]. La Sicile une fois pacifiée, l'armée royale passe sur le continent et s'empare de Taverna. Les chevaliers capturés sont sévèrement châtiés : leurs mains sont coupées et leurs yeux crevés[23]. Le souverain prend ensuite Tarente et soumet toute l'Italie du sud, avant de regagner la Sicile. Un impôt extraordinaire, dit de rédemption, est institué afin de punir les villes ayant participé à la révolte[24].

Fin de règne et mort[modifier | modifier le code]

Le Palais de la Zisa, à Palerme, témoignage de la culture de la Sicile normande.

Guillaume passe les dernières années de son règne au fond de son palais. Il supervise la construction du palais de la Zisa à Palerme, et abandonne à ses ministres l'exercice du pouvoir[25]. Il meurt de maladie à Palerme le [26],[27]. Avant de mourir, il nomme comme successeur son jeune fils Guillaume, âgé de douze ans[28], lui laissant un royaume plus fragile qu'en 1154, à la mort du grand roi Roger.

Son corps est d'abord déposé dans la crypte de la chapelle palatine puis inhumé vers 1185 dans la cathédrale de Monreale[29].

Relations avec le pape Adrien IV[modifier | modifier le code]

Le pape Adrien IV.

Guillaume entretiendra des relations ambivalentes avec le pape Adrien IV. Il entre d'abord en conflit, refusant de rendre hommage au souverain pontife. Le pape Adrien marchera alors lui-même à la tête d'une armée pour combattre Guillaume. Par contre à l'issue des combats Adrien IV fut emprisonné à Bénévent. Guillaume fixa alors lui-même les conditions de la libération du pape mais accepta tout de même de lui payer un tribut annuel[30].

D'un autre côté, reconnu à partir de 1156 par le pape, Guillaume devint alors un fidèle allié de la Papauté. C'est surtout contre les menées de l’empereur germanique Frédéric Barberousse qui cherchait à étendre son empire en Italie que Guillaume et le pape unirent leurs efforts. En effet un traité sera alors établi entre les deux souverains pour officialiser leur collaboration[31].

Description[modifier | modifier le code]

Sarcophage de Guillaume Ier dans la cathédrale de Monreale.

Guillaume mesurait près de six pieds, soit environ 1,82 mètre, plutôt grand pour un homme du Moyen Âge, d'où sa réputation de colosse capable de soulever un cheval avec son cavalier. Un chroniqueur contemporain le décrit comme un homme gigantesque « à qui son épaisse barbe noire conférait un aspect terrible et sauvage et qui remplissait de terreur de nombreuses personnes[32] ».

Alexandre Dumas fait mention de ce roi dans l'un de ses ouvrages, Le Speronare, ou le récit des impressions de ses voyages dans le Royaume de Naples, récit paru en 1842 : « …Mais le tombeau qui attira plus spécialement l'attention des antiquaires, fut celui de Guillaume le Mauvais. À l'ouverture du sarcophage, on trouva d'abord une caisse de cyprès enveloppée d'une espèce de drap de satin de couleur feuille morte, et, cette caisse ouverte, on découvrit le cadavre du roi parfaitement conservé, quoique six siècles et demi se fussent écoulés depuis son inhumation. Conforme à la description donnée par l'histoire, il avait près de six pieds de long. Le visage et tous les membres étaient intacts, moins la main droite qui manquait ; une barbe rousse, à laquelle se réunissaient des moustaches pendantes, descendait jusque sur sa poitrine ; les cheveux étaient de la même couleur, et quelques mèches, arrachées du crâne, étaient éparpillées dans le côté gauche de la bière. Le cadavre était couvert de trois tuniques superposées : la première était une espèce de longue veste avec des manches de drap de satin de couleur d'or, qui conservait encore un beau lustre ; elle partait du cou et descendait jusqu'aux mollets en bouffant sur les hanches. Sous cette veste était un autre vêtement de lin qui, partant du cou comme le premier, descendait jusqu'à mi-jambe ; il était en tout semblable à une aube de prêtre ; cette espèce d'aube était serrée autour de la taille par une ceinture de soie couleur d'or dont les deux bouts se réunissaient sur le nombril au moyen d'une boucle. Enfin, sous ce vêtement était une chemise qui partait également du cou, mais qui couvrait tout le corps. Les jambes étaient chaussées de longues bottes de drap qui montaient presque jusqu'au haut des cuisses, et qui, à leur partie supérieure, étaient rabattues sur une largeur de trois pouces. La couleur de ce drap était feuille morte, et il paraissait avoir fait partie du même morceau qui recouvrait la bière. La main gauche, la seule qui restât, était nue, et tout auprès on voyait le gant de la main droite ; ce gant était en soie tricotée de couleur d'or, et sans aucune couture. Vers une des extrémités de la caisse, on retrouva une petite monnaie de cuivre ; au centre était une aigle couronnée, et au-dessus de cette aigle, une croix et quelques lettres dont on ne put retrouver la signification. Il y avait peu de différence entre le costume de Guillaume et ceux qui revêtaient les cadavres de Henri et de Frédéric II, retrouvés à Palerme, en 1784, ce qui prouve que ce costume était l'habit royal des souverains normands. ».

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (en) Edmund Curtis, « William I. of Sicily », 1911 Encyclopædia Britannica [lire en ligne].
  2. Traditionnellement en 1120 mais c'est probablement faux ; son père épouse Elvire de Castille en 1117. Avant Guillaume, il y a au moins trois enfants : Roger, Tancrède et Alphonse.
  3. a b et c Chalandon 1907, p. 168.
  4. Chalandon 1907, p. 167.
  5. Chalandon 1907, p. 182.
  6. Chalandon 1907, p. 182-183.
  7. Chalandon 1907, p. 213.
  8. Chalandon 1907, p. 214.
  9. Chalandon 1907, p. 174-175.
  10. Chalandon 1907, p. 229-230.
  11. a et b Norwich 2018, p. 131.
  12. a et b Chalandon 1907, p. 230.
  13. Chalandon 1907, p. 231.
  14. a et b Norwich 2018, p. 132.
  15. Chalandon 1907, p. 240.
  16. Chalandon 1907, p. 276-277.
  17. a et b Chalandon 1907, p. 278.
  18. Chalandon 1907, p. 279.
  19. Selon Hugues Falcand, c'est le roi lui-même qui aurait fait tuer son fils, mécontent du rôle qu'il aurait joué pendant l'insurrection. Pour Ferdinand Chalandon (p. 279), cette version est peu probable.
  20. Chalandon 1907, p. 282.
  21. Chalandon 1907, p. 284.
  22. Chalandon 1907, p. 284-285.
  23. Chalandon 1907, p. 286.
  24. Chalandon 1907, p. 287.
  25. Chalandon 1907, p. 290.
  26. Chalandon 1907, p. 303.
  27. Norwich 2018, p. 133.
  28. Norwich 2018, p. 135.
  29. Lucien Musset, « Huit essais sur l'autorité ducale en Normandie (XIe – XIIe siècles) », Annales de Normandie, vol. 17, no 1,‎ , p. 3–148 (DOI 10.3406/annor.1985.6662, lire en ligne, consulté le ).
  30. « Pape Adrien IV », sur histoireetspiritualite.com (consulté le ).
  31. Frédéric Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, , 800 p. (lire en ligne), p. 88.
  32. Norwich 2018, p. 127.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources principales[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]