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Eliza de Feuillide

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Portrait d'Eliza Hancock.

Eliza Hancock, devenue Eliza de Feuillide après son premier mariage, puis Eliza Austen après son second mariage, née le à Calcutta et morte le est la cousine germaine de la romancière anglaise Jane Austen.

Née aux Indes, elle arrive en Angleterre en 1765 avec ses parents, pour s'installer ensuite en France en 1779, où elle épouse Jean-François Capot de Feuillide en 1781. Elle rentre avec sa mère en Angleterre en 1790, après le début de la Révolution française, au cours de laquelle son mari sera guillotiné en 1794.

Henry Austen courtise alors Eliza, qu'il épouse en décembre 1797, et avec qui il n'a pas d'enfant. Le fils du précédent mariage d'Eliza, Hastings, meurt en 1801. Eliza meurt elle-même en avril 1813, avec Jane Austen à ses côtés.

Eliza de Feuillide est très présente dans les œuvres de Jane Austen, dont elle a sans doute inspiré plusieurs personnages, en particulier Lady Susan (le personnage central du roman épistolaire Lady Susan) et Mary Crawford, dans Mansfield Park.

Biographie

Naissance en Inde

Gravure représentant Warren Hastings, parrain d'Eliza Hancock, d'après un tableau de Joshua Reynolds.

Eliza Hancock, cousine germaine de Jane Austen, est née le 22 décembre 1761, en Inde, à Calcutta. Elle est la fille de Tysoe Saul Hancock et de son épouse Philadelphia, sœur de George Austen, le père de Jane Austen. Baptisée Elizabeth en souvenir de la fille de Warren et Mary Hastings, morte quelques semaines après sa naissance[1], Eliza a d'ailleurs Warren Hastings pour parrain.

Celui-ci, qui deviendra plus tard le premier gouverneur général de l'Inde britannique, de 1774 à 1785, est un personnage très important, dont on pense qu'il est peut-être le père naturel d'Eliza[2], comme le laisse assez clairement entendre une lettre de Lord Clive à Lady Clive[3],[N 1]. De fait, Warren Hastings suit de très près la vie d'Eliza, lui offrant cadeaux et argent, et allant jusqu'à apprendre lui-même la guitare pour l'amuser[4].

Quoi qu'il en soit, lorsque le père d'Eliza connait des difficultés financières, Warren Hasting assure à sa filleule la sécurité financière par une importante somme d'argent[N 2] qu'il met à son nom[5].

Arrivée en Europe et mariage français

En 1765, les parents d'Eliza regagnent l'Angleterre avec elle ; elle ne reverra plus jamais l'Inde. Après la mort de son père en 1775, elle voyage avec sa mère à travers l'Europe, avant de se fixer à Paris en 1779. Elle y fréquente la haute société, ce qui lui permet de rencontrer Jean-François Capot de Feuillide, gentilhomme de la province d'Armagnac, capitaine an régiment des dragons de la reine [6],[N 3] qui revendique le titre de comte. Elle l'épouse en 1781, puis se rend à Londres en 1786, où elle donne naissance en juin à son seul enfant, Hastings-François-Louis-Eugène, qui nait handicapé. La même année, elle se rend chez les Austen, ses cousins anglais, qui habitent Steventon[5].

Depuis 1782, les Austen prenaient plaisir à organiser des pièces de théâtre amateur, auxquelles participaient les membres de la famille. L'arrivée d'Eliza relance ces spectacles, car, douée d'un certain talent d'actrice, elle tient les principaux rôles féminins dans deux pièces, The Wonder — a woman keeps a secret (Quelle merveille ! Une femme qui garde un secret) de Mrs Susannah Centlivre, et The Chances (Le Hasard), comédie de John Fletcher[7]. La petite troupe, formée des membres de la famille Austen et de quelques voisins, se produit dans la grange l'été, et dans la maison pour les spectacles de Noël[8].

Eliza ne dédaigne pas de flirter avec ses cousins Henry (qui l'épousera après la mort du comte de Feuillide) et James, l'aîné des Austen. Jane Austen, qui n'a que onze ans, est conquise par le talent et l'exotisme de sa cousine « française »[N 4], qu'elle appelle « my very pleasure-loving cousin » (« ma cousine si amoureuse du plaisir ») et qu'elle met en scène dans ses Juvenilia, dont elle commence la rédaction en 1787[9].

Eliza et sa mère s'installent à Londres, dans une belle maison d'Orchard Street. Elles regagnent ensuite toutes deux la France en septembre 1788, à Paris.

Retour en Angleterre

Eliza s'occupe de son fils et de sa mère, jusqu'à la mort de celle-ci en février 1792. Elle se rapproche alors de plus en plus des Austen et, en particulier, de Jane et de Henry, avec lequel elle renoue dès 1792.

Le 22 février 1794, le mari d'Eliza est guillotiné pour avoir tenté de suborner un témoin lors du procès d'un aristocrate de ses amis accusé de faire partie de la conspiration contre la République[10],[N 5] (conspiration dite de Marbœuf[11],[N 6]).

À partir de 1795, Henry se livre à une cour en règle à l'égard d'Eliza, qu'il épouse le 31 décembre 1797. Le fils d'Eliza, Hastings, meurt en 1801, à l'âge de 15 ans ; elle-même n'aura pas d'enfant avec Henry. Elle meurt le 25 avril 1813, à la suite d'une longue maladie[N 7], après que Jane Austen l'a assistée tous au long de ses derniers jours[2].

Personnalité

La personnalité d'Eliza de Feuillide est en particulier connue au travers des trente-deux lettres que l'on a d'elle a sa cousine Philadelphia (Phylly) Walter, entre mai 1780 et octobre 1801[12]. Cette correspondance, et la personnalité qu'elle permet de faire apparaître, a été abondamment analysée, car elle permet de mieux comprendre l'importance d'Eliza de Feuillide tant à l'égard de Jane Austen que pour ce qui est de ses œuvres[13].

Goût de paraître

Dans ces lettres, elle apparait, face à cette cousine un peu guindée (prim), comme désireuse d'éblouir, quitte à plonger dans l'emphase et l'exagération[14].

Flirt

Elle y apparait aussi comme ayant un goût immodéré pour le flirt, non sans un certain côté calculateur, qui a permis à Miss C. L. Thomson de voir en elle l'inspiratrice de Lady Susan[12]. De fait, certaines phrases de la correspondance d'Eliza, où elle décrit à Phylly Walter son flirt avec Henry Austen, pourraient être directement tirées du roman de Jane Austen (lettre de juillet 1797 à Philadelphia Walter[12]).

Amour du théatre

La correspondance d'Eliza avec Philadelphia Walter lors des représentations théatrales (theatricals) à Steventon en 1787 sont également sans doute à l'origine des theatricals qui occupent une place si importante dans Mansfield Park. Elle y incite sa cousine à venir à Steventon pour jouer dans deux pièces, Which is the Man et Bon Ton[15]. Philadelphia Walter refuse d'aller jouer dans ces pièces, peut-être parce qu'elle désapprouve le comportement d'Eliza, car elle conserve d'une visite qu'elle lui rend deux mois auparavant le souvenir d'« une vie dissipée qui m'a mis [...] dans l'esprit que chaque femme est au fond d'elle-même une dévergondée » (a dissipated life that [...] put me in mind that every woman is at heart a rake)[16].

Bath

Eliza dans l'œuvre de Jane Austen

Dans les Juvenilia

Eliza apparaît dans les Juvenilia de Jane Austen :

Love and Freindship

Love and Freindship est dédicacé ainsi :

« To Madame la Comtesse de Feuillide this novel is inscribed by her obliged humble servant The Author.
À Madame la comtesse de Feuillide, ce roman est dédicacé par son humble et obligée servante, L'Auteur. »

Laura y écrit à Marianne, « la fille de son amie la plus intime », Isobel, comtesse de Feuillide. Son vocabulaire s'émaille parfois de quelques mots de français, et elle fait précéder sa signature de « Adeiu » (sic)[N 8].

Henry and Eliza

On admet généralement que c'est bien Eliza de Feuillide qui est ici représentée, et que Henry n'est nul autre que le frère de Jane Austen. Allusion directe, par conséquent, au flirt qui les réunit dans la vraie vie[17].

L'Eliza de Henry and Eliza s'avère être, sinon une enfant naturelle, comme Eliza Hancock l'est peut-être elle-même, du moins une enfant trouvée.

Lady Susan

Miss C. L. Thomson, comme indiqué par ailleurs, a vu dans Eliza de Feuillide l'inspiratrice de Lady Susan (Lady Susan), charmeuse, séduisante au plus haut point, mais calculatrice[12].

Dans les romans de la maturité

Sense and Sensibility

Plus tard, Sense and Sensibility mettra en scène une autre Eliza, également enfant naturelle, peut-être inspirée par Eliza de Feuillide[18].

Mansfield Park

D'autre part, il est souvent avancé que Eliza, avec son talent pour le théatre, sa vivacité, et sa tendance au flirt, est le prototype de Mary Crawford dans Mansfield Park[2].

Annexes

Notes

  1. Robert Clive écrit en effet à sa femme : « In no circumstances whatever keep company with Mrs Hancock, for it is beyond a doubt that she has abandoned herself to Mr Hastings. » (« Ne fréquentez en aucun cas Mrs Hancock, car il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'elle s'est abandonnée à Mr Hastings. »)
  2. La somme se montait en effet à 10 000 livres sterling, versées en 1775 (Poplawski, p. 156).
  3. Jean-François Capot de Feuillide se fait concéder par le Roi, par deux arrêts du Conseil des 26 février et 15 mars 1782, les grands Marais de Barbotan et de Gabarret, immense territoire à cheval sur les communes limitrophes de Cazaubon (Gers) et Gabarret (Landes), à sa charge l’assèchement et la mise en valeur des terrains concédés. Cette mise en valeur et la construction des métairies semblent avoir trouvé une partie de leur financement dans la dot de son épouse, car à son exécution Jean-François aurait dépensé plus de quatre cent mille livres, somme impossible à réunir pour un simple capitaine. Les biens furent mis sous séquestres et l’ensemble se dégrade rapidement, retournant à son état originel. Il faut attendre trente années avant qu’une procédure soit mise en œuvre pour que les marais soient restitué aux héritiers de Jean-François ; Henry Austen espére, au travers des droits de sa femme et de son beau-fils, récupérer le domaine, mais il est débouté au profit des frères et sœurs de Jean-François, par arrêt de la cour d'Agen du 25 Janvier 1825.
  4. Les jeunes filles de la bonne société anglaise se doivent alors de parler français, ce qui ne peut qu'accroître l'aura dont bénéficie Eliza de Feuillide.
  5. James Edward Austen Leigh évoque dans son ouvrage A memoir of Jane Austen qu'« il aurait transformé une terre arable en pâturage », « embarrassant de ce fait le gouvernement de la République ainsi menacée de famine », ironise J. E. Austen Leigh.
  6. Du nom de la marquise de Marbœuf, née Henriette-Françoise Michel. Native de Nantes, fille du directeur de la Compagnie des Indes, elle épouse le marquis de Marbœuf, colonel de dragons, en 1757, dont elle devient veuve en 1763. Propriétaire du château de Champs-sur-Marne, et alors âgée de 55 ans, elle est condamnée à mort le 17 pluviôse an 2, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme convaincu d'avoir désiré l'arrivée des Prussiens et des Autrichiens, pour lesquels elle conservait des provisions.
  7. Eliza Austen meurt peut-être d'un cancer.
  8. Car Jane Austen, en français comme en anglais, prend parfois certaines libertés avec l'orthographe.

Références

  1. David Nokes 1998, p. 29
  2. a b et c Paul Poplawski 1998, p. 156
  3. David Nokes 1998, p. 31
  4. David Nokes 1998, p. 32
  5. a et b Paul Poplawski 1998, p. 155
  6. Revue de Gascogne: Bulletin Bimestriel de la Société Historique de Gascogne, tome XXIX, AUCH 1888, IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE Q. FOIX, RUE BALGUERIE.
  7. Paul Poplawski 1998, p. 6
  8. B. C. Southam, Jane Austen's Literary Manuscripts, 2006, p. 5
  9. Jane Austen, James Kinsley, Fiona J. Stafford, "A Chronology of Jane Austen", Pride and Prejudice, 2004, p. xli-xlvi
  10. Paul Poplawski 1998, p. 9
  11. Revue de Gascogne: Bulletin Bimestriel de la Société Historique de Gascogne, tome XXIX, AUCH 1888, IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE Q. FOIX, RUE BALGUERIE.
  12. a b c et d B. C. Southam 1964, p. 146
  13. Deirdre Le Faye 2002
  14. David Cecil 2009, p. 73
  15. Warren Roberts 1995, p. 145
  16. Warren Roberts 1995, p. 146
  17. Jane Austen, Margaret Anne Doody, Douglas Murray, Catharine and other writings, 1998, p. 298
  18. Jane Austen, Sense and Sensibility, "End notes" de Laura Engel, 2004, p. 314

Bibliographie

  • (en) Deirdre Le Faye, Jane Austen's 'outlandish cousin': the life and letters of Eliza de Feuillide, British Library, , 192 p.
  • (langue non reconnue : <abbr + langue non reconnue : class="abbr + langue non reconnue : indicateur + langue non reconnue : title="langue + langue non reconnue : anglais">(en)< + langue non reconnue : abbr>) Paul Poplawski, A Jane Austen encyclopedia, Greenwood Publishing Group, , 411 p. (ISBN 9780313300172)
  • (langue non reconnue : <abbr + langue non reconnue : class="abbr + langue non reconnue : indicateur + langue non reconnue : title="langue + langue non reconnue : anglais">(en)< + langue non reconnue : abbr>) David Nokes, Jane Austen: a life, University of California Press, (ISBN 9780520216068)
  • (langue non reconnue : <abbr + langue non reconnue : class="abbr + langue non reconnue : indicateur + langue non reconnue : title="langue + langue non reconnue : français">(fr)< + langue non reconnue : abbr>) David Cecil (trad. Virginie Buhl), Un portrait de Jane Austen, Paris, Payot, , 287 p. (ISBN 9782228903783)

Articles connexes

Liens externes