Dihydrorhodamine 123

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Dihydrorhodamine 123
Image illustrative de l’article Dihydrorhodamine 123
Représentation de la dihydrorhodamine 123
Identification
Nom UICPA methyl 2-(3,6-diamino-9H-xanthen-9-yl)benzoate
Synonymes

Dihydrorhodamine 123, DHR, DHR 123

No CAS 109244-58-8
No CE 203-157-5
PubChem 105032
SMILES
InChI
Apparence cristaux blanc-rose
Propriétés chimiques
Formule C21H18N2O3
Masse molaire[1] 346,379 2 ± 0,019 4 g/mol
C 72,82 %, H 5,24 %, N 8,09 %, O 13,86 %,
Propriétés physiques
fusion 163-165 °C[2]
Solubilité 15 g·L-1 dans le DMF à 20 °C.
[3]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La dihydrorhodamine 123 (DHR) est un composé organique colorant non fluorescent, non chargé, dérivé de la rhodamine 123 (R123). Bien qu’elle soit elle-même non fluorescente, la DHR est utilisée comme sonde fluorescente. En effet, la dihydrorhodamine 123 est communément utilisée pour mesurer la production de dérivés réactifs de l’oxygène (DRO) ou des espèces réactives de l’azote (ERA) dans différents types de cellules durant des phénomènes tels que le stress oxydatif, la mort des cellules, ou encore l’exposition au rayonnement UV[4]. L DHR peut se diffuser passivement à travers les membranes où elle est oxydée en rhodamine cationique 123 qui se localise dans les mitochondries[5]. C'est une molécule analogue à la 2,7-dichlorodihydrofluorescine (DCDHF), aussi connue sous le nom de dichlorofluorescéine, lipophile et diffusant à travers la membrane cellulaire[6].

Rôle de sonde fluorescente[modifier | modifier le code]

Réaction d'oxydation avec les dérivés réactifs de l'oxygène[modifier | modifier le code]

Oxydation avec le peroxyde d'hydrogène (H2O2)[modifier | modifier le code]

En présence de DRO, la dihydrorhodamine 123 non fluorescente s’oxyde avec le peroxyde d'hydrogène (H2O2) en R123 fluorescente dans les cellules[7],[8],[9].

Oxydation de la DHR en R123 : l'un des groupes amines subit une tautomérisation pour donner un groupe imine chargé permettant de piéger efficacement la R123 dans les cellules[10].

La DHR est capable de détecter les DRO dans les granulocytes neutrophiles. Ces cellules sanguines sont capables de générer une large quantité de DRO après avoir activé le coenzyme NADPH en utilisant le PMA (Phorbol 12-myristate13-acetate). L’ion superoxyde O2 généré par le NADPH, s’oxyde rapidement par dismutation en peroxyde d'hydrogène H2O2 et dioxygène O2 selon la réaction suivante :

+

L’interaction entre H2O2 et DHR se fait dans le milieu extracellulaire où la réaction d’oxydation est lente. La molécule H2O2 est l'un des DRO les plus stables en raison de sa nature non chargée, elle peut facilement traverser les membranes plasmiques des cellules et induire à des effets toxiques dans ces dernières.

Dans la membrane plasmique, la réaction d’oxydation peut-être catalysée par des enzymes telles que la peroxydase ou la Cytochrome c oxydase. Dans ce milieu, la réaction est rapide. De plus, la peroxydase est essentielle pour la formation du produit R123. En effet, H2O2 ne réagit pas directement avec la DHR, il faut un autre intermédiaire réactif pour que la réaction d'oxydation ait lieu[4]. Contrairement au H2O2, le produit R123 ne peut pas traverser la membrane plasmique en raison de sa charge positive, elle est alors retenue à l'intérieur des cellules ce qui conduit à une augmentation de fluorescence dans ces dernières[7].

Cycle réactionnel de la dihydrorhodamine 123 dans les cellules[7]:H2O2 ne réagit pas directement avec la DHR123, il exige à la peroxydase de convertir H2O2 en un autre intermédiaire qui réagira avec DHR123 et générer R123.
Oxydation avec le peroxynitrite (NO3)[modifier | modifier le code]

La DHR peut également s'oxyder avec un autre type de DRO, le peroxynitrite (NO3) pour former la R123[11]. Contrairement au H2O2, NO3 (ainsi que l'acide chloreux (HOCl), un DRO qui permet aussi d'oxyder la DHR), peut oxyder directement la DHR. Le peroxinitrite est un puissant agent oxydant, il est obtenu à partir du monoxyde d'azote qui réagit avec l'anion superoxyde :

+

Dans certaines conditions pathologiques telles que l'inflammation, les chocs hémorragiques ou encore l'ischémie reperfusion, les cellules tendent à produire de manière simultanée le monoxyde d'azote et l'ion superoxyde conduisant à la formation du peroxynitrite.

Réaction d'oxydation avec les métaux de transitions[modifier | modifier le code]

Certains métaux tels que le Fe2+ peuvent oxyder la DHR à partir de la réaction de Fenton. Deux réactions sont possibles[12] :

  • La réaction de Haber-Weiss, elle permet la formation du radical HO.

(1)

  • La réaction de Bray-Gorin, elle permet de générer le radical FeIVO2+

(2)

Les deux radicaux peuvent oxyder la DHR selon les réactions suivantes:

(1')

ou

(2')

Synthèse[modifier | modifier le code]

La synthèse de cette molécule se réalise en solution aqueuse, en présence du solvant CH2Cl2, du réducteur NaBH4 et de la rhodamine 123. On obtient une phase organique contenant la DHR. Cette phase organique est alors séparée de la phase aqueuse, puis évaporée pour enlever le solvant. L’huile obtenue est alors purifiée par chromatographie, dissoute dans CH2Cl2 et précipitée avec de l’hexane. On obtient un solide de couleur blanc-rose[2].

Utilisation dans le domaine médical[modifier | modifier le code]

La dihydrorhodamine 123 permet de dépister la granulomatose septique chronique dans les soins pédiatriques. C’est une maladie héréditaire conduisant à des infections causées par un défaut de production de superoxyde. Le dépistage est fait par dosage de DHR par cytométrie en flux et test sur lame au colorant Chlorure de tétrazolium bleu Nitro. Des échantillons sont testés pour une explosion oxydative, caractérisée par une importante production du superoxide anion O2, la molécule DHR est alors oxydée pour former la R123 fluorescente[13].

En radiothérapie, plus précisément en hadronthérapie, la DHR est utilisée pour préparer des dosimètres de gel radio-fluorogénique à faisceau d’ions lourds avec un transfert linéique d'énergie (TLE) faible. La dihydrorhodamine 123 est oxydée en rhodamine 123 par exposition aux rayonnements ionisants[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a et b B. M. Kinsey, A. I. Kassis, F. Fayad, W. W. Layne et S. J. Adelstein, « Synthesis and biological studies of iodinated (127/125I) derivatives of rhodamine 123 », Journal of Medicinal Chemistry, vol. 30, no 10,‎ , p. 1757–1761 (ISSN 0022-2623, PMID 3309314, DOI 10.1021/jm00393a013)
  3. G. Rothe, A. Oser et G. Valet, « Dihydrorhodamine 123: a new flow cytometric indicator for respiratory burst activity in neutrophil granulocytes », Naturwissenschaften, vol. 75, no 7,‎ , p. 354–355 (ISSN 1432-1904, DOI 10.1007/BF00368326, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b Pascal Djiadeu, Dhia Azzouz, Meraj A. Khan, Lakshmi P. Kotra, Neil Sweezey et Nades Palaniyar, « Ultraviolet irradiation increases green fluorescence of dihydrorhodamine (DHR) 123: false-positive results for reactive oxygen species generation », Pharmacology Research & Perspectives, vol. 5, no 2,‎ (ISSN 2052-1707, DOI 10.1002/prp2.303, lire en ligne, consulté le )
  5. Kartik Dhar, Anithadevi Kenday Sivaram, Logeshwaran Panneerselvan, Kadiyala Venkateswarlu et Mallavarapu Megharaj, « Efficient bioremediation of laboratory wastewater co-contaminated with PAHs and dimethylformamide by a methylotrophic enrichment culture », Journal of Environmental Management, vol. 325,‎ , p. 116425 (ISSN 0301-4797, DOI 10.1016/j.jenvman.2022.116425, lire en ligne, consulté le )
  6. J. P. Crow, « Dichlorodihydrofluorescein and dihydrorhodamine 123 are sensitive indicators of peroxynitrite in vitro: implications for intracellular measurement of reactive nitrogen and oxygen species », Nitric Oxide: Biology and Chemistry, vol. 1, no 2,‎ , p. 145–157 (ISSN 1089-8603, PMID 9701053, DOI 10.1006/niox.1996.0113)
  7. a b et c L. M. Henderson et J. B. Chappell, « Dihydrorhodamine 123: a fluorescent probe for superoxide generation? », European Journal of Biochemistry, vol. 217, no 3,‎ , p. 973–980 (ISSN 0014-2956, PMID 8223655, DOI 10.1111/j.1432-1033.1993.tb18328.x)
  8. Jianrong Li, Olivier Baud, Timothy Vartanian, Joseph J. Volpe et Paul A. Rosenberg, « Peroxynitrite generated by inducible nitric oxide synthase and NADPH oxidase mediates microglial toxicity to oligodendrocytes », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 102, no 28,‎ , p. 9936–9941 (ISSN 0027-8424, PMID 15998743, PMCID PMC1174990, DOI 10.1073/pnas.0502552102, lire en ligne, consulté le )
  9. Paige Lacy, Dalia Abdel-Latif, Melissa Steward, Sorin Musat-Marcu, S. F. Paul Man et Redwan Moqbel, « Divergence of mechanisms regulating respiratory burst in blood and sputum eosinophils and neutrophils from atopic subjects », Journal of Immunology (Baltimore, Md.: 1950), vol. 170, no 5,‎ , p. 2670–2679 (ISSN 0022-1767, PMID 12594296, DOI 10.4049/jimmunol.170.5.2670)
  10. Ana Gomes, Eduarda Fernandes et José L. F. C. Lima, « Fluorescence probes used for detection of reactive oxygen species », Journal of Biochemical and Biophysical Methods, vol. 65, nos 2-3,‎ , p. 45–80 (ISSN 0165-022X, PMID 16297980, DOI 10.1016/j.jbbm.2005.10.003)
  11. Csaba Szabó, Andrew L. Salzman et Harry Ischiropoulos, « Peroxynitrite-mediated oxidation of dihydrorhodamine 123 occurs in early stages of endotoxic and hemorrhagic shock and ischemia-reperfusion injury », FEBS Letters, vol. 372, nos 2-3,‎ , p. 229–232 (ISSN 1873-3468, DOI 10.1016/0014-5793(95)00984-H, lire en ligne, consulté le )
  12. Takuya Maeyama, Anri Mochizuki, Kazuki Yoshida, Nobuhisa Fukunishi, Kenichi L. Ishikawa et Shigekazu Fukuda, « Radio-fluorogenic nanoclay gel dosimeters with reduced linear energy transfer dependence for carbon-ion beam radiotherapy », Medical Physics, vol. 50, no 2,‎ , p. 1073–1085 (ISSN 2473-4209, DOI 10.1002/mp.16092, lire en ligne, consulté le )
  13. Sabina Langer, Nita Radhakrishnan, Soma Pradhan, Jasmita Das, Amrita Saraf et Jyoti Kotwal, « Clinical and Laboratory Profiles of 17 Cases of Chronic Granulomatous Disease in North India », Indian Journal of Hematology and Blood Transfusion, vol. 37, no 1,‎ , p. 45–51 (ISSN 0974-0449, DOI 10.1007/s12288-020-01316-6, lire en ligne, consulté le )
  14. Takuya Maeyama, Anri Mochizuki, Kazuki Yoshida, Nobuhisa Fukunishi, Kenichi L. Ishikawa et Shigekazu Fukuda, « Radio-fluorogenic nanoclay gel dosimeters with reduced linear energy transfer dependence for carbon-ion beam radiotherapy », Medical Physics, vol. 50, no 2,‎ , p. 1073–1085 (ISSN 2473-4209, DOI 10.1002/mp.16092, lire en ligne, consulté le )