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Conseil à la France désolée

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Conseil à la France désolée
Auteurs
Sébastien Castellion
S. Chateillon (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Date de parution
Lieu de publication

Le Conseil à la France désolée, en forme longue le Conseil à la France désolée, auquel est monstré la cause de la guerre présente et le remède qui y pourroit estre mis, et principalement est avisé si on doit forcer les consciences est un pamphlet publié anonymement par Sébastien Castellion en .

Le texte, publié au début de la Première Guerre de Religion, s'oppose à l'intolérance religieuse et propose une voie commune de paix pour les protestants et catholiques qui se fonderait sur la tolérance religieuse. Si l'oeuvre, comme le Traité des Hérétiques, ne parvient pas à empêcher les Guerres de Religion, elle demeure un des premiers textes à défendre la liberté de religion dans l'époque moderne.

Histoire[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Castellion est un théologien humaniste protestant ; il évolue à Strasbourg puis se rend à Genève pour assister Jean Calvin[1]. Rapidement déçu par la jeune théocratie, il devient critique du prêcheur de manière croissante,[2]. Cette opposition atteint son paroxysme avec l'exécution de Michel Servet, un théologien protestant perçu comme hétérodoxe, brûlé vif à Genève[1],[2],[3].

Castellion, qui est réfugié à Bâle, entreprend d'écrire contre Calvin[1]. En , il pubie le Traité des Hérétiques, où il s'oppose à la théologie qui sous-tend les persécutions contre les hérétiques[1],[2],[3].

Rédaction[modifier | modifier le code]

Le pamphlet est rédigé par Castellion en 1562, peu de temps avant sa mort[4], et publié à Bâle de manière anonyme[5]. Il est long d'environ 20 000 mots[4]. Le texte est à l'époque très mal reçu dans les communautés protestantes et chez les catholiques, les protestants l'accusant de trahison et les catholiques d'hérésie[5]. Contrairement aux critiques protestantes, notamment les attaques de Théodore de Bèze, Castellion semble ne pas ignorer la situation des protestants en France, étant en contact direct avec des réfugiés protestants[5].

Analyse[modifier | modifier le code]

Thèses défendues[modifier | modifier le code]

L'aspect central de l'ouvrage vise à cibler les protestants et catholiques, attaquer les violences entre les deux partis et appeler à un retour à la « raison »[6],[7],[8]. Castellion y développe l'idée de la coexistence pacifique des religions[9]. Contrairement au Traité des Hérétiques, qui cible principalement Jean Calvin, ici, l'auteur fait un recentrage et attaque aussi le fanatisme dont font preuve certains catholiques[10]. Pour lui, l'origine des Guerres de Religion est à chercher dans l'intolérance religieuse[7]. Castellion utilise la figure biblique d'Ananie pour cibler ses opposants, qu'il associe à cette figure, perçue comme hypocrite et fausse[11]. En utilisant un récit biblique, celui de Suzanne, le théologien fait le lien entre le viol et le fait de forcer quelqu'un à changer de religion[12].

Postérité[modifier | modifier le code]

Le pamphlet est considéré comme l'un des premiers textes défendant la liberté de religion de l'époque moderne[12],[13]. Le texte acquiert une importance particulière et est réutilisé au sein du protestantisme par les Remontrants dans le cadre de leurs controverses[7].

En 1936, Stefan Zweig publie Conscience contre violence, une biographie de Castellion où il lui rend hommage[14].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Pierre Bühler, « Formes Précoces De L'idée Moderne De Tolérance Religieuse Chez Sébastien Castellion », Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 147, no 4,‎ , p. 345–358 (ISSN 0035-1784, lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c Charles Bost, « Sébastien Castellion Et L'opposition Protestante Contre Calvin », Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 2, no 10,‎ , p. 301–321 (ISSN 0035-1784, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Marius Valkhoff, « Sebastian Castellio and His 'De Haereticis a Civili Magistratu Non Puniendis...libellus' », Acta Classica, vol. 3,‎ , p. 110–119 (ISSN 0065-1141, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b William H. Huseman, « The Expression of the Idea of Toleration in French during the Sixteenth Century », The Sixteenth Century Journal, vol. 15, no 3,‎ , p. 293–310 (ISSN 0361-0160, DOI 10.2307/2540765, lire en ligne, consulté le )
  5. a b et c Carlos Gilly, « Sebastian Castellio Und Der Politische Widerstand Gegen Philipp Ii. Von Spanien », Nederlands archief voor kerkgeschiedenis / Dutch Review of Church History, vol. 77, no 1,‎ , p. 23–40 (ISSN 0028-2030, lire en ligne, consulté le )
  6. Volker Mecking, « Sébastien Castellion, Conseil de la France desolée (1562): étude lexicale », UR CONFLUENCE : Sciences et Humanités (EA 1598),‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. a b et c Edwin Curley, « Sebastian Castellio's Erasmian Liberalism », Philosophical Topics, vol. 31, nos 1/2,‎ , p. 47–73 (ISSN 0276-2080, lire en ligne, consulté le )
  8. Hans de Waardt, « Witchcraft, Spiritualism, and Medicine: The Religious Convictions of Johan Wier », The Sixteenth Century Journal, vol. 42, no 2,‎ , p. 369–391 (ISSN 0361-0160, lire en ligne, consulté le )
  9. Mario Turchetti, « « Concorde ou tolérance? » de 1562 à 1598 », Revue Historique, vol. 274, no 2 (556),‎ , p. 343 (ISSN 0035-3264, lire en ligne, consulté le )
  10. Mirjam van Veen, « '... Stoica Paradoxa...' Sebastian Castellio's Polemic Against Calvin's Doctrine of Predestination », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 77, no 2,‎ , p. 325–350 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  11. Max Engammare, « Castellion Et Le "De Imitando Christo" De 1563: Une Pure Et Pieuse Castration », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, vol. 74, no 3,‎ , p. 465–477 (ISSN 0006-1999, lire en ligne, consulté le )
  12. a et b Michiel Bot, « The Right to Offend? Contested Speech Acts and Critical Democratic Practice », Law and Literature, vol. 24, no 2,‎ , p. 232–264 (ISSN 1535-685X, DOI 10.1525/lal.2012.24.2.232, lire en ligne, consulté le )
  13. Kurt Glaser, « Beiträge zur Geschichte der politischen Literatur Frankreichs in der zweiten Hälfte des 16. Jahrhunderts. I. Teil », Zeitschrift für französische Sprache und Literatur, vol. 33,‎ , p. 44–100 (ISSN 0044-2747, lire en ligne, consulté le )
  14. Mireille Fognini, « Quand Stefan Zweig stigmatise l'exercice de l'autorité pervertie en tyrannie », Le Coq-héron, vol. 208, no 1,‎ , p. 107 (ISSN 0335-7899 et 1951-6290, DOI 10.3917/cohe.208.0107, lire en ligne, consulté le )