Chefferie supérieure Bankon-nord

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Chefferie supérieure Bankon-nord
Présentation
Destination actuelle
Chefferie supérieure
Matériau
Ciment, parpaings, tôle ondulée
Construction
Avant 1940
Rénovation
2018
Commanditaire
Localisation
Pays
Commune
Quartier
Mandouka
Région historique
Royaume Bankon
Coordonnées
Carte

La Chefferie supérieure Bankon-nord, ou Abo-nord, est un ensemble de bâtiments localisés à Mandouka, dans la commune de Bonaléa, dans le département du Moungo, dans la région Littoral, au Cameroun. Si la chefferie, en tant que lieu de pouvoir, existait depuis les fondateurs de la lignée dynastique, les bâtiments actuels ont été érigés par le roi André-Marie Ngom Priso Lea, avant la seconde guerre mondiale. Ils ont été entretenus et rénovés par son fils, Emmanuel Richard Priso Ngom Priso.

La chefferie est à la fois le siège d'où le chef supérieur exerce son pouvoir, mais aussi un ensemble de bâtiments et de terrains dédiés aux activités administratives, protocolaires et rituéliques du roi[1].

Disposition des lieux[modifier | modifier le code]

La chefferie « soigneusement encloses de haies végétales doublées de clayonnages de rachis de raphia » (Morin 1996, p. 80). Autour du bâtiment principal (ou grande case), on observe une large gamme de prérogatives : espaces festifs constitués du meuyo (petit espace plat de forme rectangulaire ou carré) et du teto (place de forme similaire mais moins étendue), cour nobiliaire, portiques à toits coniques, piliers, cadres de porte décorés, claies de raphia adossées aux murs.

Dans le bâtiment principal se trouve une grande salle, que l'on peut assimiler à la fois à la salle du trône et à la salle du conseil. Elle est desservie par plusieurs portes, qui rejoignent les appartements du chef supérieur. D'autres pièces, donnant sur l'arrière du bâtiment, sont des chambres permettant d'accueillir des hôtes, ou d'offrir un hébergement à des notables faisant partie du conseil, ainsi qu'à des personnalités d'importance (l'infirmière du dispensaire, le(s) enseignant(s) de l'école, etc.). Une cuisine vient compléter ce premier bâtiment.

Différentes cours et petits jardins permettent de séparer le bâtiment principal de ses annexes ; un pavillon destiné aux réceptions et aux invités, héberge aussi les temps forts rituéliques propres aux sociétés secrètes traditionnelles. Un espace de recueillement et de mémoire est organisé autour du cimetière des rois Bankon.

Construction en matériaux modernes[modifier | modifier le code]

Au début du XXe siècle, la colonisation allemande s'attaque à de nombreux villages et notamment aux lieux de pouvoir ; de nombreux incendies sont perpétrés dans les villages[2]

« Le déclin architectural commence avec les Allemands dès 1912. Les principaux souvenirs d’alors restent les incendies perpétrés dans la chefferie, aux conséquences dramatiques pour le patrimoine culturel. (...) les Allemands vont intervenir et incendier à plusieurs reprises le village. »

Ces dangers incitent les souverains à construire ou à reconstruire les bâtiments avec des matériaux présentant moins de risque. C'est le cas ici où les anciens bâtiments réalisés en matériaux traditionnels ont été remplacés par une construction employant des techniques européennes, jugées moins dangereuses.

« Effrayées par la propension de ces cases à brûler comme des torches, les populations recourent de plus en plus au nouveau modèle architectural sculpté dans les briques de terre crue et coiffé de tôles ondulées en aluminium. Ces matériaux nouveaux apparemment résistants au feu, s’ils fascinent et attirent la population, se présentent aussi comme signe extérieur de richesse. Ils vont progressivement acculer à l’abandon la case traditionnelle, de plus en plus considérée comme un modèle architectural d’un autre âge, et désormais traitée de ringard ou de torche potentielle[3] »

L'évolution de la construction en matériaux modernes, pour la chefferie Bankon nord, comme pour la plupart de celles de la région, est décrite par Josué Modjom Tchuenchié, de manière particulièrement détaillée :

« Les techniques et les styles hérités du passé furent progressivement remplacés par des matériaux et des procédés de construction d’origine européenne, évoluant au rythme des progrès technologiques. Aujourd’hui, villas et bâtisses foisonnent au sein de la chefferie, offrant un contraste saisissant avec l’architecture traditionnelle. (...) La première évolution consista à introduire la tôle en lieu et place du chaume, (ce) qui donne aux toitures actuelles une forme conique. À la faveur des progrès réalisés en menuiserie, les battants de porte confectionnés à base de pétioles de raphia furent remplacés par des portes en bois ou en métal. Les lianes de raphia frais qui servaient jadis à consolider les claies de raphia, ont été abandonnées au profit des clous, ou de fils d’attache en plastique plus résistants. À leur arrivée, les missionnaires européens initièrent les populations à la fabrication des briques de terre, désormais utilisées pour les constructions. Les sols, jadis damés de terre, sont soit cimentés soit carrelés. Par ailleurs, les clôtures de haie vive qui entouraient les concessions ont laissé la place à des barrières en parpaings. Les murs désormais construits en briques de terre ou en parpaings sont décorés de claies de raphias. Signalons également la disparition des piliers en bois au profit de poteaux construits en béton. Ainsi, la tôle ondulée, les clous, les planches, le béton, le fer, les parpaings, les carreaux, sont devenus des matériaux incontournables. »

Sculptures[modifier | modifier le code]

Exemple de portes et d'huisseries sculptées

On retrouve à différents endroits de grandes pièces de bois ancien ouvragé. Il peut s'agir de cadres de portes, de cadres de fenêtres, de dossier ou de socle de trône, de porte même. Il s'agit de mobilier propre aux dignitaires de la chefferie.

Ces sculptures sont l'expressions de l’art de cour, où représentations zoomorphes et anthropomorphes, anthropozoomorphes ou géométriques, sont taillées dans arbre d'essence noble, comme le bubinga. Ces fresques mêlant représentations humaines et animales, dont le droit d’usage relevait exclusivement du Roi, sont des symboles du pouvoir au sein de la chefferie ; leur valeur politique résulte de l’ordre coutumier qui régit l’organisation sociale, hiérarchisée[4].

Dans leur signification, ces graphies témoignent des liens connectant intimement l’homme, le monde animal et les puissances naturelles environnantes

Ces représentations ont une valeur historique et pédagogique dans les sociétés de tradition orale comme les Bankon ou les Barombi, où, à défaut d’expression écrite, on signifiait des principes partagés à base de formes et de signes.

Décorations[modifier | modifier le code]

Koupgang et Taboué indiquent que : « le rang social d’un individu a souvent trait à la possession de certains objets cultuels et culturels : sièges, masques, parures, costumes, instruments de musique et éléments architecturaux »[5]. Ainsi l'on retrouve toutes les marques du pouvoir qui ont été offertes en cadeau au souverain tout au long de son règne : colliers, couvre-chefs, trônes et sièges de procession. De nombreux objets et meubles sont personnalisés au nom du monarque.

AU fil du temps, et pour distinguer tel ou tel de ses notables ou célébrer un anniversaire, le Roi fera réaliser un objet ou un meuble destiné à remercier ou mettre en valeur la personnalité qui l'aura secondé avec efficacité.

Textes muraux[modifier | modifier le code]

Pouvoirs des chefferies[modifier | modifier le code]

Influence traditionnelle[modifier | modifier le code]

Les rois traditionnels conservent une forte influence morale et spirituelle sur leurs administrés. Néanmoins, du fait de l'absence de nombreux rois de leurs villages (ceux-ci étant par ailleurs fonctionnaires, hommes d'affaires, etc.), les royaumes (chefferies) perdent peu à peu de leur influence, souvent au profit des élus locaux, comme les maires ou les députés.

Pouvoir juridique[modifier | modifier le code]

En 1963, la cour suprême du Cameroun a jugé que partout où il a été légiféré, la loi l'emporte sur la coutume. Elle ne s'applique que dans les vides législatifs. De même, la coutume ne peut aller contre la constitution.

En matière foncière, la coutume a longtemps été utilisée faute de droit écrit, mais la loi a prévu la transformation de la propriété coutumière en titre foncier sous peine de déchéance.

Les litiges coutumiers peuvent être tranchés par des tribunaux coutumiers, mais ceux-ci sont appelés à disparaître au profit des tribunaux de premier degré.

Galerie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

  1. Ministère des Arts et de la Culture du Cameroun, « La Grande Case dans la Chefferie traditionnelle des Grassfields », sur UNESCO Centre du patrimoine mondial,
  2. François Kuipou Chimba Kom, La chefferie de Bayangam: de l'origine à nos jours, Centre d'Edition et de Production pour l'Enseignement et la Recherche, Yaoundé - 1986 - Ethnology - 176 pages
  3. Bienvenu Denis Nizésété, Apports de l'archéologie à l'histoire du Cameroun, Paris, éditions l'Harmattan, , 426 p. (ISBN 978-2-343-02308-3), p.35
  4. Josué Modjom Tchuenchié, « L’architecture nobiliaire à Bayangam : produit de l’environnement et expression du pouvoir », sur TROUBLES DANS LES COLLECTIONS, (consulté le )
  5. KOUPGANG, Albertin et NOTUE, Jean Paul (2005), « Catalogue des objets culturels du musée de Bandjoun », in Bandjoun trésors royaux au Cameroun tradition dynamique, création et vie catalogue du musée Bandjoun, Milan, Editions 5 continents, pp.181-245.