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Bataille du pont du Feneau

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La bataille du pont du Feneau fut la dernière bataille de l'invasion de l'Île de Ré par les forces britanniques venues apporter leur aide à la rébellion huguenote de La Rochelle. Cet échec final força les Britanniques à se replier vers l'Angleterre.

Avant la bataille

Côté britannique

Les forces britanniques, ayant été défaites plus tôt dans la journée au siège de Saint-Martin, se replient vers Loix, où sont situés leurs navires. À cause de la mauvaise nourriture, leur armée comprend de nombreux malades[1]. Elle est commandée par George Villiers, duc de Buckingham et est composée par 12 régiments d'infanterie et 4 canons ainsi que quelques Protestants rochelais volontaires[2], couverts par leur cavalerie, constituée d'au moins 68[3] chevaux[4].

Sans avoir aperçu les forces françaises de toute la journée , les troupes de Buckingham pensent que les Français n'attaqueront pas et ne prenant pas de précautions, ne marchent ni en rangs serrés ni ouverts. Ils arrivent au pont en bois du Feneau qu'ils construisirent lors de leur débarquement[5], reliant l'île de Loix du reste de l'Île de ré[2].

Côté français

Les forces françaises sont commandées par le Maréchal Henri de Schomberg qui, informé par Jean de Saint-Bonnet de Toiras de la retraite des Anglais[5], a rassemblé son armée et s'est mis à leur poursuite. La cavalerie est dirigée par Louis de Marillac[6].

La bataille

La tête de colonne de l'armée anglaise se dirige vers Loix. Deux bataillons britanniques, menées par le colonel[7] Sir Edward Conway, Sir Peregrine Barty et Sir Henery Spry ont traversé le pont. Un autre, mené par le colonel[7] Sir Charles Rich, frère du comte de Hollande[8], Henry Rich et demi-frère de Milord Montjoy, Sir Alexander Brett et le lieutenant de Sir Thomas Morton (lui-même étant malade) s’apprêtent à passer le pont[2] avec les 4 canons[3]. Deux autres bataillons restent devant le pont, commandés par le colonel[7] Sir William Courtney, le lieutenant-colonel[7] Sir Edward Hawley et Sir Ralph Bingley[2].

Le Maréchal de Schomberg, ayant traversé le village de La Couarde, est informé par Marillac de la position adverse[2] : la tête de colonne britannique s'engage lentement, en raison de son étroitesse, sur pont du Feneau.[6] Jugeant le moment opportun, le maréchal ordonne au capitaine de Bussi-Lamet de charger l'arrière-garde anglaise avec son escadron. Il est suivi de près par Marillac et Schomberg lui-même, à la tête du reste de la cavalerie.[5] Les cavaliers anglais ripostent mais sont défaits. De nombreux Britanniques sont tués, dont Sir William Cunningham et d'autres capturés comme Milord Montjoy Blount, colonel de cavalerie et demi-frère de Sir Charles Rich et du comte de Hollande[9], Henry Rich[2]. L'infanterie britannique intervient alors mais finit par être vaincue aussi. Deux régiments de l'infanterie française celui de Piémont alors commandé par François Duval de Fontenay-Mareuil[10], et celui Champagne alors commandé par Pierre Arnaud[11] arrivent dans la mêlée[12]. Une grande partie des forces britanniques est poussée violemment dans les fossés boueux et vaseux avoisinants[5]. Les 2 bataillons anglais en avant du pont sont vaincus. Certains protestants rochellais volontaires parviennent à traverser le pont. Les Français s'engagent dessus, tuant tous sur leur passage, notamment Sir Charles Rich et Sir Alexander Brett, qui tentent de le défendre[3]. Il existe alors deux versions de l'issue de la bataille.

Version Britannique

Après avoir traversé le pont, les forces françaises, Marillac en tête, sont confrontées à Sir Thomas Fryar et le lieutenant-colonel Hackluit commandant 40 piquiers et 20 mousquetaires qui gardent l'artillerie et les munitions. Ils sont aussitôt assistés par Sir Piers Crosby, commandant d'un régiment irlandais. Les Français alors pris de panique se retirent vers le pont malgré les ordres de Marillac. Ils se regroupent ensuite et Saligny, avec un groupe de piquiers, chargent à nouveau. Ils sont cependant repoussés et perdent un commandant. Ils chargent une ultime fois, sont à nouveau repoussés et se replient, pourchassés par les Anglais jusqu'au-delà du pont. Dans leur fuite, ils font tomber Marillac de cheval. Les Anglais mettent fin à la poursuite et repassent le pont, qui est mis sous la garde de Sir Piers Crosby. Quelques jours plus tard, quand les conditions sont favorables, celui-ci brûle le pont, et les forces britanniques survivantes rembarquent dans leurs navires[2],[3].

Version Française

"Combat et victoire obtenue sur les Anglois" par Michel de la Mathoniere, 1627

Marillac met pied à terre et prend le commandement[13]. Après avoir traversé le pont, les premières forces françaises s'emparent de l'artillerie ennemie : les 4 petits canons[5]. Le nombre des soldats au front n'est pas très grand, car une part des forces françaises est occupée à capturer des prisonniers ainsi que l'arsenal anglais. Marillac donne l'ordre de déplacer l'arsenal cent pas derrière. Le comte de Saligny, arrive alors avec quelques hommes frais. Il se bat remarquablement et les soldats britanniques haussent leurs piques et marchent vers lui. Il ne lui reste alors qu'une douzaine d'hommes dont Feuquiere et Porcheux, capitaine au régiment des gardes[14], qui contiennent les adversaires anglais. Les hommes autour de Marillac se replient en désordre, malgré ses ordres, le renversant même. Mais Saligny et ses hommes tiennent bon et contiennent les Britanniques, ce qui donne le temps aux autres forces françaises d'être rafraîchis et de retourner dans la mêlée. Le combat dure deux heures, au terme duquel les Français triomphent[13].

L'armée britannique est en débandade. La chaussée de Loix est couverte de cadavres, les fossés sont remplis de chevaux et d'hommes qu'on assomme dans la boue. Des soldats britanniques crient qu'ils sont catholiques en brandissant des chapelets et demandent grâce, mais les troupes française continuent leur massacre. De nombreux soldats de valeurs français sont dans la mêlée : le marquis d'Annonay, Charles de Lévis-Ventadour[15], qui sera duc de Ventadour; Antoine d'Aumont de Rochebaron, marquis de Villequier; le chevalier de Chappe et son frère; Jean d’Estampes-Valençay, baron de Valençay; Le comte de Charraux ou Chârost Louis de Béthune, qui deviendra capitaine des gardes du corps du Roi et gouverneur de Calais; le comte de Saligny, "homme de coeur et de singulière vertu"; Isaac de Raynié, seigneur de Drouet; L'isle-Cerillac ; Manassès de Pas de Feuquières; L'isle Montmartin ; Pierre Arnaud, mestre de camp du régiment de champagne;  Alexandre de Garnier, Seigneur des Garets ; de Jonquieres ; Jean-Louis 1er de Louët de Calvisson ; et Jacques de Castelnau de La Mauvissière. Toiras lui-même se bat, l'épée à la main. Les soldats se répandent de tous les côtés, dans les marais, sur les sentiers des fossés, dans les vignobles, toujours sous le feu meurtrier des troupes françaises qui les poursuivent[6]. Schonberg ordonne aux forces française poursuivant les Britanniques en direction de Loix de stopper car les fuyards s'y sont ralliés et réorganisés. De plus, la nuit tombe. La retraite est sonnée. Le maréchal fait garder le pont jusqu'à s'être assuré que l'armée britannique s'est retirée du sol de l'île[12].

Bilan de la bataille

L'air est en fumée et en feu, la terre couverte de cadavres, l'eau est rougie par le sang[12].

Le bilan de la bataille est lourd pour les Britanniques : environ 1800 morts [12] dont 5 colonels, 3 lieutenants-colonels, 20 gentilshommes tels que Sir Henry Spry, Sir Charles Rich, Sir Alexander Brett, Sir Ralph Bingley, Sir William Cunningham, et 150 officiers[13], et un millier de blessés [6]. 46 drapeaux sont capturés. Parmi les militaires capturés par les Français se trouvent Milord Montjoye, commandant de cavalerie, le colonel[14] Milord Grey, grand maître de l'artillerie, 35 capitaines ou officiers, 12 gentilshomme et entre 100 et 120 soldats. Tous les chevaux de leur cavalerie dont celui de Buckingham sont capturés, ainsi que leurs 4 canons[13].

Le Maréchal de Schonberg ne dit pas un mot sur les pertes françaises[6], cependant elles avoisinent sûrement le nombre de 500 ou 600[2]. Parmi les blessés se trouvent le Général des Galères, Pierre de Gondi, s'étant pris un tir de pistolet chargé de 2 balles à l'épaule; le marquis de Villequier ayant reçu un tir de mousquet qui le traversa de part en part (mais "la blessure fut sans danger"[14]); De Iade, le capitaine des gardes de Schonberg et écuyer de celui-ci ayant reçu un coup de pistolet au genou; Cussigny (André seigneur de Cussigny et des barres ?), blessé d'un coup de pique à la gorge[13], et Porcheux ayant eu la cuisse rompue[12]. Toiras lui-même faillit être blessé, recevant deux tirs de pistolets qui trouèrent son chapeau.[13]

Après la bataille

Des 46 drapeaux dont le premier a été capturé par Sieur de Belinghem aidé par Sieur de Moüy de la Mailleraye[12], tous sont envoyés à Paris par Claude de Saint-Simon et suspendus aux voûtes de Notre-Dame[1].

"Messire de Schonberg après la victoire, présente les anglois captifs à sa majesté", XVIIe siècle

Toiras rentre à la citadelle de Saint-Martin, où sont conduits les prisonniers, pour surveiller les mouvements de la flotte anglo-rochelaise. Une partie d'entre eux sera rendue à l'Angleterre contre rançon. Schomberg aussi retourne à Saint-Martin pour se reposer. Il ne préfère pas s'éloigner de l'île avant d'être sûr du départ définitif de Buckingham[6].

Du côté britannique, environ 2000 survivants sont sur les navires anglais ainsi que Benjamin de Rohan, seigneur de Soubise et frère cadet d’Henri II de Rohan, un Protestant français. Buckingham, après avoir donné du repos à ses troupes, repart le 17 novembre pour l'Angleterre, après 3 mois et 6 jours de bataille, promettant aux rochelais protestants qui les ont approvisionné en eau fraîche à deux reprises de revenir avec une armée plus grande. Il ne pourra pas tenir cette promesse, étant assassiné par John Felton au Greyhound Pub à Portsmouth le 23 août 1628, avant le départ de la seconde expédition.

Deux siècles plus tard, des sauniers près du pont du Feneau ouvrent une fosse pour y ensevelir de nombreux ossements épars sur le sol ainsi que des balles et des boulets[6].

Postérité

La bataille fut mise en peinture par Laurent de la Hyre sous le nom de "La défaite des Anglais en l'Île de Ré par l'armée française le 8 novembre 1627" entre le mois de décembre 1627 et le début de l'année 1628. Son format est grand : 112x120 cm [1]. Elle est conservée à Paris, musée de l'Armée, hôtel des Invalides[16].

Notes et références

  1. a et b Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, J.-B. Fellens et L.-P. Dufour, (lire en ligne), Chapitre 43, p. 343
  2. a b c d e f g et h (en) Edward Herbert, 1st Baron Herbert of Cherbury, The expedition to the Isle of Rhe, Londres, Whittingham, , p. 227
  3. a b c et d (en) Sir William Sanderson, A compleat history of the life and raigne of King Charles, : from his cradle to his grave, Londres, , p. 99
  4. « « La Défaite des Anglais en l’Île de Ré par l’armée française le 8 novembre 1627 » de L. de La Hyre | Le blog des collections », sur collections.musee-armee.fr (consulté le )
  5. a b c d et e M.D. Massiou, Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de l'Aunis: depuis les premiers temps historiques jusqu'à nos jours, Saintes, , p. 376
  6. a b c d e f et g Eugène Kemmerer, Histoire de l'île de Ré depuis les premiers temps historiques jusqu'à nos jours, La Rochelle, impr. G. Mareschal,
  7. a b c et d (en) John Entick, A New naval history, or, compleat view of the British marine, in which the Royal Navy and the Merchant's Service are traced through all their periods and different branches, Londres, , p. 427
  8. (en-US) « Charles Rich », sur geni_family_tree (consulté le )
  9. (en-US) « Henry Rich, 1st Earl of Holland », sur geni_family_tree (consulté le )
  10. M. Pinard, La Promotion des Lieutenans généraux des armées du Roi, du 25. Juillet 1762. & les Maréchaux de camp depuis la création de cette Charge jusqu'en 1715, Paris, Claude Herissant, (lire en ligne), p. 108
  11. Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français, depuis le onzième siècle jusqu'en 1820, L'auteur, (lire en ligne), p. 154
  12. a b c d e et f Michel Baudier, Histoire du Mareschal de Toiras, où se voient les effets de la valeur et de la fidélité, avec ceux de l'envie et de la jalousie de la cour, ennemies de la vertu des grands Hommes, Paris, Sébastien Cramoisy, (lire en ligne), p. 98
  13. a b c d e et f Le Mercure françois ou la Suitte de l'histoire de la paix commençant l'an 1605 pour suite du Septénaire du D. Cayer, et finissant au sacre du très grand Roy de France et de Navarre Louis XIII., Paris, (lire en ligne), Tome 14, p. 199
  14. a b et c Baron de Chabans, Histoire de la guerre des Huguenots faicte en France, sous le regne du Roy Louys XIII, Paris, Toussaint du Bray, (lire en ligne), p. 501
  15. Joël Beucher, « Charles de Lévis-Ventadour - Histoire de l'Europe », sur www.histoireeurope.fr (consulté le )
  16. « La défaite des Anglais au Feneau », Chroniques ordinaires des petits moments de la vie rétaise,‎ (lire en ligne, consulté le )