Anergie des cellules endothéliales

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'anergie des cellules endothéliales est une condition au cours du processus d'angiogenèse[1], où l'endothélium, le tissu cellulaire qui tapisse l'intérieur des vaisseaux sanguins, n'est plus capable de répondre aux cytokines inflammatoires[2],[3]. Ces cytokines sont nécessaires pour induire l'expression de protéines d'adhésion cellulaire afin de permettre l'infiltration des leucocytes du sang vers les tissus inflammés, tels que les tumeurs. Cette affection, qui protège la tumeur du système immunitaire, est le résultat d'une exposition à des facteurs de croissance angiogéniques. Outre l'anergie des cellules endothéliales, il existe d'autres mécanismes vasculaires qui permet aux tumeurs d'échapper au système immunitaire, tels que l'expression de molécules dites de point de contrôle immunitaire (par exemple PD-L1/2) et des protéines capables de délivrer des signaux de mort aux leucocytes ( Ligand de Fas et LGALS1 ). L'anergie des cellules endothéliales a été découverte en 1996 par le laboratoire d'angiogenèse, dirigé par Arjan W. Griffioen et actuellement situé à Amsterdam UMC (nl), Amsterdam, Pays-Bas. Voir la figure.

Mécanismes de suppression immunitaire basés sur la vascularisation. Le processus d'anergie des cellules endothéliales tumorales est représentée par la suppression des molécules d'adhésion endothéliales, telles qu'ICAM-1, VCAM-1 et la sélectine E. Le système vasculaire tumoral contribue à une plus grande suppression immunitaire grâce à une expression accrue de molécules de point de contrôle immunitaire, telles que PD-L1 et IDO, qui suppriment la fonction des leucocytes. De plus, le système vasculaire tumoral exprime des molécules, telles que FASL et LGALS1, qui peuvent donner des signaux de mort aux leucocytes. La figure est tirée de[4]

Infiltration leucocytaire[modifier | modifier le code]

La formation d'un infiltrat leucocytaire dans l'inflammation dépend de l'interaction des leucocytes dans le sang avec la paroi vasculaire. Cette interaction et la diapédèse qui en résulte sont médiées par des protéines d'adhésion cellulaire présentent à la fois sur les leucocytes et sur l'endothélium. Les cellules endothéliales expriment normalement de faibles niveaux de protéines d'adhésion. Ces molécules d'adhésion s'expriment cependant en plus grand nombre aux abords des tissus inflammés en raison de leur exposition à des cytokines inflammatoires, comme l'interleukine 1, l'interféron gamma ou le facteur de nécrose tumorale alpha.

L'angiogenèse bloque l'infiltration des leucocytes[modifier | modifier le code]

L'anergie des cellules endothéliales a été décrite pour la première fois en 1996 lorsqu'il a été démontré que les cellules endothéliales d'une tumeur n'étaient pas en mesure de réguler positivement l'expression des protéines d'adhésion, telles que la protéine d'adhésion intercellulaire-1 (ICAM-1, CD54), la protéine d'adhésion cellulaire vasculaire-1 (VCAM-1, CD106) ou l'E-sélectine (CD62E), à la suite de l'exposition à des stimulateurs angiogénèse comme, le facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (VEGF) ou le facteur de croissance des fibroblastes (FGF)[2],[3]. Le résultat de l'anergie des cellules endothéliales dans une tumeur est que les leucocytes ne pourront pas atteindre la tumeur, ce qui entravera la réponse immunitaire anti-tumorale. Outre l'induction de l'anergie des cellules endothéliales, le processus d'angiogenèse est immunosuppresseur à différents niveaux[5].

Les thérapies ciblant l'angiogénèse suppriment l'anergie des cellules endothéliales et améliore l'immunothérapie[modifier | modifier le code]

Étant donné que cette forme de suppression immunitaire est médiée par la stimulation angiogénique, il a été démontré que la thérapie anti-angiogénique pouvait inverser l'anergie des cellules endothéliales, permettant ainsi aux leucocytes d'infiltrer les tumeurs et d'y stimuler l'immunité anti-tumorale[6],[7]. Surmonter l'anergie des cellules endothéliales explique le succès actuel des traitements anti-cancereux incluant une combinaison de thérapie anti-angiogénique et d'immunothérapie, généralement des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire[8],[4].

Un programme d'origine embryonnaire[modifier | modifier le code]

Il a été suggéré que l'anergie des cellules endothéliales se produit également au cours des stades embryonnaires. Cela afin de permettre un développement efficace de l'embryon en le protégeant de la réponse immunitaire maternelle. Les tumeurs ont détourné ce processus pour se développer avec le soutien de l'anergie des cellules endothéliales pour supprimer la réponse immunitaire[9].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Andrew C. Dudley et Arjan W. Griffioen, « Pathological angiogenesis: mechanisms and therapeutic strategies », Angiogenesis,‎ , p. 1–35 (ISSN 1573-7209, PMID 37060495, PMCID PMC10105163, DOI 10.1007/s10456-023-09876-7, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b (en) A. W. Griffioen, C. A. Damen, S. Martinotti et G. H. Blijham, « Endothelial intercellular adhesion molecule-1 expression is suppressed in human malignancies: the role of angiogenic factors », Cancer Research, vol. 56, no 5,‎ , p. 1111–1117 (ISSN 0008-5472, PMID 8640769, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b (en) A. W. Griffioen, C. A. Damen, G. H. Blijham et G. Groenewegen, « Tumor angiogenesis is accompanied by a decreased inflammatory response of tumor-associated endothelium », Blood, vol. 88, no 2,‎ , p. 667–673 (ISSN 0006-4971, PMID 8695814, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b (en) Zowi R. Huinen, Elisabeth J. M. Huijbers, Judy R. van Beijnum et Patrycja Nowak-Sliwinska, « Anti-angiogenic agents - overcoming tumour endothelial cell anergy and improving immunotherapy outcomes », Nature Reviews. Clinical Oncology, vol. 18, no 8,‎ , p. 527–540 (ISSN 1759-4782, PMID 33833434, DOI 10.1038/s41571-021-00496-y, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Dai Fukumura, Jonas Kloepper, Zohreh Amoozgar et Dan G. Duda, « Enhancing cancer immunotherapy using antiangiogenics: opportunities and challenges », Nature Reviews. Clinical Oncology, vol. 15, no 5,‎ , p. 325–340 (ISSN 1759-4782, PMID 29508855, PMCID 5921900, DOI 10.1038/nrclinonc.2018.29, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Ruud P. M. Dings, Kieng B. Vang, Karolien Castermans et Flavia Popescu, « Enhancement of T-cell-mediated antitumor response: angiostatic adjuvant to immunotherapy against cancer », Clinical Cancer Research: An Official Journal of the American Association for Cancer Research, vol. 17, no 10,‎ , p. 3134–3145 (ISSN 1557-3265, PMID 21252159, PMCID 4242153, DOI 10.1158/1078-0432.CCR-10-2443, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Patrycja Nowak-Sliwinska, Judy R. van Beijnum, Christian J. Griffioen et Zowi R. Huinen, « Proinflammatory activity of VEGF-targeted treatment through reversal of tumor endothelial cell anergy », Angiogenesis, vol. 26, no 2,‎ , p. 279–293 (ISSN 0969-6970 et 1573-7209, PMID 36459240, PMCID PMC10119234, DOI 10.1007/s10456-022-09863-4, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Kabir A. Khan et Robert S. Kerbel, « Improving immunotherapy outcomes with anti-angiogenic treatments and vice versa », Nature Reviews Clinical Oncology, vol. 15, no 5,‎ , p. 310–324 (ISSN 1759-4774 et 1759-4782, DOI 10.1038/nrclinonc.2018.9, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Elisabeth J. M. Huijbers, Kabir A. Khan, Robert S. Kerbel et Arjan W. Griffioen, « Tumors resurrect an embryonic vascular program to escape immunity », Science Immunology, vol. 7, no 67,‎ (ISSN 2470-9468, DOI 10.1126/sciimmunol.abm6388, lire en ligne, consulté le )