Installations de troisième classe du Titanic
Les installations de troisième classe du Titanic, paquebot transatlantique britannique célèbre pour son naufrage le , offrent pour l'époque un confort inégalé pour les dernières classes et abritent de nombreux immigrants, qui arrivent en masse aux États-Unis après avoir abandonné tous leurs biens dans leur pays d'origine dans l'espoir d'une vie meilleure. Cette classe, descendant de l'entrepont du XIXe siècle, est l'une des principales sources de bénéfices de la compagnie qui exploite le navire, la White Star Line.
Le Titanic s'inscrit dans la transition entre le transport de masse d'immigrants et l'apparition d'une classe économique pour passagers peu fortunés. Si son naufrage ne permet pas de savoir quelle aurait été l'évolution de ses installations de troisième classe au cours de sa carrière, l'histoire de celles de son sister-ship, l’Olympic, permet d'imaginer ce qu'il aurait pu en être. Le Britannic, troisième navire de la série, ne connut jamais de carrière commerciale. Cependant, ses plans montrent que le paquebot devait offrir aux passagers de cette classe des installations d'un luxe encore supérieur.
Occupants de la troisième classe
La troisième classe se compose principalement d'immigrants venus des pays scandinaves et d'Irlande. Cependant, leurs origines sont si diverses que l'on a parfois dit que le Titanic avait à son bord un représentant de chaque nationalité. Si l'expression est exagérée, le Titanic transporte tout de même lors de sa traversée inaugurale des passagers de troisième classe de 33 nationalités différentes[1]. La liste de ces passagers[2] indique ainsi la présence de Chinois, de Libanais et nombre d'autres, tous attirés par la perspective d'une vie meilleure aux États-Unis. C'est en effet sur cette clientèle que la White Star Line fait de grands bénéfices[3], notamment par le biais d'une escale à Queenstown, en Irlande, qui est souvent marquée par de nombreux embarquements en troisième classe[4].
La concurrence entre les compagnies pour le monopole de ce type de clientèle est si rude que les Allemands bloquent à leur frontière orientale tous les immigrants, généralement slaves, possédant des billets pour des paquebots autres que germaniques. Il faut attendre 1919 et le traité de Versailles pour que cette pratique soit interdite[5].
Lorsque le Titanic quitte Queenstown, sa dernière escale avant New York, environ 710 passagers de troisième classe sont à bord[Note 1],[6]. Le jour de l'embarquement, ils subissent une inspection sanitaire[7], les États-Unis désirant éviter l'introduction de nouvelles maladies sur leur territoire[8]. Trois enfants atteints de trachome sont ainsi refusés et renvoyés en Syrie[9].
Une qualité inédite
Les installations de troisième classe du Titanic s'inscrivent dans un processus d'amélioration des conditions de voyage des immigrants. Il est souvent dit que le niveau de vie des passagers de troisième classe du Titanic vaut celui des passagers de première classe sur les navires plus anciens. Ainsi, la salle à manger ne propose plus de bancs mais des chaises individuelles, prestation apparue en première classe sur des navires comme ceux de la classe Oceanic dans les années 1870[10]. Les dortoirs laissent place à des cabines, et des repas sont proposés aux passagers, ce qui n'était pas toujours le cas quelques années auparavant. Ainsi, le paquebot français La Provence mis en service six ans auparavant propose aux passagers de vastes dortoirs aux lits superposés sommaires et de longues tables entourées de bancs[11].
Installations communes
Les passagers de troisième classe occupent les parties avant et arrière du navire, leur salle à manger se trouvant au centre du pont F. La législation américaine veut que les passagers de troisième classe soient séparés des autres par des grilles, afin d'éviter une éventuelle contamination. Cependant, cette règle est également valable pour les autres classes, et marche dans tous les sens : les passagers de première classe n'ont pas accès à l'intégralité du navire. Les compagnies respectent la règle, sachant que dans le cas contraire, ce sont tous les passagers du navire qui devront subir une longue inspection sanitaire à leur arrivée[12]. À l'époque en effet, les passagers de troisième classe n'ont pas toujours eu accès à des équipements sanitaires, et une surveillante, Catherine James Wallis[Note 2], est chargée d'apprendre à ces passagers à utiliser des toilettes par exemple[9].
Salle à manger
La salle à manger des troisièmes classes se trouve au milieu du pont et dispose d'une cuisine particulière (les deux autres classes partageant la leur). Elle mesure une trentaine de mètres de long et est séparée en son milieu par une cloison étanche. Bien qu'occupant toute la largeur du navire, sa superficie est grandement réduite par la présence des conduits des deux cheminées centrales du paquebot[13]. Ceci explique qu'elle ne puisse contenir que 473 passagers, moins de la moitié de la capacité du navire pour cette classe. Aussi la compagnie remet elle aux passagers des tickets en anglais, allemand, suédois ou finnois indiquant le service auquel ils doivent se présenter. Quiconque rate son service doit attendre le repas suivant[14]. Il y a quatre repas, petit-déjeuner, déjeuner, thé et dîner, et tous offrent un menu satisfaisant, bien que beaucoup moins copieux que ceux servis en deuxième classe ou a fortiori en première classe. Ce repas comporte généralement une entrée, un plat principal et deux desserts[15]. Les menus invitent également les passagers à soumettre toute réclamation concernant le service au commissaire de bord ou au chef steward[16].
Espaces de réunion
L'arrière du pont C, sous le pont de poupe, est divisé entre le fumoir sur bâbord et la salle commune de troisième classe sur tribord. Le premier est, comme les autres fumoirs du navire, réservé aux hommes et est attenant à un bar. Les deux pièces sont équipées de bancs, de tables, de chaises et accueillent les passagers qui peuvent y jouer aux cartes ou aux échecs, y discuter et s'y distraire[14]. Un piano est également à leur disposition, ce qui représente un luxe pour l'époque. Comme tous les espaces communs du Titanic, ces salles éteignent leurs feux à partir de 23 heures.
Situé sous le pont de coffre avant[Note 3], sur le pont D, se trouve l'espace ouvert de troisième classe. C'est dans ce lieu que les passagers se réunissent pour faire la fête durant la soirée, généralement au son d'un orchestre improvisé[17]. Une coutume de l'époque veut que les demoiselles non accompagnées aient un « chevalier servant » qui s'occupe d'elles durant la traversée et c'est probablement dans cette salle que se centre la vie des jeunes passagers de troisième classe. Dans le film de James Cameron, c'est dans cette salle que les héros font la fête la veille du naufrage. On sait que le soir où s'est déroulée la catastrophe, une soirée en musique a été organisée. De nombreuses passagères sont effrayées lorsqu'un rat traverse la salle vers 22 heures[18].
Espaces de promenade
Les passagers de troisième classe n'ont pas, comme les autres, de promenade couverte. Ils doivent se contenter du pont de poupe et du pont de coffre arrière, où sont également promenés les chiens logés au chenil, sur le pont F[19]. Bien que balayé par le vent et la fumée des cheminées[14], ce pont n'en est pas moins confortable, en particulier avec ses rangées de bancs. Les enfants vont également sur ce pont pour s'amuser et le jeune Franck Goldsmith, alors âgé de 9 ans, se souvint par la suite avoir escaladé une des grues présentes et s'y être sali les mains[20].
Logements des passagers
Contrairement aux autres navires de l'époque, le Titanic ne comporte pas d'immenses dortoirs. Les passagers célibataires sont séparés selon leur sexe : les femmes occupant des cabines à la poupe et les hommes logeant dans la proue. C'est là que se trouve le seul dortoir du navire, sur le pont G[21]. Les autres cabines peuvent accueillir entre deux et dix personnes et sont situées entre les ponts D et G.
Les familles peuvent loger dans de mêmes cabines, au centre du navire. Toutes possèdent de confortables couchettes munies de draps, ce qui n'était pas le cas jusqu'au début du siècle, par crainte que les passagers ne s'en fassent du linge en les taillant[11]. Certaines de ces cabines possèdent également un lavabo, et deux baignoires sont destinées aux passagers de troisième classe sur l'ensemble du navire[22] (ceci n'étant pas aberrant pour l'époque, toutes les cabines de première classe du Titanic n'étant pas pourvues de salle de bains)[23]. Un interprète, M. Müller, se tient à la disposition des passagers non anglophones.
Le prix d'une couchette de troisième classe s'échelonne de 15 à 40 $ de 1912[21].
Lors du naufrage
Les passagers de troisième classes étant logés dans les parties du navire où les vibrations se font le plus sentir, ce sont eux qui notent le plus facilement l'arrêt du navire à la suite de la collision. De plus, certaines cabines du navire situées le plus à l'avant sont inondées[24].
Les passagers de troisième classe du Titanic sont les seuls à ne pas avoir un accès direct aux embarcations de sauvetage. En effet, les passagers de première classe peuvent les atteindre via le Grand Escalier[25], et ceux de deuxième par un escalier qui s'étend du pont F au pont supérieur. De fait, l'accès aux embarcations est compliqué. De plus, du fait du grand nombre de nationalités représentées à bord, la compréhension est parfois difficile[26].
Les règlementations américaines veulent de plus que toutes les classes soient séparées. Aussi, le navire est pourvu de grilles entre les différentes classes. Ces grilles sont maintenues closes en temps normal, mais les stewards qui en ont les clés ont ordre de les ouvrir en cas d'urgence[27]. Dans la précipitation suivant le naufrage, les stewards, occupés à réveiller les passagers et à conduire des groupes de femmes et d'enfants jusqu'au pont n'ont pas le temps de toutes les ouvrir. Ainsi, de nombreux passagers se heurtent à des grilles verrouillées.
Certains passages sont gardés par des membres d'équipage parfois armés, ceci dans le but d'éviter un flot d'hommes sur le pont dans les premières phases du naufrage. Des familles refusent d'être séparées. Ainsi, parmi les passagers se trouvent des familles nombreuses comme la famille Goodwin (huit personnes) et la famille Sage (onze membres) : de ces deux familles, aucun membre ne survit au naufrage[28],[29]. Dans le naufrage, 178 des 706 passagers de troisième classe ont été sauvés, donc environ 75 % ont péri[30].
L’Olympic : de la troisième classe à la classe touriste
Les installations de troisième classe de l’Olympic sont très proches de celles du Titanic. Toutefois, elles peuvent au départ abriter une vingtaine de passagers de plus[Note 4],[31]. Cependant, après la Première Guerre mondiale, des réformes concernant l'immigration aux États-Unis rendent cette classe moins rentable. L’Olympic assure alors un service transatlantique avec le Majestic et l’Homeric. Ce dernier se démarque par sa capacité supérieure de 600 passagers à celle de l’Olympic[32]. Progressivement apparaît la classe touriste, s'interposant entre la deuxième et la troisième classe. Par la suite, la seconde classe disparaît totalement au profit de la classe touriste[33]. Cependant, les quatre classes cohabitent un temps, ce qui nécessite de nombreux changements.
Les meilleures cabines de troisième classe et les moins confortables de seconde sont ainsi octroyées à la classe touriste. De plus, salle commune et fumoir de troisième classe sont transformés pour appartenir à la classe touriste[34], tandis que l'espace ouvert de troisième classe est divisé en deux parties, avec un fumoir à bâbord et un salon à tribord[35].
Le Britannic : une qualité supérieure jamais atteinte
Le Britannic, lancé deux ans après ses sister-ships, doit de fait faire face à la concurrence de nouveaux navires comme l’Aquitania de la Cunard et l’Imperator de la HAPAG. Ses concepteurs décident d'améliorer le navire pour en faire le paquebot le plus luxueux au monde. Si ces changements se voient surtout par ses installations de première classe, sa troisième classe doit également offrir un confort jamais vu. La troisième classe comporte légèrement moins de places que sur les autres navires de la classe Olympic, 953[31].
L'extension de certaines cabines de première classe entraine le déplacement du salon des stewards et hôtesses à la place de l'hôpital du navire, qui est lui-même déplacé à la place du fumoir de troisième classe. Celui-ci est remonté sur le pont de poupe, permettant aux usagers d'avoir une vue sur la mer de tous les côtés[36]. Certaines cabines peuvent également être affectées à la deuxième ou la troisième classe selon les besoins. Le pont de coffre arrière est couvert, donnant ainsi une promenade couverte aux passagers de troisième classe.
À la suite du naufrage du Titanic, les canots de sauvetage du Britannic subissent des modifications. Ils sont suspendus à de nouveaux bossoirs semblables à des grues, capables de soutenir jusqu'à six canots. Ces bossoirs sont au nombre de huit, et contrairement à ceux du Titanic ou même de l’Olympic, ils ne sont pas seulement disposés sur le pont supérieur mais aussi sur le pont de poupe. Ainsi, les passagers de troisième classe ont aussi accès aux canots de sauvetage[37].
Notes et références
Notes
- La troisième classe du Titanic est donc aux trois quarts pleine.
- Wallis est l'une des trois femmes d'équipage mortes dans le naufrage, contre vingt rescapées.
- Sur le Titanic, les « ponts de coffre » sont entre la superstructure et les ponts avant et arrière. Ils sont situés un pont en dessous de ces derniers, et servent également au chargement de la cargaison du navire.
- Le Titanic peut en effet transporter 1 008 passagers en troisième classe, l’Olympic 1 030.
Références
- (en) « Titanic - Third Class Passengers », History on the net. Consulté le 15 août 2009.
- (fr) « Les Passagers de 3e Classe », Le Site du « Titanic ». Consulté le 15 août 2009.
- Gérard Piouffre 2009, p. 33 - 36.
- Gérard Piouffre 2009, p. 108.
- Philippe Masson 1998, p. 18.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 20.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 19.
- Gérard Piouffre 2009, p. 96.
- (fr) « L'hôpital du bord », Le Site du « Titanic ». Consulté le 30 août 2009.
- Mark Chirnside 2004, p. 8.
- Olivier Le Goff 1998, p. 30 - 31.
- Gérard Piouffre 2009, p. 95 - 96.
- (fr) « Plans du navire », Le Site du « Titanic ». Consulté le 15 août 2009.
- Simon Adams 1999, p. 30 - 31.
- Gérard Piouffre 2009, p. 117.
- (fr) « Les menus servis à bord », Le Site du « Titanic ». Consulté le 15 août 2009.
- (fr) « La vie à bord du Titanic », Le Site du « Titanic ». Consulté le 30 août 2009.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 40.
- (fr) « Les animaux à bord », Le Site du « Titanic ». Consulté le 15 août 2009.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 30.
- (fr) « Les logements des passagers », Le Site du « Titanic ». Consulté le 15 août 2009.
- (fr) « Le saviez-vous ? », « Titanic », the Artifact exhibition. Consulté le 15 août 2009.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 21.
- Gérard Piouffre 2009, p. 145.
- (fr) « Les Escaliers de première classe », Le Site du « Titanic ». Consulté le 30 août 2009.
- Hugh Brewster et Laurie Coulter 1999, p. 49.
- Gérard Piouffre 2009, p. 109.
- Judith B. Geller 2003, p. 23.
- (fr) « Les enfants du Titanic », Le Site du « Titanic ». Consulté le 30 août 2009.
- Simon Adams 1999, p. 48.
- Mark Chirnside 2004, p. 296.
- Mark Chirnside 2004, p. 308.
- (en) « Olympic Returns To Passenger Service », RMS « Olympic » Archive. Consulté le 20 août 2009.
- (de) (en) « RMS Olympic - C Deck », « Titanic » museum. Consulté le 20 août 2009.
- (de) (en) « RMS Olympic - D Deck », « Titanic » museum. Consulté le 20 août 2009.
- (en) « Third Class Areas », Hospital Ship « Britannic ». Consulté le 20 août 2009.
- (en) « RMS Britannic : General », Hospital Ship « Britannic ». Consulté le 20 août 2009.
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Simon Adams, La tragédie du « Titanic », Gallimard, , 59 p. (ISBN 978-2-07-052754-0)
- Hugh Brewster et Laurie Coulter (trad. de l'anglais), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le « Titanic », Grenoble/Toronto (Ontario), Glénat, , 96 p. (ISBN 2-7234-2882-6)
- (en) Mark Chirnside, The Olympic-class ships : « Olympic », « Titanic », « Britannic », Tempus, , 349 p. (ISBN 0-7524-2868-3)
- Judith B. Geller, Trésors du « Titanic », RMS Titanic Inc., , 47 p. (ISBN 978-90-5349-430-1)
- Olivier Le Goff, Les Plus Beaux Paquebots du Monde, Solar, , 143 p. (ISBN 978-2-263-02799-4)
- Philippe Masson, Le Drame du « Titanic », Tallandier, , 263 p. (ISBN 978-2-266-08519-9)
- Gérard Piouffre, Le « Titanic » ne répond plus, Paris, Larousse, , 317 p. (ISBN 978-2-03-584196-4)
Liens externes
- Le Site du « Titanic », site consacré au paquebot et à son naufrage