Aller au contenu

Thiomargarita magnifica

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 17 juillet 2022 à 03:03 et modifiée en dernier par JackBot (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Thiomargarita magnifica est une espèce de bactérie géante, visible à l’œil nu et la plus grande connue au moment de l'annonce de sa découverte, dans la revue Science, en juin 2022.

La découverte de T. magnifica est importante, dans la mesure où elle brouille la frontière entre la structure des « procaryotes », organismes primitifs unicellulaires sans noyau cellulaire (leur ADN est flottant), et des eucaryotes, dont l'ADN est entouré de l'enveloppe nucléaire. T. magnifica étant une bactérie, elle appartient aux procaryotes, mais néanmoins son ADN est encapsulé dans un sac membranaire.

Découverte

Thiomargarita magnifica est découverte en 2009 dans les eaux saumâtres d’une mangrove en Guadeloupe, par une équipe de biologistes de l'université des Antilles à Pointe-à-Pitre[1],[2],[3].

C'est au début des années 2010, qu'Olivier Gros, biologiste marin de l'université des Antilles et de la Guyane (devenue université des Antilles), découvre un étrange organisme filiforme sur des feuilles en décomposition, tombées de palétuviers rouges dans une mangrove de la Guadeloupe. Mais le chercheur pense alors avoir affaire à un champignon[4].

Cinq ans plus tard, Silvina González Rizzo, biologiste moléculaire de l'université des Antilles et membre de l'équipe d'Olivier Gros, identifie que ces filaments sont en réalité des bactéries[5]. Jean-Marie Volland, un étudiant diplômé travaillant sous la direction d'Olivier Gros (et aujourd'hui biologiste marin au Laboratoire national Lawrence-Berkeley) relève le défi de l'étudier plus avant et met au jour ses propriétés inhabituelles[6].

Description

Thiomargarita magnifica diffère de la quasi-totalité des autres bactéries par sa taille et son organisation interne. En effet, cette bactérie en forme d'un long filament atteint une taille exceptionnelle pouvant aller jusqu'à 2 cm[7],[8], ce qui est environ 5 000 fois plus grand que la plupart des bactéries et dix fois plus que ce que l'on pensait imaginable pour la taille de ces organismes. Rien que sur ce point, cette découverte est exceptionnelle car les bactéries appartiennent à un monde généralement microscopique, alors qu'avec une telle taille, Thiomargarita magnifica est visible à l'œil nu. Qui plus est, cette bactérie se caractérise par une autre différence : son ADN ne circule pas librement dans son cytoplasme[6],[8].

Jean-Marie Volland et ses collègues mettent en avant que Thiomargarita magnifica présente des spécificités intrigantes : elle contient deux sacs membranaires, dits « pépins »[a] ou « organelles », évoquant l'organisation de cellules plus complexes[6],[9] ;

  • l'un conserve son génome (qui est aussi d'une taille inhabituelle : onze millions de bases, abritant quelque 11 000 gènes clairement identifiables, contre habituellement quatre millions de bases et environ 3 900 gènes chez les bactéries)[6] ;
  • le second, bien plus grand, occupant 73 % (65-80 %) du volume total de la bactérie, permet au contenu cellulaire de rester à proximité de l'enveloppe externe de la cellule. Les bactéries ne pouvant faire des échanges que par diffusion, une trop grande taille de cellule viendrait perturber ces échanges, limités en terme de distance. Avoir un sac rempli d'un liquide (en l'occurrence de l'eau), permet de plaquer le cytoplasme contre la paroi et donc de réduire la distance nécessaire aux échanges de la bactérie avec l'extérieur[6],[9]. L'épaisseur du cytoplasme reste comprise entre 1,8 et 4,8 microns. Ce schéma se retrouve chez Thiomargarita namibiensis qui dispose d'un sac composé d'eau et de nitrate[6]. C'est ce second sac et une analyse génétique qui a permis de classer la nouvelle espèce dans le genre Thiomargarita[6],[9].

Ces « pépins » évoquent une structure intermédiaire entre celles des procaryotes dont l'ADN est libre et celles des eucaryotes dont l'ADN est inclus dans un noyau[6].

Cette bactérie pourrait offrir de nouvelles perspectives pour l'étude du vivant. Elle pourrait être utilisée en complément des drosophiles ou des nématodes utilisées par des biologistes pour étudier des maladies infectieuses[6],[10].

On n'observe pas de bactéries épibiotiques à l'extérieur de la cellule ; leur « surprenante absence » pourrait s'expliquer par le fait que T. magnifica produise des composés chimiques biologiquement actifs, voire antibiotiques[10].

Nomenclature et taxonomie

Des analyses phylogénétiques permettent finalement de déterminer l'appartenance de cette bactérie au genre Thiomargarita[11]. Le , la découverte est annoncée dans la revue Science[10],[1],[12].

Les découvreurs ont décidé de nommer cette bactérie du nom de Candidatus Thiomargarita magnifica. Thiomargarita signifie « perle de soufre » en latin. Le qualificatif magnifica (« magnifique ») et a été choisi par la chercheuse Silvina González Rizzo, qui a identifié T. magnifica comme une bactérie, en « référence à sa taille exceptionnelle ». Le terme Candidatus s'applique tant que le nom n'est pas encore officiellement validé par l'ICSP[10],[13].

Notes et références

Notes

  1. par opposition à « noyau »

Références

  1. a et b Jean-Claude Samyde, « Thiomargarita magnifica la plus grande bactérie du monde découverte en Guadeloupe », France Info, (consulté le ).
  2. Marie-France Grugeaux-Etna et Olivier Gros, « Bactérie géante : "C’est comme si on découvrait un primate de la taille de l’Everest !" », Marianne, (consulté le ).
  3. Sanjay Mishra, « Thiomargarita magnifica, la plus grosse bactérie jamais découverte », sur National Geographic, (consulté le ).
  4. Peter Rogers, « "Impossibly big" bacteria rattle the field of microbiology », sur BigThink (consulté le )
  5. (es) Manuel Ansede, « Descubierta una bacteria de un centímetro, observable a simple vista », sur El País, (consulté le ).
  6. a b c d e f g h et i (en) Elizabeth Pennisi, « Largest bacterium ever discovered has an unexpectedly complex cell », Science,‎ (DOI 10.1126/science.ada1620, lire en ligne, consulté le ).
  7. Science & Vie, « La découverte de cette étrange bactérie pourrait changer notre regard sur l’évolution de la vie », sur science-et-vie.com, (consulté le ).
  8. a et b (en) Katharine Sanderson, « Largest bacterium ever found is surprisingly complex », Nature,‎ (DOI 10.1038/d41586-022-01757-1)
  9. a b et c Claire Manière, « Découverte de la plus grande bactérie connue à ce jour, pouvant atteindre 2 cm de long ! », sur trustmyscience.com, (consulté le ).
  10. a b c et d (en) Jean-Marie Volland, Silvina Gonzalez-Rizzo, Olivier Gros et al., « A centimeter-long bacterium with DNA contained in metabolically active, membrane-bound organelles », Science, Association américaine pour l'avancement des sciences, vol. 376, no 6600,‎ , p. 1453-1458 (DOI 10.1126/science.abb3634).
  11. Élisa Doré, « La plus grande bactérie unicellulaire vit dans les mangroves des Caraïbes », sur Pourlascience.fr, (consulté le ).
  12. (en) Carl Zimmer, « You Don’t Need a Microscope to See the Biggest Bacteria Ever Found », sur The New York Times, (consulté le ).
  13. « Genus Thiomargarita », sur LPSN - List of Prokaryotic names with Standing in Nomenclature, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :