Île Wager

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Île Wager
Illustration.
Géographie
Pays Drapeau du Chili Chili
Coordonnées 47° 43′ 27″ S, 74° 57′ 37″ O
Géolocalisation sur la carte : Chili
(Voir situation sur carte : Chili)
Île Wager
Île Wager

L'île Wager (espagnol : Isla Wager) est une île inhabitée de l'archipel Guayaneco, partie isolée de l'Ouest de la Patagonie.

Située à 1 600 km au sud de Santiago, l'île fait partie de la province de Capitán Prat dans la région d'Aysén, au Chili. L'île a été le lieu de la mutinerie des marins du Wager, en , après le naufrage du navire de guerre britannique[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Histoire ancienne[modifier | modifier le code]

Les explorateurs européens commencent à cartographier cette zone de contact entre différentes tribus après la découverte du détroit de Magellan en 1520.

Les membres de l'expédition navale de Francisco de Ulloa de 1553 sont les premiers Européens à rencontrer le peuple Chono[2]. Les îles sont visitées pour la première fois en 1613 par des jésuites basés à Chiloé[3]. Des rumeurs concernant des colonies européennes près du détroit de Magellan incitent les Espagnols à envoyer une expédition dirigée par Bartolomé Gallardo en 1674-1675, puis l'expédition Antonio de Vea (1675-1676) [4],[5].

À l'époque coloniale, les tribus du nord (Chonos, Huilliche, Espagnols de Chiloé) appellent les populations maritimes de la région de l'île Wager « Caucahue » [6].

L'île est fréquentée au XVIIIe siècle par les nomades Kawésqar qui y séjournent avec leurs pirogues. John Byron rencontre une tribu lors de son séjour sur l'île en 1741 et évoque ses coutumes dans son journal[7].

Le naufrage du HMS Wager[modifier | modifier le code]

L'Épave du Wager, frontispice du récit de John Byron

Le , le navire de guerre britannique HMS Wager, appartenant à l'escadre du commodore George Anson, quitte St Helens avec un équipage affaibli par la maladie[8]. Il s'échoue le [9],[10] dans le golfe de Penas, juste au sud de la péninsule de Taitao, près d'un ilot rocheux qui sera ultérieurement nommé l'île Wager. Environ 140 hommes survivent au naufrage et atteignent l'île à bord de canots[11]. Mais dès la fin du mois de juin 1741 nombre d'entre eux meurent de faim, de noyade, d'hypothermie et de blessures[12].

Deux groupes de naufragés arrivent à quitter l'île Wager. Le premier groupe, composé de 81 mutins[13], partis le [14],[15], arrivent au nombre de 30 seulement[16] à Río Grande, au Brésil, le [17].

Le deuxième groupe composé de 11 naufragés et d'un guide indien quitte l'île le [18]. Guidé par le chef Chono Martín Olleta, le groupe navigue traverse la péninsule de Taitao[19],[20]. De ce groupe, trois survivants (le capitaine David Cheap, l'aspirant John Byron et l'aspirant Alexander Campbell) atteignent l'île de Chiloé[21],[22] début juin 1742[23] .

Un dernier survivant (le lieutenant de marine Thomas Hamilton) est secouru et amené sur l'île de Chiloé par une équipe de recherche espagnole environ trois mois plus tard [21] . Au total, seuls 36 hommes rejoignent vivants la Grande-Bretagne[24],[12].

L'épave du HMS Wager[modifier | modifier le code]

De la fin de 1742 à 1769, les Espagnols et les autochtones locaux mènent plusieurs expéditions sur l'épave du HMS Wager.

Un prêtre jésuite nommé Pedro Flores récupère, en 1742, près de 100 kg de fer[25]. En 1743, Mateo Abraham Evrard récupère dix canons en fer de six livres, quatre canons en bronze de trois livres, une ancre, plus de 100 boulets de canon et 1 000 boulets de mousquet, ainsi que trois chaudrons en cuivre[26].

En 1779, les missionnaires espagnols Fray Benito Marín et Fray Julián Real fondent une colonie indigène composée de quatre habitations construites sur la plage à proximité du site de l'épave[27].

La Société d'exploration scientifique organise, en 2006, une expédition pour localiser les restes l'épave et retrouve, dans des eaux peu profondes, un morceau de bordage de coque en bois[28].

Géographie[modifier | modifier le code]

Détail de "l'Atlas du Centenaire", publié par le Bureau d'arpentage du gouvernement du Chili en 1910

L'île Wager est située dans l'archipel Guayaneco, à 1 600 km au sud de Santiago, dans la partie sud du golfe de Penas, dans le sud de l'océan Pacifique. Elle mesure 18 km de long sur son axe NW-SE et 10 km de large. Des deux îles principales qui composent l'archipel, l'île Byron est la plus grande et l'île Wager la plus petite. Elle est séparée de l'île Byron par Paso Rundle[29] et séparée de l'Islote San Pedro par Bahía Acosta[30]. L'île Wager et l'île San Pedro ferment au nord-ouest le canal Messier, tandis que la péninsule de Larenas ferme le terminus nord-est [31]. Un phare ( NGA 2044) se dresse sur l'Islote San Pedro. Le canal Messier est régulièrement traversé par de grands cargos et ferries de croisière[32],[33].

Parce que l'île est située entre 46° et 60° au sud de l'équateur, elle est classée comme île subantarctique. Les sommets les plus élevés sont le mont Anson (377 mètres)[34] et le mont Wager (586 mètres). Les pentes inférieures de ces montagnes sont couvertes de forêts subpolaires magellaniques [35].

Le village de Caleta Tortel est situé à 107 km à l'est, près d'un aéroport. Le village de Villa Puerto Edén est à 165 km au sud[36].

Géologie[modifier | modifier le code]

L'île Wager fait partie d'une série d'îles et de baies profondes, vestiges d'une chaîne côtière aujourd'hui submergée[35]. L'île est d'origine ignée et date de la période tertiaire. Passant par Paso Suroeste, au large de la côte sud de l'île Wager[37] se trouve la faille Liquiñe-Ofqui, faille géologique majeure qui présente une sismicité récurrente[38],[39].

Trois plaques tectoniques (Antarctique, Amérique du Sud et Nazca) se rencontrent à la triple jonction chilienne (CTJ), près de la péninsule de Taitao. Les plaques Nazca et Antarctique se déplacent vers l’est, tandis que la plaque sud-américaine se déplace vers l’ouest. Cette situation a entraîné l'affaissement de la bordure ouest de la plaque sud-américaine, l'abaissant à son niveau actuel et donnant naissance au grand nombre d'îles qui existent aujourd'hui à cet endroit.

Faune et flore[modifier | modifier le code]

L'île Wager fait partie d'une écorégion tempérée de feuillus et de forêts mixtes située dans le domaine néotropical[40]. En raison de son climat et de la récente glaciation, la biodiversité de l'île est quelque peu limitée[41]. Les conditions environnementales sur l'île sont caractérisées par des températures fraîches, des précipitations élevées, de forts vents subpolaires et un sol rocheux généralement mince et mal drainé, constitué de landes magellaniques, de tourbières, d'herbes, de plantes en coussin et d'arbustes nains[42]. La lande magellanique peut être classée soit en toundra, soit en lande[43].

Galerie[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Layman 2015, p. 82-90.
  2. Trivero Rivera 2005, p. 44.
  3. (es) Sepúlveda Ortíz, « Exploraciones efectuadas en la región de Trapananda antes del siglo XIX », Boletín de la Academia de Historia Naval y Marítima de Chile, vol. 7,‎ , p. 95–110 (lire en ligne)
  4. (es) Martinic B. et Moore, « Las exploraciones inglesas en el estrecho de Magallanes. El mapa manuscrito de John Narborough », Anales del Instituto de la Patagonia (en), vol. 13,‎ , p. 7–20 (lire en ligne)
  5. (es) Urbina Carrasco, « Interacciones entre españoles de Chiloé y Chonos en los siglos XVII y XVIII: Pedro y Francisco Delco, Ignacio y Cristóbal Talcapillán y Martín Olleta », Chungara, vol. 48, no 1,‎ , p. 103–114 (lire en ligne)
  6. (es) Alvarez Abel, « Reflexiones en torno a las identidades de las poblaciones canoeras, situadas entre los 44º y 48º de latitud sur, denominadas "chonos". », Anales del Instituto de la Patagonia, serie Ciencias Humanas, vol. 30,‎ , p. 79–86
  7. John Byron, Byron' narrative of the loss of the Wager, with an account of the great distresses suffered by himself and his companions on the coast of Patagonia from the year 1740 till their arrival in England 1746, London, Henry Leggatt & Co, (lire en ligne), p. 108 et suiv.
  8. Anson 1748, p. 14.
  9. Bulkeley et Cummins 1743, p. 17-19.
  10. Layman 2015, p. 42-59.
  11. Layman 2015, p. 42, 58.
  12. a et b « Previously unpublished letter casts new light on mutiny aboard HMS Wager », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Layman 2015, p. 89-90.
  14. Layman 2015, p. 87-89.
  15. Bulkeley 1743, p. 101-105.
  16. Layman 2015, p. 115.
  17. Layman 2015, p. 113.
  18. Pack 1960, p. 46.
  19. (es) Vásquez Caballero, « Aau, el secreto de los chono », Academia de Historia Naval y Marítima de Chile,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (es) Urbina Carrasco, « La navegación por los canales australes en la Patagonia Occidental insular en los siglos coloniales: La ruta del istmo de Ofqui », Magallania, vol. 38, no 2,‎ , p. 41–67 (DOI 10.4067/S0718-22442010000200003, lire en ligne)
  21. a et b Layman 2015, p. 205.
  22. Byron 1768, p. 175-177.
  23. Grann 2023, p. Map: First Castaway Party's Escape Route.
  24. Layman 2015, Foreword by Philip, Duke of Edinburgh:, p. 11. "Only 36 of the original crew of about 140 made it back to Britain..."
  25. Layman 2015, p. 273.
  26. Layman 2015, p. 273-275.
  27. Layman 2015, p. 279.
  28. Layman 2015, p. 301-309.
  29. « Paso Rundle », GeoNames geographical database, Wollerau (Suisse), (consulté le )
  30. « Bahía Acosta », GeoNames geographical database, Wollerau (Suisse), (consulté le )
  31. [[[:Modèle:Geonameslink]] Larenas Peninsula] in [[[:Modèle:Geonamesabout]] Geonames.org (cc-by)]
  32. « Navimag Ferry Cruise Puerto Natales to Puerto Montt through Patagonian Channels » (consulté le )
  33. (es) « Quiénes somos », Armasur (consulté le )
  34. « GeoNames.org », sur www.geonames.org (consulté le )
  35. a et b « Photo # STS091-729-004: Guayaneco Archipelago, Chile », Earth from Space - Image Information, Houston, Texas, NASA, (consulté le )
  36. (en) Andria Hautamaki, « A Visit to 5 of Patagonia's Most Remote Schoolhouses », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  37. « GeoNames.org », sur www.geonames.org (consulté le )
  38. Lange, Cembrano, J., Rietbrock, A. et Haberland, C., « First seismic record for intra-arc strike-slip tectonics along the Liquiñe-Ofqui fault zone at the obliquely convergent plate margin of the southern Andes », Tectonophysics, vol. 455, nos 1–4,‎ , p. 14 (DOI 10.1016/j.tecto.2008.04.014, Bibcode 2008Tectp.455...14L)
  39. Pérez-Flores, Cembrano, Sánchez-Alfaro et Veloso, « Tectonics, magmatism and paleo-fluid distribution in a strike-slip setting: Insights from the northern termination of the Liquiñe–Ofqui fault System, Chile », Tectonophysics, vol. 680,‎ , p. 192–210 (DOI 10.1016/j.tecto.2016.05.016, Bibcode 2016Tectp.680..192P, lire en ligne)
  40. Hogan et World Wildlife Fund, « Magellanic subpolar forests », Encyclopedia of Earth (en), Washington, National Council for Science and the Environment, (consulté le )
  41. (es) Villagrán, León et Roig, « Paleodistribución del alerce y ciprés de las Guaitecas durante períodos interestadiales de la Glaciación Llanquihue: provincias de Llanquihue y Chiloé, Región de Los Lagos, Chile », Revista Geológica de Chile, vol. 31, no 1,‎ , p. 133–151 (DOI 10.4067/S0716-02082004000100008, lire en ligne)
  42. Fraser, L.H. Fraser et P.A. Keddy (éd.).
  43. Longton 1988, p. 13-22.