Utilisateur:Lepticed7/Brouillon/Universel structuré

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

En philosophie, un universel structuré (au pluriel : « universaux structurés ») est un universel complexe, c’est-à-dire un universel composé d’autres universaux, dont les instances[N 1] ont des parties. Ils permettent d’expliquer les similitudes dans les structures méréologiques des choses.

Définition[modifier | modifier le code]

En philosophie, les universaux sont des entités qui permettent d’expliquer les similitudes entre les choses. Ainsi, deux chaises se ressemblent parce qu’elles sont des instances de l’universel Chaise, ou, autrement dit, parce qu’elles possèdent toutes les deux la propriété d’être une chaise. L’existence des universaux fait partie du débat philosophique entre réalistes et nominalistes.

Parmi les similitudes possibles entre les choses, il y a les similitudes de structure méréologique, c’est-à-dire des similitudes dans la façon dont différentes choses possèdent des parties. Ainsi, deux molécules de méthane sont méréologiquement similaires : elles possèdent toutes les deux comme partie un atome de carbone et quatre atomes d’hydrogène. Les universaux structurés sont les universaux qui permettent d’expliquer la similitude méréologique des choses.

Paweł Garbacz donne la définition suivante des universaux structurés[1] :

« Here U is defined as a structural universal if and only if there exists (at least) one universal V such that the following two principles are satisfied by U and V:

  • Principle 1: It is possible that some instance of universal U has a part that is an instance of V.
  • Principle 2: If some instance of universal U has a part that is an instance of universal V, then necessarily, every instance of U has a part that is an instance of V.

If universals U and V satisfy these principles, one can say that V is part, or better chunk, of U. »

— Paweł Garbacz, An Analysis of the Debate over Structural Universals

« Ici, U est défini comme un universel structuré si et seulement si il y a (au moins) un universel V tel que les deux principes suivants sont satisfaits pour U et V :

  • Principe 1 : Il est possible qu’une certaine instance de l’universel U ait une partie qui est une instance de V ;
  • Principe 2 : Si une certaine instance de l’universel U a une partie qui est une instance de l’universel V, alors nécessairement, chaque instance de U a une partie qui est une instance de V.

Si les universaux U et V satisfont ces principes, on peut dire que V est une partie, ou mieux, un morceau[N 2], de U. »

— An Analysis of the Debate over Structural Universals

Les universaux structurés sont des universaux complexes : ils sont d’une certaine manière composés d’autres universaux. Ici, l’enjeu philosophique est de savoir ce que veut dire « d’une certaine manière » : quelle est cette manière et quelles sont ses conséquences ? Différentes conceptions ont été proposées pour expliquer la manière dont sont composés les universaux.

Historique[modifier | modifier le code]

En 1978, David M. Armstrong, dans A Theory of Universals, caractérise comme suit une propriété structurelle[2] :

« A property, S, is structural if and only if proper parts of particulars having S have some property or properties, T… not identical with S, and this state of affairs is, in part at least, constitutive of S. »

— David M. Armstrong, A Theory of Universals

« Une propriété, S, est structurelle si et seulement si les parties propres de particuliers possédant S ont quelque(s) propriété(s), T… non identique(s) à S, et cet état de choses est, au moins en partie, constitutif de S. »

— A Theory of Universals

En 1986, David Lewis, dans Against Structural Universals, donne la caractérisation suivante[3] :

« Anything that instantiates it must have proper parts; and there is a necessary connection between the instantiating of the structural universal by the whole and the instantiating of other universals by the parts. Let us say that the structural universal involves these other universals […] »

— David Lewis, Against Structural Universals

« Toute chose qui l’instancie doit avoir des parties propres ; et il y a une connexion nécessaire entre l’instanciation de l’universel structuré par le tout et l’instanciation des autres universaux par les parties. Disons que l’universel structuré implique ces autres universels […] »

— Against Structural Universals

Anthony R. J. Fisher identifie, dans Structural universals, deux types différents d’universaux complexes : les universaux conjonctifs et les universaux structurés[4].

Paweł Garbacz, dans An Analysis of the Debate over Structural Universals, propose quatre hypothèses qui semblent communément acceptées dans les discussions sur les universaux structurés, et en tire une définition de ce qu’est un universel structuré[5] :

  • il y a deux domaines disjoints d’entités : les particuliers et les universaux, et les premiers instancient les seconds ;
  • les universaux sont admis et non découverts. Ils servent un ou plusieurs objectifs théoriques pour expliquer des similarités entre particuliers : deux particuliers sont similaires s’ils instancient le même universel ;
  • la relation de partie est définie entre particuliers. Des faits sur la structure méréologique des particuliers peuvent expliquer certaines des similarités entre particuliers ;
  • une contre-partie à la relation de partie peut être définie pour les universaux. En effet, certains des universaux peuvent être utilisés pour expliquer les similarités dans les structures méréologiques des parties. Ainsi, il est possible de donner la description suivante : « si un particulier x est partie d’un individu y et que ce fait méréologique a à voir avec les universaux que x et y instancient, disons, respectivement, V et U, alors nécessairement, chaque instance de V est une partie d’une certaine instance de U » ;
  • en supposant que ces quatre points capturent les hypothèses sur les universaux structurés, alors il est possible de donner une définition de ce qu’est un universel structuré. L’universel U est un universel structuré si et seulement si il existe (au moins) un universel V tels que les deux principes suivants soient satisfaits pour U et V. On dira alors que V est un morceau de U :
    • Il est possible qu’une certaine instance d’un universel U ait une partie qui est une instance de V ;
    • Si une certaine instance de l’universel U a une partie qui est une instance de l’universel V, alors, il est nécessaire que chaque instance de U ait une partie qui soit une instance de V.

Différentes conceptions[modifier | modifier le code]

Dans Against Structural Universals, David Lewis a introduit différentes conceptions des universaux structurés : les conceptions linguistique, picturale (et ses quatre variantes) et magique[6]. Linda Wetzel, dans Types and Tokens, propose une nouvelle conception, basée sur la notion d’occurrence, qui possède des points communs avec les conceptions linguistique et picturale[6].

Conception linguistique[modifier | modifier le code]

Lewis introduit la conception linguistique en ces termes[7] :

« On the linguistic conception, a structural universal is a set-theoretic construction out of simple universals, in just the way that a (parsed) linguistic expression can be taken as a set-theoretic construction out of its words. In fact, we think of the structural universal as being a complex predicate, in a language in which the words are the simple universals. Or rather, the simple universals are some of the words; they comprise the nonlogical vocabulary. »

— David Lewis, Against Structural Universals

« Dans la conception linguistique, un universel structuré est une construction ensembliste faite d’universaux plus simples, de la même façon qu’une expression linguistique (syntaxiquement analysée) peut être prise pour une construction ensembliste de ses mots. En fait, nous considérons l’universel structuré comme étant un prédicat complexe, dans un langage dans lequel les mots sont des universaux simples. Ou plutôt, les universaux simples sont certains des mots ; ils constituent le vocabulaire non logique. »

— Against Structural Universals

D’après la conception linguistique, un universel structuré est une construction ensembliste d’universaux plus simples[7],[8].

Toutefois, Lewis rejette cette conception car elle utilise des universaux simples, c’est-à-dire non complexes, et échoue de fait à représenter une complexité infinie[8]. Pour Garbacz, ces universaux plus simples sont des prédicats[9]. Toutefois, pour Garbacz, Lewis ne donne pas assez de détails pour qu’il soit possible de déterminer si ces prédicats sont des types ou des jetons, ni qu’il soit possible de connaitre le type des constructions ensemblistes[9]. Ainsi, il n’est pas possible de savoir si les universaux simples peuvent être interpréter comme des parties des universaux structurés[9]. Garbacz conclue qu’il n’est pas possible de donner un avis sans ambiguïté sur cette solution[9].

Conception picturale[modifier | modifier le code]

Une représentation de la structure du méthane.

Lewis introduit la conception picturale en ces termes[10] :

« On the pictorial conception, a structural universal is isomorphic to its instances. The methane atom consists of one carbon atom and four hydrogen atoms, with the carbon bonded to each of the four hydrogens; the structural universal methane likewise consists of several parts, one for each of the five atoms, and one for each of the four bonds. Compare a ball-and-spring model: one large central ball, and four smaller balls attached to it by springs. This model is a three-dimensional picture. It represents a methane molecule—any methane molecule, not any one in particular—by isomorphism. »

— David Lewis, Against Structural Universals

« Dans la conception linguistique, un universel structuré est isomorphe à ses instances. L’atome de méthane consiste en un atome de carbone et quatre atomes d’hydrogène, avec le carbone lié à chacun des quatre hydrogènes ; l’universel structuré méthane, de façon similaire, consiste en plusieurs parties, une pour chacun des cinq atomes, et une pour chacune des quatre liaisons chimiques. Comparez ça à un modèle boule-ressort : une grosse boule au centre, et quatre petites boules attachées par des ressorts. Ce modèle est une image tridimensionnelle. Il représente une molécule de méthane — n’importe laquelle, pas une en particulier — par isomorphisme. »

— Against Structural Universals

Cette conception est basée sur l’isomorphisme de la structure méréologique[10]. Ainsi, l’universel de méthane serait comme un modèle boule-ressort : il possède la même structure que les particuliers qui l’instancient[10]. Un particulier de méthane a pour partie un particulier de carbone et quatre particuliers d’hydrogène, et le carbone est lié à chacun des quatre hydrogènes[10]. De manière similaire, l’universel de méthane devrait avoir plusieurs parties : une pour chaque atome et une pour chaque liaison chimique[10]. Toutefois, contrairement au modèle boule-ressort qui est un objet physique (un particulier), l’universel structuré de méthane est un universel immanent : il ne s’agit pas d’une entité localisée dans le temps et l’espace[10]. Il est contenu dans chaque molécule de méthane (en tant que partie non spatio-temporelle)[10].

Les parties de l’universel doivent également être des universaux (pas nécessairement complexes)[10]. Ainsi, l’universel de méthane doit avoir comme partie les universaux de carbone, d’hydrogène et de liaison chimique[10]. Or, pour être isomorphe à ses instances, l’universel de méthane doit avoir l’universel d’hydrogène comme partie non pas une fois, mais quatre[10]. Lewis considère que cela n’a pas de sens et rejette donc la version picturale[10].

Après avoir donné des arguments contre cette conception, il propose quatre variantes[10].

Variante 1 : composite non isomorphe[modifier | modifier le code]

Dans la première variante à la conception picturale que Lewis propose, il considère les universaux structurés comme des composites méréologiques non isomorphes à leurs instances[11]. C’est-à-dire que les universaux structurés ont une structure méréologique, mais que cette structure n’est pas isomorphe aux instances de l’universel[11]. Ainsi, l’universel de méthane a trois parties : les universaux de carbone, d’hydrogène et de liaison chimique, et chaque universel est partie une seule fois du méthane[11]. Lewis propose alors de s’intéresser à l’universel de butane[11]. Une instance quelconque de butane a pour parties quatre atomes de carbone, dix atomes d’hydrogène et treize liaisons chimiques[11]. Dans cette variante, l’universel de butane a donc comme partie les universaux de carbone, d’hydrogène et de liaison chimique (et ce, une seule fois chacun), c’est-à-dire exactement comme l’universel de méthane[11]. Lewis pose le constat qu’il existe donc deux universaux qui ont exactement la même structure méréologique[11]. Ceci contrevient à l’un des principes méréologiques : l’extensionnalité[réf. souhaitée]. D’après ce principe, deux entités qui ont les mêmes parties en même quantité sont la même entité[réf. souhaitée]. Or il est absurde de dire que les universaux de méthane et de butane sont le même universel. Par conséquent, cette variante n’est pas acceptable.

Variante 2 : adverbe[modifier | modifier le code]

Dans la second variante, Lewis suppose que des entités peuvent être composées de la même partie plusieurs fois[12]. Ainsi, il est possible d’expliquer la différence entre les universaux de méthane et de butane[12]. Il considère dans cette variante qu’il faut comprendre « plusieurs fois » comme un adverbe : ainsi, dans la phrase « A a B comme partie quatre fois », cela ne signifie pas qu’il existe quatre choses ; cela signifie qu’il y a A et B, qu’il existe un unique B, mais que « quatre fois » est la façon dont A a B comme partie[13].

Toutefois, pour Lewis, une telle analyse n’a pas de sens, et il s’interroge sur le fait qu’une instance de A a quatre parties différentes qui sont des B[14]. Enfin, il y a une objection plus simple encore en considérant l’isobutane[14]. Une molécule d’isobutane possède les mêmes parties qu’une molécule de butane, elles sont seulement structurées différemment[14]. Or, on retombe sur le problème de l’extensionnalité : les universaux de butane et isobutane ont les mêmes parties (bien que leurs nombres soient différents que pour l’universel de méthane), ainsi d’après l’extensionnalité, les universaux de butane et d’isobutane sont le même universel, ce qui n’est pas souhaitable[14]. Ainsi, pour Lewis, « même si les différences adverbiales avaient du sens, elles ne résoudraient pas notre problème »[14].

Variante 3 : composition non méréologique[modifier | modifier le code]

Variante 4 : amphibien[modifier | modifier le code]

La dernière variante que propose Lewis conserve l’isomorphisme entre l’universel et ses instances[15]. Toutefois, au lieu de considérer que l’universel d’hydrogène est présent une seule fois, Lewis considère qu’il y a quatre choses, et que ces quatre choses sont des parties du méthane[15]. La question est donc de savoir ce que sont ces quatre choses. Parce qu’elles sont des parties d’un universel, elles ne peuvent pas être des particuliers[15]. Toutefois, parce qu’elles sont toutes semblables, mais qu’il y en a quatre (là où un universel est unique), elles ne peuvent pas non plus être des universaux[15]. Parce qu’elles se comportent en partie comme des universaux, mais aussi comme des particuliers, Lewis les appelle des amphibiens[15].

Ainsi, l’universel de méthane est composé de quatre amphibiens d’hydrogène et l’universel de carbone[15]. Le butane est composé de dix amphibiens d’hydrogène et quatre amphibiens de carbone[15]. Concernant l’universel de liaison chimique, il n’y a pas besoin de recourir à des amphibiens de cette relation : la relation peut tenir entre différents amphibiens[16]. Avec cette relation, il est ainsi possible de différencier l’universel de butane de celui d’isobutane[17].

Lewis soulève plusieurs questions[17] : qu’en est-il de l’universel d’hydrogène dans le méthane ? Est-il toujours une partie du méthane ? Est-ce que le même amphibien peut être une partie de deux universaux structurés différents ? Si deux atomes d’hydrogène sont dans deux molécules de méthane différentes, y a-t-il une différence entre le cas où les deux atomes instancient le même amphibien et celui où l’amphibien instancié est différent ?

Lewis ne voit pas, à première vue, de quoi réfuter cette variante[15]. Toutefois, pour lui, elle est tellement étrange qu’elle ne peut pas être considérée comme sérieuse[15]. Ainsi, il se refuse à explorer plus avant les conséquences d’une telle variante[17].

Conception magique[modifier | modifier le code]

Lewis introduit la conception magique en ces termes[18] :

« On the magical conception, a structural universal has no proper parts. It is this this conception on which ‘simple’ must be distinguished from ‘atomic’. A structural universal is never simple; it involves other, simpler, universals. (Simpler; perhaps not simple.) But it is mereologically atomic. The other universals it involves are not present in it as parts. Nor are the other universals set-theoretic constituents of it; it is not a set but an individual. there is no way in which it is composed of them. »

— David Lewis, Against Structural Universals

« Dans la conception magique, un universel structuré n’a pas de partie propre. Il s’agit de la conception dans laquelle il faut distinguer « simple » d’« atomique ». Un universel structuré n’est jamais simple ; il implique d’autres universaux plus simples. (Plus simple ; pas nécessairement simple.) Mais il est méréologiquement atomique. Les autres universaux impliqués ne sont pas des parties, ni des constituants ensemblistes ; il n’est pas un ensemble, mais un individu. Il n’y a aucune manière selon laquelle il est composé d’eux. »

— Against Structural Universals

Dans la conception magique, un universel structuré n’a pas de partie propre : il s’agit d’un atome méréologique[18]. Un universel structuré n’est pas simple : il est complexe et implique d’autres universaux plus simples[18]. Mais cette implication n’est pas de nature méréologique, ni une appartenance à un ensemble : un universel structuré est un individu et non un ensemble[18].

[19]

Conception occurrentielle[modifier | modifier le code]

Aspects[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La relation d’instanciation est la relation qui lie les universaux et les particuliers. Pour les rendre plus compréhensibles, on peut reformuler les phrases « cet objet instancie l’universel Chaise » ou « cet objet est une instance de l’universel Chaise » en « cet objet a la propriété d’être une chaise ».
  2. Ici, Garbacz préfère l’utilisation du mot « morceau » (« chunk » dans le texte en anglais), car le mot « partie » est étroitement lié à la méréologie, que certaines conceptions des universaux structurés rejettent. Ainsi, « morceau » est plus neutre.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Garbacz 2020, p. 10.
  2. Armstrong 1978, p. 69.
  3. Lewis 1986, p. 26-27.
  4. Fisher 2018, p. 1.
  5. Garbacz 2020, p. 9-10.
  6. a et b Wetzel 2009, p. 139.
  7. a et b Lewis 1986, p. 31.
  8. a et b Fisher 2018, p. 4.
  9. a b c et d Garbacz 2020, p. 9.
  10. a b c d e f g h i j k et l Lewis 1986, p. 33.
  11. a b c d e f et g Lewis 1986, p. 36.
  12. a et b Lewis 1986, p. 37.
  13. Lewis 1986, p. 37-38.
  14. a b c d et e Lewis 1986, p. 38.
  15. a b c d e f g h et i Lewis 1986, p. 39.
  16. Lewis 1986, p. 39-40.
  17. a b et c Lewis 1986, p. 40.
  18. a b c et d Lewis 1986, p. 41.
  19. (en) Jason Bowers, « Neither Mereology nor Magic, but Teleology », The Southern Journal of Philosophy, vol. 55, no 2,‎ , p. 177–195 (DOI 10.1111/sjp.12219, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]