Problèmes de l'agriculture nigérienne

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Image satellite du Niger.

Le Niger, pays sahélien avec une superficie de 1 267 000 km2 dont les trois quarts désertiques, a une économie dominée par l'agriculture qui contribue à 40 % au PIB[1] et représente le premier secteur générateur de revenu pour la population et pour l'État. Ce secteur agricole, qui n’exploite qu’environ 12 % du territoire national[2],[3], connaît cependant d’innombrables défis.

Défis climatiques[modifier | modifier le code]

Le secteur agricole nigérien est d'abord fortement tributaire des conditions climatiques caractérisé par une forte aridité accentuée par des températures élevées, une variabilité spatio-temporelle et interannuelle très forte des précipitations ainsi que leur réduction (déplacement des isohyètes vers le Sud). À cela, il faut ajouter des pertes considérables d’eau dues au ruissellement et à l’évaporation à partir du sol et par percolation en profondeur. Le Niger a connu aussi de nombreuses sécheresses qui ont eu des effets néfastes sur le secteur agricole. À titre d’exemple, entre 1980 et 2009, il a été enregistré sept années de «déficit pluvial » : 1984, 1993, 1997, 2000, 2004, et 2009[4]. L’une des conséquences graves de ces facteurs climatiques est la dégradation des terres agricoles qui contribue ainsi largement à la baisse des productions agro-sylvo-pastorales et à la paupérisation des populations.

Défis anthropiques[modifier | modifier le code]

En plus de la dégradation due aux conditions climatiques, il faut ajouter la dégradation anthropique liée aux activités humaines notamment les pratiques agricoles peu performantes, les outils de travail rudimentaires dont l’utilisation tend à fragiliser davantage la stabilité structurale des sols à l’origine très faible. Le surpâturage, le piétinement, la surexploitation des terres et le déboisement conduisent à une réduction du couvert végétal ce qui rend les sols vulnérables à l’érosion. Celle-ci est aggravée par la forte intensité des orages pluvieux.

Défis démographiques[modifier | modifier le code]

Aux problèmes ci-dessus s’ajoute une forte croissance démographique (3,9 % selon le recensement général de 2012) qui est l'une des plus élevées au monde (Guengant et Banoin, 2003 ; Banoin et al., 2006). Des densités démographiques de 35 à 100 habitants sont atteintes dans les zones les plus favorables à l'agriculture comme le sud Maradi où elles frôlent actuellement les 200 hab/km2 (Raynaut cité par Yamba, 2004). Il en résulte de cette démographie, la saturation foncière très marquée dans les régions de Maradi, Zinder et la partie sud de Dosso, avec comme effet la réduction voire la disparition des aires de pâturage et surtout de la jachère qui permettait la reconstitution naturelle de la fertilité des sols à travers le recyclage des éléments nutritifs et de la matière organique[5],[6].

L’explosion démographique a entraîné aussi des migrations des populations vers le sud ou vers les centres urbains et la sédentarisation massive des populations nomades[7]. La résultante de ces phénomènes est la dégradation du milieu qui se traduit par la diminution du rendement des cultures, la remise en activité des dunes autrefois fixées par la végétation et un déboisement excessif[7]. On note aussi une concurrence entre l’agriculture et l’élevage. En effet, dans beaucoup des régions du Niger, l’élevage souffre d’insuffisance des espaces à pâturer et aussi du fourrage. Cette situation a conduit à une utilisation presque complète des résidus de cultures pour l’alimentation du bétail ; aussi la totalité de la matière végétale produite est exportée, perturbant de ce fait l’efficacité globale du système de production agricole ainsi que l’équilibre de ses relations avec l’environnement physique[6]. L’association agriculture – élevage connue dans toutes les exploitations devient de plus en plus difficile, conduisant les petites exploitations à abandonner la pratique de l’élevage. Le manque de matière organique et la faible stabilité structurale des sols va entraîner un déficit en éléments nutritifs et une capacité insuffisante de rétention d’eau, d’où une réduction de la croissance des plantes.

La croissance démographique brutale et les conditions économiques difficiles entraînent, comme il est dit plus haut, une urbanisation anarchique difficilement contrôlable. Au Niger, l’ensemble de la population urbaine a été multiplié par 14 et celle de Niamey par près de 20 fois[8]. Il en est résulté de cette urbanisation un développement des secteurs industriel et routier entraînant un rejet des divers polluants dans l’environnement. À ceux-ci, s'ajoutent les pollutions issues des décharges publiques à ciel ouvert ou des activités informelles (incinération des déchets, brûlage des pneus, cuissons diverses, nettoyage, rejet des excrétas…). Parallèlement, il s’est développé aux alentours des zones urbaines et périurbaines des villes, des activités agricoles (maraîchage, riziculture, arboriculture) et d’élevage destinées principalement à approvisionner les marchés locaux en légumes, fruits, riz, viandes et laits. Ces produits sont alors susceptibles d’être contaminés car cultivés dans des zones potentiellement polluées, et irrigués souvent avec des eaux usées. Cela pourrait engendrer un risque de contamination humaine à travers la consommation de ces produits.

Conséquences sur les sols[modifier | modifier le code]

Toutes ces contraintes ont engendré au Niger des sols globalement fragiles et chimiquement très dégradés et érodés[9],[10],[11]. En effet, en dehors des vallées alluviales, la majorité des sols sont de type ferrugineux tropical lessivé caractérisé par une faible teneur en argile de type kaolinite, une forte sensibilité à la battance, au lessivage, à l’érosion et à l’acidification[12]. Ce sont des sols très sableux dans leur majorité et sont de ce fait susceptibles à la déflation éolienne. Ils ont une carence généralisée en matière organique (moins de 0,6% d’humus) et sont déficitaires en éléments nutritifs majeurs que sont l'azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Selon la FAO[13], les terres cultivées perdent environ 22 kg d’azote (N), 2,5 kg de phosphore (P) et 15 kg de potasse (K) par hectare et par an soit 10 à 45 kg de NPK/ha et par an. Les sols sont épuisés et souffrent d’acidité, de faible capacité d’échange de cations et de toxicité alumique[14],[13]. Dans ces conditions, la monoculture des céréales est en grande partie responsable de cette déficience en éléments nutritifs et en matière organique ainsi que de l’acidification des sols[15].

Les engrais minéraux, qui ont pour rôle de fertiliser les sols, connaissent une application extrêmement limitée à cause de leur faible disponibilité sur les marchés locaux, de la faible capacité d’investissement de la plupart des paysans, des risques économiques dus aux aléas climatiques[16], de la non exploitation des ressources minérales locales et des déficiences dans les politiques et institutions agricoles. De plus, l’utilisation exclusive des engrais minéraux, entraîne à long terme une diminution de la matière organique, une acidification des sols, une désaturation du complexe d’échange, une augmentation de la toxicité en aluminium tant de facteurs capables de réduire le rendement. Dans la situation actuelle, les quantités apportées de fumures organique et minérale sont insuffisantes, ce qui se traduit par un bilan minéral déficitaire[10],[17]. En effet, la terre est privée de ses éléments nutritifs, constamment puisés dans le sol lors des récoltes, qui ne sont pas remplacés par des fertilisants.

Une situation très préoccupante dans la région de Maradi particulièrement, mérite d’être signalée car très néfaste pour la vie des sols. En effet, la baisse progressive de la production d’arachide, a amené les paysans à adopter la culture du souchet qui est pratiquée avec des méthodes archaïques sur des terres très sableuses. Le système de production de souchet, actuellement mis en œuvre, est en train d’aggraver la destructuration et l’épuisement des sols déjà fragiles et menace sérieusement le devenir de l’agriculture dans cette région du pays.

Cas des terres des vallées[modifier | modifier le code]

Le déficit en éléments fertilisants n’épargne pas aussi les terres des vallées qui connaissent en plus, des manifestations de salinisation, de sodisation et d’alcalinisation dans les zones potentiellement irrigables et de problème de qualité de l’eau d’irrigation. En effet, comme l’ont souligné[18], la salinité des sols est un problème bien connu qui affecte la plupart des terres irriguées en zones aride et semi-aride. Les conséquences sont l’augmentation du potentiel de l'eau présente dans le sol, qui est d'autant plus difficile à mobiliser par la plante, l’apparition des phénomènes de toxicité de certains ions (chlorure, bore), l'inassimilabilité de certains éléments (Zn, P, N) entraînant leur carence, la dispersion des agrégats et de la matière organique, ce qui conduit à une réduction de la porosité et à un tassement de sol et conséquemment à la réduction de la perméabilité[19]. Les effets sont néfastes non seulement pour l’agriculture, mais aussi pour les réserves et la qualité de l’eau.

Au regard de toutes ces contraintes et de la nécessité de produire plus pour nourrir une population en croissance rapide, il apparaît clairement que la préservation de la capacité productive des sols est indispensable. Ceci n’est possible que par une gestion intégrée des sols et des nutriments qui vise à optimiser les propriétés physiques, chimiques, biologiques et hydrologiques du sol, pour améliorer la productivité des terres et réduire leur dégradation. Comme l’ont indiqué[20], les sociétés humaines doivent utilisés les sols sans freiner leur formation, sans accélérer les érosions, sans diminuer les teneurs en matière organique des sols, en veillant à la biodiversité dans et sur les sols, en maintenant une bonne structuration et une bonne porosité des sols, en évitant les pollutions des sols et en évitant les appauvrissements nutritifs des sols. Il s’agit donc de mettre à la disposition des paysans nigériens, des connaissances opérationnelles et des outils afin de définir des stratégies de gestion de la fertilité physique, chimique et biologique des sols cultivés, à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation, adaptées aux principaux systèmes de production.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. M. Ndiaye, A. Madai, R. Thiers, Implementing the MAF in Niger: Opportunities and challenges in accelerating MDG 1, Global MDG Conference, UNDP Working Paper, no 8, UNDP Publishing, 2013, 14 pages + annexes.
  2. J.P. Guengant, M. Banoin, Dynamique des populations, disponibilités des terres et adaptation des régimes fonciers : le cas du Niger, FAO et Comité International de Coopération dans les Recherches Nationales en Démographie, 2003, 144 pages.
  3. CNEDD : Programme d’action national pour l’adaptation aux changements climatiques. Cabinet du Premier Ministre. Secrétariat exécutif du CNEDD / FEM / PNUD, 2006, 78 pages + annexes.
  4. Banque mondiale (2013) : Évaluation des risques du secteur agricole au Niger : De la réaction aux crises à la gestion des risques à long terme. Assistance technique. Département Agriculture et Services Environnementaux (AES) ; Unité Agriculture, Développement Rural et Irrigation ; Région Afrique (AFTAI). Rapport numéro: 74322-NE. 96 pages
  5. Yentzie K., Coulibaly D. et Koné D. (2003) : Perception de la gestion de la fertilité des sols au Mali. Ministère du développement rural et de l’eau / République du Mali. Institut d’économie rurale, Centre régional de recherche agronomique de Mono, Centre régional de production et gestion des ressources naturelles. 41 pages.
  6. a et b Adam T., Reij C., Abdoulaye T., Larwanou M., Tappan G. et Yamba B. (2006) : Impacts des investissements dans la gestion des ressources naturelles (GRN) au Niger : Rapport de synthèse. Centre Régional d’Enseignement Spécialisé en Agriculture (CRESA) , Niamey / Niger. Première version. 65 pages.
  7. a et b Hountondji Y.C., Ozer P. et Nicolas J. (2004) : « Mise en évidence des zones touchées par la désertification par télédétection à basse résolution au Niger », Cybergeo, Environnement, Nature, Paysage, article 291. Consulté le 22 octobre 2013. URL : http://www.cybergeo.eu/index2761.html.
  8. Guengant J.P., Kamara Y., Metz N. et Atama D.S. (2010) : Comment bénéficier du dividende démographique ? La démographie au centre des trajectoires de développement dans les pays de l’UEMOA. Analyse pays Niger. Étude coordonnée par Initiatives Conseil International, (Burkina Faso) et financée par l’Agence Française de Développement. 57 p.
  9. Bationo, A, F. Lompo and S. Koala, 1998. Research on nutrient flows and balances in West Africa: State-of-the-art. Agriculture. Ecosystems & Environment. 71: 19-35.
  10. a et b Pieri C. (1989) : Fertilité des terres des savanes. Bilan de trente ans de recherche et de développement agricoles au sud du Sahara. Paris, Ministère de la Coopération et du Développement, CIRAD – IRAT. 444 pages
  11. Ambouta J.M.K. (1994): Étude des facteurs de formation d’une croûte d’érosion et de ses relations avec les propriétés internes d’un sol sableux fin au Niger. Ph.D. (Philosophiae Doctor). Univ. Laval, Québec – Canada. 97 pages.
  12. Lavigne-Delville P. (1996) : Gérer la fertilité des terres dans les pays du Sahel : Diagnostic et conseil aux paysans. Collection LE POINT SUR. Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET), Paris – France avec la collaboration du Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) et la Coopération Française. 397 pages.
  13. a et b Liniger H.P., Mekdaschi Studer R., Hauert C. and Gurtner M. (2011) : La pratique de la gestion durable des terres. Directives et bonnes pratiques en Afrique subsaharienne. TerrAfrica, Panorama mondial des approches et technologies de conservation (WOCAT) et Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 252 pages.
  14. Van Reuler H. et Prins W.H. (1993) : Rôle de la fertilisation pour assurer une production durable des cultures vivrières en Afrique Sub-saharienne. Dutch Association of Fertilizer Producers (VKP). CIP-DATA Koninklijke Bibliotheek, Den Haag. Leidschendam / Pays-Bas. 259 pages.
  15. Bationo, A., A. Buerker, M.P. Sedogo, B.C. Christianson and A.U. Mokwunye, 1994. A critical review of crop residue use as soil amendment in the West African Semi-arid Tropics. In: Livestock and suistainable nutrient cycling in mixed farming systems of sub-Saharan Africa, J.M. Powell, S. Femandez-Rivera, T.O. Williams and C. Renard (eds.), Volume 1: Conference summary Proceedings of an International Conference held in Addis-Ababa, Ethiopia. 22-26.
  16. Dugué, P., 1993. La gestion de la fertilité et l’utilisation des ressources naturelles dans les systèmes agropastoraux soudano-sahéliens. Quelques éléments de réflexion à partir des situations du Yatenga (Burkina Faso) et du Sine Saloum (Sénégal). Communication présentée à la journée AGR (Gestion de la fertilité) du 20 janvier 1993. CIRAD-SAR No 26/93, 15 p.
  17. ACDI / CRDI (2001) : Amélioration et maintien de la fertilité des sols en Afrique: le rôle de la technologie du Bois Raméal Fragmenté. Résumé et synthèse des analyses. Publication no 131. Édité par le Groupe de Coordination sur les Bois Raméaux, Université de Laval. Département des Sciences du Bois et de la Forêt. Québec / Canada. 25 pages
  18. Barral J.P. et Dicko M.K. (1996) : La dégradation des sols à l’Office du Niger. Synthèse bibliographique. Institut d’Économie Rurale du Mali / Pôle Systèmes Irrigués (CORAF). Travaux et Études no 1. 33 pages + annexes. Consulté le 28 0ctobre 2013. http://www.cra-segou.org/spip.php?article527
  19. Tréa C. et EL-Kharbotly-Rill E. (1990) : Identification de salinisation, d’alcalinisation et de sodisation des terres à l’Office du Niger. Recherche dans le cadre de fin d’études en génie rural à l’université de Wageningen (Pas Bas).48 pages. Consulté le 28 0ctobre 2013. http://www.cra-segou.org/spip.php?article585
  20. Ruellan A., Blanchart E., Brauman A., Grimaldi M., Grünberger O., Barbiero L., Chaplot V., Monga O., Bernoux M. (2008) : Les sols, des milieux vivants très fragiles. IRD - SUDS en ligne. Les dossiers thématiques de l’IRD. 21 pages. http://www.mpl.ird.fr/suds-en-ligne Date de consultation : 13 / 10 / 2013