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Léo Ferré - Nous aurons...

Nous aurons du pain,
Doré comme les filles
Sous les soleils d'or.
Nous aurons du vin,
De celui qui pétille
Même quand il dort.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et, le plus souvent,
Lundi sera dimanche.
Mais notre âge alors
Sera l'AGE D'OR.

Léo Ferré (24/08/1916-14/07/1993 – L'âge d'or (1959-1966) (éd. Barclay-Universal)

s:juillet 2013 Invitation 1

Guy de Maupassant - Georges Duroy

Il marchait ainsi qu'au temps où il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entr'ouvertes comme s'il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route. Il inclinait légèrement sur l'oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait l'air de toujours défier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil.

Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant. Grand, bien fait, blond, d'un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache repoussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d'une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires.

Guy de Maupassant (05/08/1850-06/07/1893) - Bel-Ami (1885)

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s:juillet 2013 Invitation 2

Léo Ferré - Nous aurons...

Nous aurons du pain,
Doré comme les filles
Sous les soleils d'or.
Nous aurons du vin,
De celui qui pétille
Même quand il dort.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et, le plus souvent,
Lundi sera dimanche.
Mais notre âge alors
Sera l'AGE D'OR.

Léo Ferré (24/08/1916-14/07/1993 – L'âge d'or (1959-1966) (éd. Barclay-Universal)

s:juillet 2013 Invitation 3

G. Bruno - Vauban

Au même siècle que Bossuet , dans la Bourgogne naquit le jeune Vauban.

Dès l'âge de dix-sept ans il s'engagea comme soldat, et se fit tout de suite remarquer par son courage. Un jour, au siège d'une petite ville dont les murs étaient entourés par une rivière, il se jeta à la nage et, montant sur les remparts, entra le premier dans la place.

Si Vauban n'avait été que brave, son nom eût pu être oublié dans un pays où la bravoure est si peu rare ; mais Vauban était studieux, et tous ses loisirs, il les consacrait à l'étude. Il s'occupait des sciences ; il lisait au milieu des camps des livres de géométrie. Il obtint le grade d'ingénieur, et ce fut comme ingénieur qu'il montra son génie. Le roi Louis XIV le chargea de fortifier nos principales places de guerre. Toute la ceinture de places fortes qui défend la France est son œuvre : Dunkerque, Lille, Metz, Strasbourg, Phalsbourg, Besançon et plus de trois cents autres.

— Quoi ! s'écria le petit Julien, c'est Vauban qui a fortifié Phalsbourg, où je suis né, et Besançon, dont j'ai si bien regardé les murailles ! Voilà un grand homme dont je n'oublierai pas le nom à présent. Puis il reprit sa lecture.

G. Bruno (31/07/1833-08/07/1923) – Le Tour de la France par deux enfants - 1877 (page 101)

s:juillet 2013 Invitation 4

Allen Ginsberg - HOWL

J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,

se traînant à l’aube dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre,

initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne,

qui pauvreté et haillons et œil creux et défoncés restèrent debout en fumant dans l’obscurité surnaturelle des chambres bon marché flottant par-dessus le sommet des villes en contemplant du jazz,

qui ont mis à nu leurs cerveaux aux Cieux sous le Métro Aérien (...)

Allen Ginsberg (03/06/1926-05/04/1997) - Howl (début) - (Christian Bourgois éditeur, 1956)

s:juillet 2013 Invitation 5

Nina Bouraoui - La cigarette de mon père

Il s'approcha de moi. Éclata du rire. Surprise d'entendre le son de sa joie, je me mis à sourire et lui lançai un regard complice. Heureux père, il me proposa une autre cigarette. Gênée, je refusai mais il insista. Tremblante et confuse je n'arrivais pas à l'allumer. Il la retira délicatement de ma bouche et grilla une allumette au bout de la colonne de tabac blond qui se transforma en braise fumante. Je le remerciai en oubliant que des gestes de mon maître n'étaient jamais inconséquents. J'attendais un mot. Un reproche. Infime, mais un reproche ! Rien ne vint. Il me tendit la cigarette, et, au passage, l'écrasa sur mon sourire. Il dessina au fer rouge quatre petites boursouflures puis, une main derrière ma nuque, il pressa plus fort afin d'écraser la cigarette contre l'émail de mes dents. « Tu voulais fumer. Eh bien voilà ! » dit-il en quittant ma chambre.

Nina Bouraoui - La voyeuse interdite (page 67) - (Éditions Gallimard, 1991)