Commission de codification des lois civiles du Bas-Canada

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Photographie noir et blanc montrant cinq hommes en complet autour d'une table sur laquelle est déposé plusieurs liasses de document,
Réunion de la Commission vers 1865. De gauche à droite : Joseph-Ubalde Beaudry (secrétaire), les trois commissaires, Charles Dewey Day, René-Édouard Caron et Augustin-Norbert Morin, et le secrétaire, Thomas McCord.

La Commission de codification des lois civiles du Bas-Canada[1] est une commission créé en 1857 pour codifier les lois applicables en droit privé au Canada-Est. Elle était présidé par le juge René-Édouard Caron.

La Commission a mené plus de cinq ans de travaux qui ont abouti par l'adoption, par le Parlement de la province du Canada, du Code civil du Bas-Canada et du Code de procédure civile du Bas-Canada.

Composition[modifier | modifier le code]

La loi créant la commission prévoyait 3 postes de commissaires et 2 postes de secrétaire (l'un francophone et l'autre anglophone)[2].

Membres de la Commission
Nom Occupation Poste à la commission Mandat
René-Édouard Caron[3] Juge de la Cour du banc de la Reine, à Québec Président et commissaire -
Charles Dewey Day[4] Juge de la Cour supérieure, à Montréal Commissaire -
Augustin-Norbert Morin[5] Juge de la Cour supérieure, à Québec Commissaire -
Joseph-Ubalde Beaudry[6] Greffier de la Cour d'appel Secrétaire francophone
Commissaire (remplaçant Morin) -
Thomas Kennedy Ramsay[7] Avocat à Montréal Secrétaire -
Thomas McCord Avocat à Montréal Secrétaire anglophone (remplaçant Ramsay) -
Louis-Siméon Morin[8] Avocat à Montréal
Ancien Solliciteur général du Bas-Canada
Secrétaire (remplaçant Beaudry) -

Mandat[modifier | modifier le code]

La commission a pour mandat d'écrire deux codes : un Code civil du Bas-Canada qui comprend les lois civiles et commerciales du Canada-Est[9] et un Code de procédure civile du Bas-Canada pour les lois touchant la procédure[10]. Les commissaires avaient explicitement pour mandant de s'inspirer de trois codes français : le Code civil, le Code de commerce et le Code de procédure civile[11].

Les codes devaient être rédigés en anglais et en français[12], ce qui était déjà le cas pour les autres lois applicables au Canada-Est.

S’attachant aux sources du droit du Bas-Canada, les commissaires du Code civil du Bas Canada édifièrent un droit civil rationalisé en s’appuyant largement sur le Code civil français de 1804 dont la structure fût largement reprise. Les commissaires exposent tout d’abord « une courte explication de leur mode général de procéder et des raisons qui, dans le cours de ce travail leur ont fait adopter certaines règles et recommander des changements » (Code civil du Bas-Canada, premier, second et troisième rapports, p. 7).

Le premier rapport traite des obligations et « contient les principes fondamentaux sur lesquels repose une grande partie des droits et des obligations civiles » (Id.). S'ils reprennent le Code Napoléon, ils se montrant critiquent envers celui-ci à de nombreuses reprises, comme Donald Fyson, Sylvio Normand et David Gilles l'ont montré dans leurs publications.

« [C]ette grande œuvre, avec tous ces mérites, n’est pas toujours heureuse dans la classification des matières, et parfois elle nous offre une rédaction incertaine, qui donne lieu à des interprétations différentes et qui, quelquefois, semblent contradictoires »Code civil du Bas-Canada, premier, second et troisième rapports, p. 7. "Critiquant et complétant le Code français, les commissaires n’hésitent pas à écarter certains articles français comme les articles 1101 à 1106 du Code Napoléon, ceux-ci contenant des définitions qui ne peuvent être que difficilement rendues exactes, qui sont incomplètes et inutiles selon ces derniers"[13].


Rapports des commissaires[modifier | modifier le code]

Les commissaires indiquent, dans leur second rapport, l’attitude qu’ils entendent adopter face au Code Napoléon :

« Le Code Napoléon est, avec raison, considéré comme un chef d’œuvre dans son genre; aussi l’a-t-on adopté, soit dans son entier, soit avec des modifications plus ou moins considérables, dans tous les pays, où, depuis sa confection, l’on s’est occupé de codification; il était donc naturel, à raison de la similitude de nos lois avec celles de la France à l’époque où elles y furent codifiées, qu’on nous donnât son code pour modèle et qu’on l’indiquât comme base de celui que l’on voulait faire. Quoique cette similitude ait été assez notablement altérée par le nouveau code, elle était encore assez grande pour qu’il fût possible, sans trop de risque, de permettre aux Commissaires d’en adopter les dispositions qu’ils auraient approuvées, en retranchant, en altérant celles dont l’expérience en France ou ailleurs a démontré l’inutilité ou la défectuosité et en y intercalant celles que nos lois et nos circonstances particulières peuvent requérir. Cette manière de procéder, si elle eût été permise, aurait rendu la tâche comparativement légère. Mais la Législature ne l’a pas voulu; elle a bien, à la vérité, indiqué le code français pour modèle quant au plan à suivre, à la division des matières et aux détails à fournir sur chaque sujet; mais tout cela n’est qu’accessoire et ne regarde que la forme; quant au fond, il est ordonné que le code à faire se composera exclusivement de nos propres lois. Ce qui est loi en force doit y être inclus; ce qui ne l’est pas doit en être exclu et peut tout au plus être proposé comme altération admissible[14] »

Comme l'a relevé D. Gilles, « Dans le rapport sur le titre des obligations du Code civil du Bas-Canada, sur deux cents articles régissant les obligations, les auteurs renvoient cent soixante-quatorze fois à Pothier dans l’établissement des formules du Code, alors que quatre-vingt-quatorze articles trouvent leur inspiration – pour partie – dans les dispositions des Lois Civiles" de Jean Domat[15] »

Adoptions[modifier | modifier le code]

Le , le Parlement de la province du Canada adopte le Code civil du Bas-Canada[16]. Il en fait de même en pour le Code de procédure civile du Bas-Canada[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. La Commission n'avait pas de titre officiel, son nom varie donc selon les ouvrages.
  2. Acte pour pourvoir à la codification 1857, art. I.
  3. Jean-Charles Bonenfant, « CARON, RENÉ-ÉDOUARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. X (lire en ligne)
  4. Carman Miller, « DAY, CHARLES DEWEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. XI (lire en ligne)
  5. Jean-Marc Paradis, « MORIN, AUGUSTIN-NORBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. IX (lire en ligne)
  6. Jean-Jacques Lefebvre, « BEAUDRY (Baudry), JOSEPH-UBALDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. X (lire en ligne)
  7. Jean-Charles Bonenfant, « RAMSAY, THOMAS KENNEDY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. XI (lire en ligne)
  8. Jean-Charles Bonenfant, « MORIN, LOUIS-SIMÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. X (lire en ligne)
  9. Acte pour pourvoir à la codification 1857, art. IV.
  10. Acte pour pourvoir à la codification 1857, art. V.
  11. Acte pour pourvoir à la codification 1857, art. VII.
  12. Acte pour pourvoir à la codification 1857, art. XV.
  13. David Gilles, Essais d'Histoire du Droit. De la Nouvelle-France à la Province de Québec, Sherbrooke, éd. de la RDUS, , 694 p. (ISBN 978-2-920003-58-3), p. 554
  14. Caron, Day et Morin, Deuxième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, Québec,, G. E. Desbarats,, 1863-1865, p. iv
  15. David Gilles, « « Les Lois civiles de Jean Domat, prémices des Codifications ? Du Code Napoléon au Code civil du Bas Canada » », Revue Juridique Thémis,‎ (2009) 43-1, p. 2-49 (lire en ligne)
  16. Province du Canada. « Acte concernant le Code Civil du Bas Canada », 29 Vict. S.prov.C. 1865), chap. 41 [lire en ligne (page consultée le 25 février 2016)].
  17. Province du Canada. « Acte concernant le Code de Procédure civile du Bas-Canada », 29-30 Vict. (S.prov.C. 1866), chap. 25.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Province du Canada. « Acte pour pourvoir à la codification des lois du Bas-Canada qui se rapportent aux matières civiles et à la procédure », 20 Vict. (S.prov.C. 1857), chap. 43 [lire en ligne (page consultée le 25 février 2016)]
  • Sylvio Normand, « La codification de 1866: contexte et impact », dans Patrick Glenn (dir.), Droit québécois et droit français: communauté, autonomie, concordance, Cowansville (Québec), Éditions Yvon Blais, .
  • Michel Morin, « Les grandes dates de l'histoire du droit québécois, 1760-1867 », dans Actes de la XIIIe Conférence des juristes de l'État, Cowansville (Québec), Éditions Yvon Blais, , 293-301 p..
  • David Gilles, « « Les Lois civiles de Jean Domat, prémices des Codifications ? Du Code Napoléon au Code civil du Bas Canada » », 43-1,‎ , p. 2-49.
  • (en) Brian J. Young, The Politics of Codification : The Lower Canadian Civil Code of 1866, Montréal & Kingston, McGill-Queen's University Press, , 264 p. (ISBN 0-7735-1235-7, lire en ligne)
  • David Gilles, Essais d'histoire du droit. De la Nouvelle-France à la Province de Québec, Sherbrooke, éditions de la RDUS, , 694 p. (ISBN 978-2-920003-58-3, lire en ligne)
  • Sylvio Normand et Donald Fyson, « Le droit romain comme source du Code civil du Bas-Canada », (2001) 103 R. du N. 87
  • Martin Broodman, John E.C. Brierley et Roderick A. MacDonald, Quebec Civil Law. An introduction to Quebec Private Law, Toronto, Edmond Montgomery Publication, 1993, p. 5-74