Théorie des codes
En théorie de l'information, la théorie des codes traite des codes et de leurs propriétés et de leurs aptitudes à servir sur différents canaux de communication. On distingue deux modèles de communication : avec et sans bruit. Sans bruit, le codage de source suffit à la communication. Avec bruit, la communication est possible avec les codes correcteurs.
Histoire
[modifier | modifier le code]En définissant l'information de façon mathématique, l'étape fondatrice de la théorie des codes a été franchie par Claude Shannon. D'autres définitions existent, mais l'entropie de Shannon a été la plus fructueuse. Ainsi, on est apte à répondre aux deux questions fondamentales de la théorie de l'information : quelles sont les ressources nécessaires à la transmission de l'information, et quelle est la quantité d'informations que l'on peut transmettre de façon fiable.
C'est de cette dernière question du codage de canal que traite la théorie des codes. En répondant aux deux questions de base de la théorie de l'information, Shannon n'a justement pas fourni un ensemble très puissant de codes correcteurs. En particulier, il n'a pas déterminé d'exemple de code qui atteint la limite prévue par son théorème du codage de canal.
C'est ce vide que comble la théorie des codes. Il existe de nos jours une multitude de méthodes visant à produire de bons codes correcteurs.
Propriétés des codes
[modifier | modifier le code]On distingue d'abord les codes par la quantité d'information transmise par un symbole. Le canal binaire symétrique étant le plus commun, on considérera souvent un code binaire. Il existe cependant aussi des codes trinaires et, en général, des codes q-aires.
Les noms de variables suivants sont la plupart du temps, utilisés par convention. est un code contenant mots de code, c'est-à-dire, de dimension M. La longueur d'un mot de code est dénotée par . Un tel code est dit code .
Détection et correction d'erreurs
[modifier | modifier le code]La plupart des codes s'utilisent soit pour la détection ou la correction d'erreur.
Distance minimale et décodage
[modifier | modifier le code]La distance minimale d'un code influe la probabilité d'erreur de décodage. La distance minimale est un paramètre important, dénoté . Un tel code est dit code .
Familles de codes
[modifier | modifier le code]Codes équivalents
[modifier | modifier le code]Deux codes sont équivalents si toutes leurs propriétés de correction d'erreur sont les mêmes.
Types de codes
[modifier | modifier le code]On distingue généralement trois types de codes.
- Un code linéaire est un code correcteur à qui l'on impose une structure d'espace vectoriel.
- Un code cyclique est un code correcteur qui a davantage de structure que celle d'un espace vectoriel. En général, on peut concevoir les mots de code comme des polynômes. Exemple : le code de Reed-Solomon.
- Un code non linéaire est un code correcteur qui peut être construit d'une variété de façons, sans obtenir la structure d'un espace vectoriel.
Il y a un petit nombre de cas spéciaux. Un code trivial est un code qui recopie littéralement le message initial, d'où sa trivialité. Un code systématique est un code pour lequel le message à encoder est inclus dans le message encodé.
Par ailleurs, certains codes correcteurs peuvent être utilisés comme codes quantiques.
D'autres types de codes importants sont :
Familles
[modifier | modifier le code]Les codes correcteurs peuvent aussi être classés par familles.
- Un code de parité ajoute un ou plusieurs bits de parité au message.
- Un code de répétition envoie plusieurs copies de chaque bit à être transmis.
- Les codes de Hamming forment la famille la plus connue. Les codes de Hamming binaires sont équivalents aux codes cycliques et certains non binaires le sont aussi.
- Un code de Golay est un code linéaire considéré important en théorie et en pratique.
- Un code de Reed-Müller est un code linéaire dont les propriétés de décodage sont considérées particulièrement pratiques.
- Les codes BCH sont une généralisation des codes de Hamming. Il s'agit aussi de codes cycliques. Un cas particulier est le code de Reed-Solomon.
- Un code de résidu quadratique est un code cyclique basé sur la résiduosité quadratique.
- Un code de Goppa qui, comme les codes cycliques, est basé sur un polynôme, dit polynôme de Goppa.
- Un code stabilisateur est basé sur la mesure d'un syndrome, c'est-à-dire d'un vecteur dans .
- Un code expandeur (en) est un code linéaire avec lequel il est toujours possible de corriger une fraction constante d'erreurs.
- Les codes superconcentrateur de Spielman sont les seuls codes pouvant être codés et décodés en temps linéaire.
- Un code alternant est un code linéaire d'importance pratique.
- Un code de Hadamard est un code généré à partir d'une matrice de Hadamard.
- Un code LDPC est un code qui possède une matrice de parité creuse.
Combinaisons de codes
[modifier | modifier le code]On peut obtenir de nouveaux codes à partir d'opérations qui combinent un ou deux codes de base.
- opérations triviales : poinçonnage ou raccourcissement
- concaténation : code de Forney, code de Justesen (en)
- produit
Autres propriétés
[modifier | modifier le code]On distingue aussi certaines classes de codes par leurs propriétés.
- code intersectant
- code séparant
- (2014) dissimile et biner =111110110
Code et « design »
[modifier | modifier le code]Il y a une connexion entre les codes et les designs combinatoires.
Le problème principal de la théorie des codes
[modifier | modifier le code]Soit le plus grand pour lequel il existe un code et -naire. Le problème principal de la théorie des codes est de déterminer ces valeurs.
Codage de source
[modifier | modifier le code]Le but du codage de source peut être de compresser l'information répétitive du langage, sa redondance. Pour toute langue, on peut considérer l'entropie d'un message, c'est-à-dire la quantité d'information transmise. Ceci donne lieu au théorème du codage de source.
Codage de canal
[modifier | modifier le code]Le but est d'ajouter de l'information redondante à un message pour compenser le bruit sur le canal de communication. Ceci donne lieu au théorème du codage de canal et c'est à celui-ci qu'on doit l'origine de la théorie des codes.
Certains problèmes cryptographiques sont basés sur l'hypothèse de la difficulté du décodage.
Théorie algébrique des codes
[modifier | modifier le code]La théorie algébrique des codes est un sous-domaine de la théorie des codes où les propriétés des codes sont exprimées algébriquement. Autrement dit, l'approche est algébrique par opposition à l'approche traditionnelle qui est probabiliste[1]. On y étudie principalement :
- la construction de « bons » codes, c'est-à-dire avec certains paramètres souhaitables, tels :
- la longueur des mots de code
- le nombre total de mots de code valides
- la distance de Hamming minimale entre deux mots de code valides
- le décodage efficace de ces codes
Usages en analyse de textes
[modifier | modifier le code]L'analyse de codes est utile pour essayer de décoder un texte chiffré, si le code utilisé est faible (par exemple code de César ou de Vigenère). La détection des caractéristiques statistiques d'un texte permet également de vérifier, même sans en comprendre la langue, si un texte a eu plus d'un auteur (on peut ainsi affirmer que le Papyrus Voynich a eu deux auteurs distincts; voir article correspondant). Elle permet aussi d'analyser des textes de Victor Hugo et, par ces caractéristiques statistiques, de détecter la décennie de leur rédaction. Le Centre Scientifique d'IBM a également étudié les discours de Charles de Gaulle et montré que ces discours s'allongeaient au fil du temps, sauf pour quelques discours "critiques" (comme celui du ). L'université de Stanford a également comparé les vocabulaires respectifs[réf. souhaitée] de Marcel Proust et de Paul Valéry. L'ingénieur Jean-Jacques Walter a également effectué cette analyse sur le texte du coran et a soutenu une thèse d'Etat lui attribuant selon lui aussi plusieurs dizaines d'auteurs (au minimum 30 auteurs différents, probablement 50, au plus 100), au départ dans plusieurs langues, sur une période de deux cents ans[2],[3].
Dans la littérature de fiction, cette théorie sert de pivot au journaliste du Monde Robert Escarpit dans son ouvrage Le Littératron où un spécialiste utilise un ordinateur pour construire à partir de propos relevés dans des conversations de cafés le discours populiste ultime, qui suscite d'abord les quolibets, mais peu à peu montre une efficacité redoutable.
Références
[modifier | modifier le code]- Préface de (en) Elwyn R. Berlekamp, Algebraic Coding Theory, McGraw-Hill, 1968, 466 p.
- Interview Jean-Jacques Walter 8/10/2013 dans l'émission "Le Grand témoin"
- Analyse statistique du coran.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Ouvrages
- Jean-Guillaume Dumas, Jean-Louis Roch, Éric Tannier et Sébastien Varrette, Théorie des codes (Compression, cryptage, correction), Dunod, 2013, 2e éd. (1re éd. 2007), 384 p. (ISBN 978-2-10-059911-0) [présentation en ligne]
- Bruno Martin, Codage, cryptologie et applications, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, , 354 p. (ISBN 978-2-88074-569-1, lire en ligne).
- Articles
- Adam Woryna, « On the proportion of prefix codes in the set of three-element codes », Discrete Mathematics, vol. 343, no 8, , article no 111939 (DOI 10.1016/j.disc.2020.111939).
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Christine Bachoc, « Cours de code », sur université Bordeaux I, 2004-2005
- Joël Le Roux, Notions de communication numérique, Polytech Nice-Sophia, 2001
- Yves Denneulin, Jean-Guillaume Dumas, Gregory Mounié, Jean-Louis Roch, Karim Samaké, Eric Tannier, Sébastien Varrette, « Théorie des codes (polycopié de cours) », sur ENSIMAG (version du sur Internet Archive)