Zhiyi

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Zhiyi - 智顗
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Peinture de Zhiyi
Naissance
Huarong (Chine)
Décès
Shicheng (Chine)
Maîtres Huisi (515-577)
Célèbre pour Troisième patriarche et fondateur de l'école bouddhique chinoise du Tiantai
Œuvres principales Signification profonde du Sûtra du Lotus (ch. Fahua Xuanyi, jap. Hokke Gengi), Mots et phrases du Sûtra du Lotus (ch. Fahua Wenzhu, jap. Hokke Mongu), Grande concentration et intuition (ch. Móhē Zhǐguān, jap. Maka Shikan)

Zhiyi

Troisième patriarche[1] de l'école bouddhique chinoise du Tiantai, Zhiyi (ja. Chigi) 智顗 (538-597) fut le disciple de Huisi et le véritable fondateur de l'école[2]. Il vécut dans la Chine très troublée des Dynasties du Nord et du Sud (Dynastie Chen) puis sous les Sui, jouissant de la faveur impériale et nobiliaire.

Selon David W. Chappell, spécialiste de Tiantai et enseignant à l’Université d'Hawaii, il a contribué fortement à la diffusion du bouddhisme en concevant à partir de la philosophie indienne un système adapté à la culture chinoise permettant la naissance de nouvelles pratiques[3].

En Chine il est souvent appelé « Maître Sage » (Zhizhe dashi 智者大師), titre conféré de son vivant par Sui Wendi (581-604), ou « Maître de Tiantai » (Tiantai dashi 天台大師), titre donné sous les Tang.

Biographie[modifier | modifier le code]

Chen De’an (陳德安) (prénom social) naît à Huarong[4], préfecture de Jingzhou au Hubei, dans une famille de fonctionnaires originaire de Xuchang au Henan, ayant suivi au début du IVe siècle la cour des Jin dans son repli vers le Sud. Son père, Chen Qizu (陳起祖), est bien introduit à la cour des Liang. Sa mère vient d’une famille Xu (徐) honorablement connue.

Lorsqu’il a 17-18 ans, les Wei occidentaux s’emparent du pouvoir et ses parents meurent, semble-t-il de mort violente. Attiré depuis longtemps par le bouddhisme, il devient - contre l’avis de son frère aîné - moine au temple Guoyan[5] de Changsha où il étudie sous la direction du maître de vinaya Huikuang (慧曠).

Après un stage consacré entre autres au Sutra du Lotus sur le mont Daxian[6] à Hengzhou, il se rend vers 23 ans au mont Dasu[7] au Henan et y devient disciple de Huisi. Néanmoins, en 567 la communauté se sépare, peut-être en raison de luttes factieuses. Huisi retourne à Nanyue et Zhiyi à la capitale Jinling[8] qu’il a fréquentée dans son enfance, et où règnent désormais les Chen du sud. Il y enseigne le Sutra du Lotus et le Traité de la Grande Prajnaparamita[9] au temple de Waguan[10] sur l’invitation du gendre impérial Shen Junli (沈君理), et est bien vu de la cour. Il écrit le Liumiao famen[11].

Vers 575, désirant abandonner la ville pour un site convenant mieux à la méditation, il choisit Huading[12] dans les monts Tiantai. En 577, l’empereur Xuandi (568-82) dédie les revenus de la préfecture de Shifeng à son monastère. En 584, il accueille dans sa communauté Guanding, son futur successeur à la tête de Tiantai.

En 585, Houzhu (582-89), dernier empereur Chen, le persuade de revenir à Jinling accompagné de Guanding pour poursuivre son enseignement du Sutra du Lotus dans les temples Lingyao[13] et Guangzhai[14]. Guanding couche en notes son enseignement qui devient le Fahua wenju[15]. Il est appelé à la cour pour y enseigner le Traité de la grande prajnaparamita et le Karunikaraja prajnaparamita sutra[16]. Il enseigne la méditation zhiguan (止觀) à Zhikai (智鎧), futur fondateur du monastère de Dalin[17] fréquenté plus tard par Daoxin ; c’est là l’un des liens entre Tiantai et Chan[18].

En 588, Jinling est attaquée par les Sui. Zhiyi, Guanding et Zhikai se rendent au mont Lu où le dernier se fixe. Les deux autres continuent vers Nanyue. Après la chute des Chen, le prince de Jin et gouverneur de Yangzhou Yang Guang[19], futur empereur Yangdi des Sui, invite Zhiyi dans sa ville en 591 et se déclare son disciple. Il lui fait bâtir à Dangyang près de son Jingzhou natal un monastère sur le mont Yuquan[20] où il poursuit l’enseignement du Sutra du Lotus. Les notes de Guanding prises à cette époque deviendront le Fahua xuanyi (Signification profonde du Sutra du Lotus)[21]. En 594, il écrit le traité de méditation Móhē Zhǐguān[22].

En 595, il prêche encore à Yangzhou et rédige un commentaire du Sutra de Vimalakirti. En automne de cette même année, il retourne au mont Tiantai décidé à y rester et rédige le Guanxilun[23]. Néanmoins, en il ne peut refuser l’invitation de Yang Guang et meurt en route à Shicheng. En 605, Yang Guang devenu empereur fait bâtir sur le mont Tiantai le monastère souhaité par Zhiyi, connu comme monastère de Guoqing[24].

Pensée[modifier | modifier le code]

Le zhiguan et les quatre samadhis[modifier | modifier le code]

Zhiyi expose dans le Mohe zhiguan[25],[26] la pratique des quatre samadhis (ch. sizhong sanmei, ja. shishu zanmai 四種三昧)[27],[28]. Cet ouvrage rédigé d’après des notes prises durant ses cours de 594 à la capitale représente la somme de son expérience de méditation sur le mont Tiantai vers 585. Le terme zhiguan qu'il emploie pour désigner la méditation se compose de zhi, concentration, et guan, intuition/perception. Elle peut aussi se pratiquer en position non assise, et même dans différentes situations (liyuan duijing 歴縁対境) pour atteindre un état de calme et de perception dans toutes les circonstances[27].

Les quatre samadhis sont :

  • La méditation prolongée en position assise (ch. changzuo sanmei 常坐三昧 ; ja. joza zammai) ; appelée également samadhi unique (ch. yixing sanmei 一行 ; ja. ichigyo zanmai)
  • La méditation prolongée déambulatoire (ch. banzhou sanmei 般舟三昧 ou changxing sanmei 常行三昧 ; ja. jogyo zammai ; sk. pratyutpanna samadhi) ;
  • La combinaison des méditations assise et déambulatoire (ch. banxingbanzuo sanmei 半行半坐三昧) ;
  • La méditation sous toute autre forme (ch. suiziyi sanmei 隨自意三昧 ou feixingfeizuo sanmei 非行非坐三昧 ; ja. higyo hiza zammai) ;

Le terme de « samadhi unique » apparait dans la Prajnaparamita de Manjusri[29] et désigne à l’origine la perception du caractère indifférencié du dharmadhatu obtenue grâce à la méditation. L’école Tiantai lui a donné aussi le sens de pratique unique transcendant toutes les autres, sens repris par le courant Jingtu et en partie par le courant Chan, où il a été développé par Daoxin[30].

Les cinq périodes et les huit types d’enseignement[modifier | modifier le code]

Pour expliquer les divergences entre les textes bouddhistes, se basant sur le Sutra du Lotus, Zhiyi a envisagé que bien que tous proviennent originellement du Bouddha, ce dernier a eu recours à un enseignement gradué en quatre étapes[31] et qu’il existe quatre méthodes différentes d’enseignement[32].

Les cinq périodes (ou époques) de l’enseignement :

  • Selon Zhiyi, le Bouddha a exposé son enseignement – sous différentes formes puisque sa forme terrestre n’a eu qu’un temps – en cinq époques (wushi 五時). Il s’agit des quatre époques correspondant aux quatre étapes auxquelles s’ajoute la première époque, celle où le Bouddha venait juste d’atteindre l’illumination et où il dicta, pensent les Chinois, l’Avatamsaka, base des écoles chinoise Huayan et japonaise Kegon.
  • Zhiyi, dans “Sens profond du Sūtra du Lotus” ou Hōkke Genji, développe donc une classification des enseignements du Bouddha en cinq périodes : il appelle « Mahāyāna provisoire » les sūtras des périodes Kegon, Agama, Hōdō et Hannya, et « Mahāyāna définitif » ceux des périodes Hokke-Nehan comprenant le Sūtra du Lotus et le Sūtra du Nirvana.

Les quatre étapes :

  • L’enseignement du Tripitaka (sanzangjiao 三藏教) typique du hinayana s’adresse aux auditeurs et aux bouddhas solitaires (pratyekabuddhas) qui n’ont pas la capacité de libérer les autres. La doctrine de la vacuité y apparait de façon élémentaire uniquement, comme dans le Satyasiddhi śāstra.
  • L’enseignement commun (tongjiao 通教), qui contient des éléments mahayana et hinayana et fait une place aux bodhisattvas. Les textes des écoles Yogacara et Madhyamaka en sont représentatifs.
  • L’enseignement différencié (biejiao 別教) de nature mahayana, qui s’adresse à ceux désireux d'entrer dans la carrière de bodhisattva et est exprimé dans les textes prajnaparamita consacrés essentiellement à la vacuité.
  • L’enseignement parfait et universel (yuanjiao 圓教) de l’ekayāna (en), « véhicule unique[33] »[34] contenu dans le Sūtra du Lotus et le Sūtra du Parinirvana (Mahāparinirvāṇasūtra).

Les quatre méthodes :

  • L’enseignement soudain (dunjiao 頓教) par lequel la vérité est appréhendée immédiatement dans son intégralité, contenu dans le Sutra Avatamsaka.
  • L’enseignement graduel (jianjiao 漸教) selon les quatre étapes mentionnées plus haut.
  • L’enseignement ésotérique (mimijiao 祕密教) compris seulement d’une partie des pratiquants.
  • L’enseignement indéterminé (budingjiao 不定教), signifiant que chaque pratiquant en tire des bénéfices différents selon ses propres caractéristiques.

Zhanran (ou Miaole : 711-782) donna une nouvelle impulsion à l’école Tiantai en rédigeant ses Annotations sur Le Sens profond du Sūtra du Lotus, Annotations sur Les Mots et Phrases du Sūtra du Lotus (ou Annotations sur Le Commentaire textuel du Sūtra du Lotus) et Annotation sur La Grande Concentration et Pénétration.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Chih-Chi, Dhyâna pour les débutants (Traité sur la méditation), Traduction française de G. Constant Lounsbery, d'après la transcription du chinois du Bhikshu Wai-Dau et de Dwight Goddard, Adrien Maisonneuve, 1951, réimpr. 2001.
  • Donner, Neal & Daniel B. Stevenson, The Great Calming and Contemplation. Honolulu: University of Hawai‘i Press 1993.
  • Hurvitz, Leon (1962). Chih-i (538–597): An Introduction to the Life and Ideas of a Chinese Buddhist Monk. Mélanges Chinois et Couddhiques XII, Bruxelles: Institut Belge des Hautes Études Chinoises.
  • Shen, Haiyan. The Profound Meaning of the Lotus Sutra: T’ien-t’ai Philosophy of Buddhism, volumes I and II. Delhi: Originals, 2005.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. 4e si l’on compte Nagarjuna et 26e selon une ancienne tradition des Tang aux Song qui rattache Tiantai à toute une lignée de patriarches indiens énumérés dans La transmission du Dharma (ch. Fù fǎzàng yīnyuán zhuàn 付法藏因緣傳, ja. Fuhōzōin'enden T.D. 2058.50) traduit par Tanyao (曇曜) en 472. Cette filiation rappelle celle dont se réclame le Chan ; voir Albert Welter Monks, Rulers, and Literati Oxford, University Press, p.17
  2. The Princeton dictionary of buddhism par Robart E. Buswell Jr et Donald S; Lopez Jr aux éditions Princeton University Press, (ISBN 0691157863), pages 911 et 912.
  3. Chappell, David W. (1987). 'Is Tendai Buddhism Relevant to the Modern World?' in Japanese Journal of Religious Studies 1987 14/2-3. Source: [1]; accessed: Saturday August 16, 2008. p.247
  4. 華容
  5. 果願寺
  6. 大賢山
  7. 大蘇山
  8. rebaptisée Jiangning (江寧)
  9. ch. Dazhidu lun 大智度論
  10. 瓦官寺
  11. 六妙法门
  12. 華頂山
  13. 灵曜寺
  14. 光宅寺
  15. 法华文句, abrégé de Miàofǎliánhuājīng wénjù 妙法蓮華經文句, jap. Myōhōrengekyō mongu, T.D. 1718
  16. ch. Renwang borepoluomiduo jing 仁王般若波羅蜜經经
  17. 大林寺
  18. Bernard Faure, Phyllis Brooks The Will to Orthodoxy Stanford University Press p.49
  19. 晋王楊廣
  20. 玉泉山
  21. abrégé de Miàofǎ liánhuā jīngxuán yì 妙法蓮華經玄義, jap. Myōhōrengekyōgengi ou Hokke Gengi, T.D. 1716, 33.618-815
  22. 摩訶止觀, jap. Maka Shikan, T.D. (1911)
  23. 觀心論, jap. Kanjin ron, T.D. 1920, 46.584-587, distinct de l’ouvrage Chan du même nom.
  24. 国清寺
  25. ch : 摩訶止観, ja.: Maka Shikan
  26. Dumoulin, Heinrich (auteur); Heisig, James W. (traducteur) & Knitter, Paul (trans.)(2005). Zen Buddhism: A History. Volume 1: India and China. World Wisdom. (ISBN 978-0-941532-89-1). p.311
  27. a et b Swanson, Paul L. (2002) Chan and Chih-kuan: Tien-t’ai Chih-i’s View of Zen and the Practice of the Lotus Sutra. Presented at the International Lotus Sutra Conference on the theme “The Lotus Sutra and Zen”, 11-16 07 2002. Source: [2] p.5
  28. Chappell, David W. (1987). 'Is Tendai Buddhism Relevant to the Modern World?' in Japanese Journal of Religious Studies 1987 14/2-3. Source: [3]; p.249
  29. Wenshu shou banruo jing 文殊說般若經
  30. B. Faure et P. Brooks, The Will to Orthodoxy, Stanford University Press, p.67
  31. huafa sijiao 化法四教, les quatre adaptations de la doctrine
  32. huayi sijiao 化仪四教, les quatre adaptations de la forme d’enseignement
  33. « Véhicule unique » dans lequel les autres (shrāvakayāna, pratyekabuddhayana, bodhisattvayāna) sont subsumés.
  34. (en) Robert E. Buswell Jr. & Donald S. Lopez Jr., The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton, Princeton University Press, , 1265 p. (ISBN 978-0-691-15786-3, lire en ligne), « Saddharmapundarika Sutra », p. 729-730.

Liens externes[modifier | modifier le code]

李孝本 現代佛教學術叢刊第 5 冊 大乘文化基金會出版 1980年10月初版 頁229-244