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La Rançonnière

Histoire[modifier | modifier le code]

Le territoire de la France féodale était constitué de fiefs qui relevaient tous du roi. En Normandie, dès le XIIIe siècle les grands fiefs d'origine ont été morcelés en arrière-fiefs qui se sont multipliés jusqu'à permettre à une seule paroisse de contenir plusieurs fiefs puisqu'on pouvait diviser un fief de haubert jusqu'à obtenir un huitième de fief pour permettre par exemple, cas spécifique à la Normandie à des filles de se partager un domaine en l'absence d'héritiers mâles[1]. Sur ces petits fiefs qui n'avaient pas droit de justice on construisait un manoir. Le seigneur pouvait exploiter lui-même le domaine avec l'aide d'un fermier dont l'habitation jouxtait le logis seigneurial[2]. Dans le Bessin la multiplication des fiefs et donc des manoirs était facilitée par la richesse de la région où les cultures céréalières se font sur des terres amendées dès le XIe siècle par l'épandage de varech puis celui de chaux. Au XVIIe siècle siècle les fermes-manoirs s'agrandissent ou se reconstruisent suivant les nouveaux critères de symétrie et de verticalité et s'embellissent même dans la partie est du Bessin où la pratique de l'élevage bovin et de la fabrication de beurre salé n'est pas encore arrivée[3].

La première construction remonte au XIVe siècle siècle[4]. La Normandie était alors en première ligne dans la guerre de cent ans entre français et Anglais[5]. Le manoir dépendait d'un des trois fiefs de Crépon, dit "de Biéville", qui appartenait en 1463[6] à Anne de Chastel. Dans la première partie du XVIIe siècle siècle la famille de Chastel démolit tous les bâtiments sauf la tour pour reconstruire au goût du jour. En 1710 Marie Françoise de la Loë, fille de François de la Loë, seigneur de Biéville, épouse à Crépon Jean Antoine de Costard, Sieur de la Rançonnière[7] dont le manoir à pans-de-bois se trouve à Saint-Gatien-des-Bois dans l'actuel Pays d'Auge[N 1]. Le "manoir de Biéville", à Crépon, adopte son nouveau nom : la Rançonnière[4].

La Rançonnière a ensuite appartenu à plusieurs propriétaires dont les Servantes de Jésus dites Soeurs Hospitalières de St Louis à Caen[9]. Les derniers propriétaires étaient des agriculteurs. C'est un concours de circonstances qui les a conduits à proposer des chambres aux touristes. Ils se sont ensuite lancés dans l'hôtellerie en 1970 et la restauration en 1988, entreprise qui a contribué à créer des emplois dans le village[10].

Architecture[modifier | modifier le code]

En pierre calcaire extraite des carrières d'Orival, seuls le portail, les entourages des portes et des fenêtres ainsi que les chaînes d'angle sont en pierre de taille tandis que les murs sont en moellons non crépis.[11] Cet ensemble est en réalité une ferme-manoir car il cumule les éléments de prestige qui caractérisent un manoir; le portail monumental, la tour d'escalier du logis, le colombier dont il reste des traces. Les éléments défensifs de l'ensemble ne sont pas conçus pour résister à une vraie attaque militaire, la guerre de cent ans et les guerres de religion sont terminées. Mais ils pouvaient intimider les brigands et maraudeurs qui parcouraient les campagnes tout en affirmant le statut et la richesse des occupants[12].

Les bâtiments sont organisés autour d'une grande cour fermée par un portail monumental qui date du XVIIe siècle comme la majorité des autres constructions sauf la tour du logis. Ce portail comporte deux portes piétonnes placées de part et d'autre de la porte charretière[13]. De même que le portail de la ferme de l'église de Commes, daté aussi du début du XVIIe siècle, il est couronné par un mur crénelé plus fréquent sur des constructions plus anciennes. Deux échauguettes en encorbellement encadrent l'ensemble. Elles sont percées de meurtrières et coiffées d'un dôme carré en pierre au centre duquel s'élève un petit amortissement carré[14].

Logis et tour[modifier | modifier le code]

Le logis, habitation permanente ou occasionnelle des différents propriétaires suivant les époques, est composé d'un bâtiment à un étage surmonté de combles encadré par deux pavillons symétriques. La façade sur cour comporte quatre travées aux alignements parfaitement verticaux. Les combles sont percés de lucarnes à fronton triangulaire. La porte précédée d'un petit perron est ornée d'un fronton cintré. La façade arrière est ornée d'une tour du XVIe siècle dont la silhouette est familière dans le Bessin. L'encorbellement de la partie supérieure de cette tour lui donne son aspect caractéristique. Il est flanqué d'une petite tourelle contenant un escalier qui donne accès à une petite pièce idéale pour surveiller les alentours. La partie inférieure de la tour d'une forme polygonale proche du carré et percée de deux étroites et hautes fenêtres monte jusqu'aux combles. Elle contenait comme les autres tours similaires de la région, un escalier en vis[15] détruit au XVIIe siècle[16]. A l'intérieur le revêtement de plâtre donne une forme circulaire au rez-de-chaussée orné d'une peinture murale du début du XVIIe siècle représentant les armoiries de la famille Du Chastel : deux lions soutenant un écu "de gueules au château d'or", avec un heaume en timbre et plus loin Saint Hubert de Liège, patron de la chasse, une chasse à courre, des décors végétaux, quelques canards et des pointes de diamant[17].

Le pressoir[modifier | modifier le code]

A la droite du portail en entrant dans la cour, se trouve un pressoir particulièrement imposant. Une large porte cintrée permettait le passage des charrettes. Le rez-de-chaussée était occupé par un tour à piler, grande auge circulaire autour de laquelle un cheval tournait pour tirer la roue qui écrasait les pommes, et par le pressoir à longue-étreinte qui servait à l'extraction du moût. Ce type de pressoir était habituellement logé dans un bâtiment flanqué d'un corps en retour. les grandes dimensions du bâtiment rendent cet ajout inutile à la Rançonnière. L'étage au-dessus servait à entreposer les pommes. Toutes les lucarnes visibles actuellement ont été installées après 1994[18].

Les autres bâtiments[modifier | modifier le code]

Face au pressoir à angle droit avec le logis seigneurial se trouve une construction qui était destinée au logement du fermier ou des ouvriers. Une ancienne étable est encadrée par deux passages cochers aux ouvertures en plein-cintre. L'un d'eux s'ouvre sur la seconde cour. L'autre, entièrement fermé, est accolé à une construction du XXIe siècle elle-même reliée à l'ancienne grange. Face au logis, d'autres anciennes étables sont à angle droit avec une ancienne porcherie.

Une grange avec porte piétonne et deux petites baies cintrées, visibles sur une photo prise avant l'ajout de fenêtres modernes, se trouve dans la seconde cour[19]. Un nouveau corps de bâtiment dans le même style que l'ensemble est rajouté entre la grange rénovée et l'aile ouest. Toutes les dépendances ont été percés d'ouvertures supplémentaires indispensables à la fonction d'hôtel et restaurant et les intérieurs complètement transformés pour cet usage.

L'existence d'un colombier disparu avant 1810 est mentionnée sur le cadastre de 1986[19].

Les échauguettes[modifier | modifier le code]

Outre celles du portail, trois autres échauguettes sont encore visibles, l'une à l'angle nord-est du logement des ouvriers agricoles une deuxième beaucoup plus petite sur le mur ouest d'une étable . La troisième de forme arrondie a été ré-employée à l'angle d'un mur de clôture au sud-est. Entre le pressoir et le logis le petit portail à ouverture cintrée qui donnait accès au verger a été couvert et l'espace entre le logis et les logements encore libre en 1809 a été construit également. La cour est maintenant complètement close de murs. Mais la propriété qui comprenait en outre un verger, un champ de labour, une mare et deux bois taillis[20],[21] était entièrement entourée de murs dont on voit des vestiges rue de la Chasse-Saint-Avoie et autour du récent parking et était protégée par deux autres échauguettes et une tourelle carrée maintenant détruites[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'origine de ce nom serait dans l'histoire de la rançon payée par Robert de Reux à Richard-Cœur-de-Lion[8]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Yver, « Les Institutions féodales en Normandie d'après les recherches du commandant H. Navel », Revue historique de droit français et étranger (1922-) © 1953 Editions Dalloz,‎ , p. 273à275 (lire en ligne, consulté le ).
  2. Gourbin-Brunet 2014, p. 5à7.
  3. Ducouret 1994, p. 4 et 5.
  4. a et b Gourbin 2014, p. 22.
  5. Roger Jouet et Claude Quétel, Histoire de la Normandie des origines à nos jours, Jacques Marseille, coll. « Larousse », , 312 p. (ISBN 2035751152), p. 89 à 103.
  6. Henri Gourdon de Genouillac, Dictionnaire des fiefs, seigneuries, châtellenies, etc: de l'ancienne France, (lire en ligne), p. 150.
  7. François Bernard Buirette, « Inventaires, contrats de mariage, notoriétés et autres : Acte de mariage de M. Françoise de La Loë et Jean Antoine de Costard », sur Centre historique des Archives nationales à Paris, geneanet (consulté le ).
  8. Manoir de la Rançonnière à St Gatien-des-Bois
  9. Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties (1822-1913) page 105
  10. Ouest-France, article du 10 janvier 2017
  11. Ducouret 1994, p. 4.
  12. Hélène Renaudin. Les logis nobles maçonnés bâtis dans le nord-est du Maine (XIVe- XVIe siècle).Histoire. Université du Maine, 2014.page 344
  13. Ducouret 19944, p. 32-33.
  14. Eugène Viollet-Le-Duc, « Dictionnaire raisonné de l'architecture française », Bance-Morel, 1854 à 1868 (consulté le ), p. 133, figure 18.
  15. Ducouret 1994, p. 26-27.
  16. Gourbin 2014, p. 23.
  17. Plate-forme-ouverte du Patrimoine, ministère de la Culture
  18. Ducouret 1994, p. 15
  19. a b et c Archives du Calvados
  20. Etat de section du cadastre de 1810, page 56
  21. Numéros de plan de la Rançonnière sur le cadastre de 1809

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bernard Gourbin, Fermes-manoirs du Bessin : Introduction de Pierre Brunet, Orep Editions, , 79 p. (ISBN 9782815102070).
  • Bernard Ducouret, Ryes, un canton du Bessin, Développement culturel en Basse-Normandie, (ISBN 2908621061).