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Utilisateur:Stanjourdan/FM

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Le financement monétaire (parfois appelé monétisation des dettes ou péjorativement la « planche à billets ») est une pratique consistant pour une banque centrale à financer directement le budget du gouvernement. Dans la pratique, le financement monétaire s'effectue par l'achat bons du trésor ou titres de dette publique, sur le marché primaire par la banque centrale, ou par l'octroi d'une ligne de crédit par la banque centrale au gouvernement.

Bien que le financement monétaire permette en théorie de diminuer le coût des dépenses publiques, cette pratique est formellement interdite ou rarement pratiquée, en raison du risque d'hyperinflation.

En zone euro, le financement monétaire est strictement interdite par l'article 123 du Traité de Lisbonne (ex article 104 du Traité de Maastricht). En France, cette pratique a été interdite à en 1993.[1]

Formes de financement monétaire[modifier | modifier le code]

Le financement monétaire peut prendre une variété de formes, selon les modalités d'interventions exactes de la banque centrale, et son intention. Il existe ainsi une certaine zone grise entre certaines formes de financement monétaire. Il faut donc distinguer plusieurs cas de figure.

Typologie des formes de financement monétaire[2]
Direct Indirect ou ex-post
Non-remboursable Financement monétaire direct et permanent Conversion de dettes publiques détenues par la banque centrale en dette perpétuelles, ou annulation ex post.
Remboursable Achat de dettes par la banque centrale sur le marché primaire

Lignes de crédit ou avances de la banque centrale à l'État

Rachat de dettes par la banque centrale sur le marché secondaire (assouplissement quantitatif)

Formes directes de financement monétaire[modifier | modifier le code]

Dans sa forme la plus courante et directe, le financement monétaire prend la forme de prêts à taux zero à l'État. La Banque d'Angleterre y a par exemple eu recourt dans le cadre de la gestion de la crise du Covid19[3].

Une seconde forme de financement monétaire direct est l'achat de titres de dettes publique à l'émission (c'est à dire sur le marché primaire). Dans ce cas, la banque centrale peut en théorie revendre les bons du trésor acquis.

Ces différentes formes de financement monétaires étaient pratiquées pendant la première et deuxième guerre mondiale par la Banque de France[4], et pendant les Trente Glorieuses par le Canada[5].

Formes indirectes de financement monétaire[modifier | modifier le code]

Le quantitative easing tel que pratiqué par les grandes banques centrales (y compris la BCE) n'est pas une forme stricte de financement monétaire, en raison du fait que ces politiques de relance monétaire des banques centrales s'effectuent de façon indirecte.[6] Les programmes d'achats de titres de dette publiques ne sont pas justifiés pour financer les gouvernements, mais pour se substituer au refinancement des banques privées sur le marché interbancaire de façon à stimuler la création monétaire par le crédit bancaire, et non par l'augmentation du déficit de l'État.

C'est en tout cas le point de vue juridique légal, puisque la Court de Justice Européenne a jugée le que programme ne violait pas l'interdiction de financement monétaire tel que fixé dans les Traités Européens[7][8].

Pourtant on peut estimer que l'effet économique est semblable voire même équivalent à un financement monétaire. En effet, dans la mesure ou le QE de la BCE réduit effectivement le cout de l'endettement des pays de la zone euro par la baisse des taux de marché qu'elle provoque, et que les banques centrales nationales aux états les profits effectués sur ces obligations de dettes publiques[9], l'avantage procuré par la politique de QE est significatif pour les gouvernements. Certains observateurs estiment ainsi que la distinction entre QE et financement monétaire relève de l'hypocrisie.[10]

De plus, le quantitative easing pourrait devenir une monétisation ex-post des dettes dans le cas où les titres de dettes possédées par la banque centrales venaient à être annulés ou convertis en dettes perpétuelles, comme cela est parfois proposé.[11]Selon la BCE, une annulation de dette ex-post constituerai clairement une situation illégale de financement monétaire[12].

Effets[modifier | modifier le code]

Les effets supposés du financement monétaire font l'objet de débat au sein de la communauté des économistes.[13][14]

En théorie, l'effet positif du financement monétaire est de réduire le coût de financement des dépenses publiques de l'État, qui peut se financer auprès de la banque centrale à des conditions préférentielles, moins onéreuses que les conditions proposées par les marchés financiers. Ainsi l'état peut bénéficier du pouvoir de creation monétaire de la banque centrale.[15]

Cet outil économique puissant peut contribuer à stimuler l'économie, mais peut également la déstabiliser durablement. Les États ont fréquemment abusé de la création monétaire, par exemple pour financer des guerres coûteuses.

Selon la théorie monétariste, toute augmentation de de la masse monétaire disponible dans l'économie provoque immanquablement de un excès d'inflation.[16] C'est la justification théoriques de l'interdiction du financement monétaire.[17]

En pratique, il existe des épisodes historiques, notamment en France[18] et au Canada[5], pendant lesquelles la pratique courante du financement monétaire n'a pas provoqué une inflation significative. Par ailleurs une étude de 56 épisodes d'hyperinflation[19] dans le monde tend à montrer que les cause d'hyperinflation sont souvent multi-factorielles, le role de la banque centrale souvent secondaire vis à vis de décision politiques ou de facteurs géopolitiques.[20]

Le financement monétaire peut agir de façon néfaste sur la confiance des investisseurs, ce qui peut se traduire par une inflation et un retournement des conditions d'émission de la dette sur les marchés.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « La loi de 1973 sur la Banque de France – La limitation des avances au Trésor », sur Banque de France, (consulté le )
  2. Tableau inspiré de: http://partageonsleco.com/2020/05/18/la-monetisation-de-la-depense-publique-fiche-concept/
  3. https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/quotidien/20200410/banque-d-angleterre-va-financer-budget-britannique-297143
  4. Vincent Duchaussoy, Eric Monnet, La Banque de France et le financement direct et indirect du Trésor pendant la Première Guerre mondiale : un modèle français ?
  5. a et b Josh Ryan-Collins, « Breaking the taboo: a history of monetary financing in Canada, 1930-1975 », The British Journal of Sociology, vol. 68, no 4,‎ , p. 643–669 (ISSN 1468-4446, PMID 28783229, DOI 10.1111/1468-4446.12278, lire en ligne, consulté le )
  6. La Finance Pour Tous, « Le rachat de titres de la dette publique par la BCE peut-il être assimilé à de la création monétaire ? », sur La finance pour tous (consulté le )
  7. https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2018-12/cp180192fr.pdf
  8. https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2020-1-page-123.htm
  9. Direction générale du Trésor, « Annuler la dette détenue par la BCE, est-ce légal ? Utile ? Souhaitable ? », sur Direction générale du Trésor, (consulté le )
  10. « Les achats de dettes par la BCE, « une jolie hypocrisie, nécessaire pour pouvoir agir » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. https://www.marianne.net/economie/economie-europeenne/annuler-la-dette-de-la-france-a-la-bce-une-solution-pragmatique
  12. "Le Traité sur le fonctionnement de l’UE est clair : l’article 123 interdit le financement monétaire. Si nous achetions des obligations souveraines et décidions de ne pas demander leur remboursement, ce serait du financement monétaire. La loi ne nous l’autorise pas." interview de Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, pour Le Monde.
  13. https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief80.pdf
  14. Henri Sterdyniak, « Sur la monétisation », sur OFCE le blog, (consulté le )
  15. Adair Turner, Le retour du financement monétaire
  16. Paul De Grauwe et Sebastian Diessner, « What price to pay for monetary financing of budget deficits in the euro area », sur VoxEU.org, (consulté le )
  17. « Indépendance et interdiction du financement monétaire », sur Banque Nationale de Belgique (consulté le )
  18. https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2014-1-page-157.htm
  19. (en) Steve H. Hanke et Nicholas Krus, « World Hyperinflations », {{Article}} : paramètre « périodique » manquant, Social Science Research Network, no ID 2130109,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. Frances Coppola, « Inflation Is Always And Everywhere A Political Phenomenon » (consulté le )