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Les Sacrifiées
Auteur Laurent Gaudé
Genre Théâtre, tragédie
Version originale
Langue Français
Version française
Éditeur Actes Sud-Papiers
Lieu de parution France
Date de parution Février 2004
Couverture Emile Aubry

Les Sacrifiées est une pièce de théâtre dramatique de l'écrivain et dramaturge Laurent Gaudé, écrite en 2004. Elle est composée de trois parties (elles ne sont pas appelées actes par l'auteur), portant chacune le nom des trois personnages principaux : Raïssa, Leïla, Saïda.

Cette pièce raconte l'histoire de ces trois jeunes femmes de trois générations différentes et d'origine différente, toutes frappées par une malédiction. À travers ces trois générations, l'auteur fait également un compte-rendu historique.

Contexte historique[modifier | modifier le code]

La première partie de l'histoire, celle de Raïssa, a lieu pendant la Guerre d'Algérie, de 1954 à 1962. L'Algérie est alors une colonie française depuis 1830, c'est donc une guerre d'indépendance qui oppose l'armée française et ceux qui sont favorables à cette colonie, contre les nationalistes algériens, notamment le Front de libération nationale (Algérie), le FLN. Les combattants partisans de l'indépendance sont appelés les fells, venant du terme Fellaga. Dans la pièce, on remarque plusieurs termes faisant référence à cette période historique tels que Harki, Pieds-noirs, Oued, FLN et fells.

Pour mieux comprendre certains détails de la pièce, il est important de connaître le Massacre d'Oran qui a eu lieu en 1962, deux jours après l'indépendance, pour imaginer le sort de certains personnages. Durant ce massacre, des pieds-noirs et des harkis sont enlevés puis tués, ce qui les obligent par la suite à essayer de fuir l'Algérie[1].

La deuxième partie de la pièce, celle de Leïl,a a lieu après cette guerre. A la suite de l'indépendance, le FLN accapare le pouvoir, puis s'entredéchire. Pour les nouveaux dirigeants il faut faire valoir cette partie de l'histoire pour lutter contre l'impérialisme. Celle-ci est parfois remaniée du côté algérien comme du côté français. Les algériens se donnent la victoire militaire (alors qu'elle est française), et parlent d'un peuple qui a unanimement combattu contre la France (sans parler des pieds noirs ou des harkis). Alors que du côté français, il s'agit de minimiser cette guerre, appelée « les évènements d'Algérie »[1]. Les pieds noirs et les harkis, sont contraints de fuir l'Algérie et de venir en France, ceux qui ont tout de même choisi de rester en Algérie sont alors appelés les « pieds-verts », mais ces derniers risquent parfois leur vie[2].

La troisième partie, celle de Saïda, a lieu environ 30 ans après la guerre d'indépendance. C'est le retour de la guerre, mais cette fois ci, c'est une Guerre civile algérienne qui éclate. Opposant le gouvernement algérien et diverses groupes islamistes. Cette troisième histoire a donc lieu dans un contexte de montée de l'islamisme en Algérie. D'après l'un des metteurs en scène de la pièce[3], l'histoire de Saïda serait inspirée de l'histoire de Souad, une jeune fille brûlée vive par son beau-frère car elle était enceinte sans être mariée[4].

Résumé de la pièce[modifier | modifier le code]

Raïssa[modifier | modifier le code]

Scène 1

La pièce commence par le chant du chœur des soldats. Ce sont des soldats français qui chantent à la gloire de la puissance coloniale de la France. Ils situent la pièce dans l'histoire afin de guider la compréhension du spectateur. Ils insistent sur le fait que l'Algérie (le nom du pays n'est pas désigné tout de suite, mais on peut le deviner), fait partie intégrante de la France : « Nous sommes ici chez nous. »[5].

Scène 2

Cette scène est composée d'un monologue de l'aîné de la Djemâa, l'assemblée des sages du village. Celui-ci indique qu'il n'y aura désormais plus d'assemblée, que tous les sages doivent désormais s'enterrer les uns les autres, à cause de la présence des français dans le pays. Leurs fils sont partis à la guerre, une guerre qui marque la fin de leur monde.

Scène 3

Dans cette scène apparaît Raïssa, elle était présente à l'assemblée et demande aux sages où est enterrée sa mère. Ils le savent mais ne veulent rien lui dire car ils ont promis à la mère de Raïssa de garder le secret. Cette dernière insiste, et les sages qui commencent à s'agacer, l'accusent d'avoir tué sa mère (cette dernière étant morte en couche). On découvre donc la malédiction de Raïssa « Enfant doublement maudite. Elle [la mère de Raïssa] priait pour avoir un fils et tu es une fille. Elle voulait donner la vie et tu lui as offert la mort. »[6].

Scène 4

C'est un monologue de Raïssa. Elle explique qu'elle est l'exclue du village, que tout le monde la rejette car elle est la fille maudite. Elle survie en donnant du bois aux habitants du village qui la récompensent parfois avec un peu de nourriture. Mais ceux qui acceptent se font rares, au vu de sa réputation. Mais depuis le début de la guerre, les hommes étant partis, les femmes acceptent son bois sans hésitation car elles en ont besoin.

Scène 5

Raïssa retourne voir l'assemblée, mais seul l'aîné est présent. Il a enterré tout le monde et tente de s'enterrer lui-même, les anciens ne veulent pas vivre dans le nouveau monde qui commence. Raïssa demande un mari à l'aîné, mais celui-ci est dans l'incapacité de lui en donner un car ils sont tous partis. Il lui dit qu'elle jouera cependant un grand rôle dans cette guerre, qu'elle restera une ombre utile apportant armes et provisions. Après ces mots, elle finit d'enterrer l'aîné.

Scène 6

C'est le retour du chant du chœur des soldats. Ils disent à Raïssa de ne pas entrer en guerre contre eux, car ils sont trop forts pour elle. Ils disent également qu'ils lui amèneront une qualité de vie supérieure, soins médicaux, éducation et eau courante. Cependant ils avouent leur brutalité envers son peuple, mais lui demande « Ne nous regarde pas comme ça. »[7].

Scène 7

Un groupe de soldat français découvre une ferme avec un corps mutilé et des animaux assassinés. Ils ne savent pas qui a fait cela, si c'est l'un des leurs ou si ce sont des indépendantistes algériens. Le lieutenant prend la décision de brûler tous les corps afin de ne pas laisser de trace. À la fin de la scène, Raïssa surgit et court pour essayer de s'enfuir.

Scène 8

Deux soldats, Charles et Langlois, sont partis à la recherche de Raïssa. La scène commence par une discussion entre ces deux soldats. Ils expliquent qu'ils en ont assez de cette guerre, qu'ils ont l'impression d'être des oppresseurs, mais qu'ils n'ont rien demandé et attendent juste de pouvoir rentrer chez eux. Puis ils trouvent Raïssa. Celle-ci ne répond pas aux questions des hommes, Langlois veut donc l'embarquer mais Charles, la voyant apeurée décide de la laisser partir.

Scène 9

Cette scène est un monologue de Raïssa. Elle court pour s'éloigner des soldats, elle veut raconter ce qu'elle a vu aux indépendantistes pour qu'ils lui donnent un mari.

Scène 10

Au camp des soldats, le lieutenant a retrouvé Raïssa et demande des explications à Charles et Langlois. Charles assume sa responsabilité et répète que c'est juste une « gamine »[8] et qu'elle n'a rien avoir dans cette guerre. Le lieutenant est persuadée que c'est une Fell. Le lieutenant ordonne à Charles de passait la nuit, dans une tombe qu'il aura creusé, avec Raïssa et de l'emmener le lendemain au centre de détention.

Scène 11

Charles et Raïssa discutent dans la tombe. Charles demande à Raïssa ce qu'elle faisait dans les bois, elle lui explique alors sa malédiction. Puis Charles explique à Raïssa où il va l'amener le lendemain. Cette scène est un moment de partage entre deux ennemis de la guerre, qui au final semble s'apprécier.

Scène 12

Chant du chœur des soldats. Ils disent à Raïssa que désormais ces nuits vont être longues, qu'ils ont changé, qu'ils ne sont plus jeunes et heureux mais qu'ils sont des hommes sans pitié.

Scène 13

Le lendemain, Charles amène Raïssa au centre de détention. Il lui dit de bien répondre à toutes les questions car sinon les soldats seront violents avec elle. Elle lui affirme qu'elle répondra bien à leurs questions, qu'elle ne cachera rien.

Scène 14

Charles est de retour au campement. Ils vont faire une fête pour le départ de Langlois. Durant le fête, Charles entend des bruits mais personne ne le croit.

Scène 15

C'est un monologue de Raïssa, « défigurée »[9]. Les soldats ne lui ont posé aucune question, dans la nuit, cinq soldats sont venus dans sa cellule, l'ont giflée et violée jusqu'au levé du soleil. Raïssa raconte que cela a duré cinq semaines, et que chaque nuit cela se répétait, seul le nombre de soldats variait, pouvant atteindre parfois dix soldats. En cinq semaines, ils n'ont posé aucune question.

Scène 16

Le chœur des soldats nous apprend que les soldats ont gagné la guerre militairement mais pas politiquement, c'est la fin de la guerre. Ils repartent donc et abandonnent l'Algérie. Raïssa est relâchée, mais se sentant honteuse, elle décide d'aller là où personne ne la connaît, à Oran. On apprend également qu'elle est enceinte.

Scène 17

Cette scène est à nouveau un monologue de Raïssa, elle est arrivée à Oran, elle est enceinte de neuf mois et est entrain d'accoucher. Elle répète « Je ne suis plus Raïssa. »[10].

Scène 18

C'est le jour de l'indépendance. Le lieutenant, Brissac, Charles et Rafaelli observent le peuple algérien fêter la victoire de leur indépendance. Les soldats veulent rentrer chez eux mais Brissac, pied noir, est triste car pour lui, l'Algérie c'est chez lui. Quant à Charles, il se demande si Raïssa célèbre l'indépendance aussi.

Scène 19

Raïssa dans un monologue, raconte qu'elle a accouché mais qu'elle n'a pas d'enfant. Elle est à nouveau elle-même et veut danser et chanter pour fêter la victoire.

Leïla[modifier | modifier le code]

Scène 1

La deuxième partie commence avec un chant du chœur des émigrés algériens. Les émigrés ont fêté la victoire de l'Algérie depuis la France. Cette victoire était pour eux un espoir de retourner en Algérie. Mais cela ne s'est pas produit, au contraire, de plus en plus d'algériens continuaient de chercher du travail en France. Ils espèrent tout de même un jour pouvoir retourner en Algérie.

Scène 2

Cette scène commence par un monologue de Leïla. Elle est seule, de nuit, elle explique que les hommes ont peur d'elle, mais qu'elle continue de les chercher. Meriem sa mère l'appelle, elle l'a cherchée toute la nuit. Elle lui demande de rentrer et d'arrêter de sortir la nuit. Leïla est confuse.

Scène 3

Messaoud (le père adoptif de Leïla) discute avec Brissac. Messaoud s'inquiète pour sa fille, elle est blanche, plus aucune trace de ses origines. Il se rend compte que ses origines ne sont plus que de lointain souvenir. « C'est l'intégration. »[11].

Scène 4

Leïla est encore seule dans la nuit, elle croise des passants et les embrasse. Un d'eux veut la ramener chez lui mais elle ne veut pas, elle veut rester dans la nuit.

Scène 5

Le chœur des émigrés algériens explique qu'ils sont maintenant devenus des ouvriers (autre fois paysans). Il travaille d'arrache-pied pour économiser et un jour revenir en Algérie. Mais ils n'y retourneront pas. Ils préfèreraient travailler dans leur pays, mais il n'y a pas de travail.

Scène 6

Leïla est encore sortie dehors, Meriem la cherche encore une fois. Quand elle la trouve, elle décide de tout lui raconter, de lui dire pourquoi tout le monde la prend pour une folle, de lui dire ce qu'elle cherche dans la nuit. Leïla n'est pas leur fille. Elle est la fille de Raïssa. Leïla veut alors retourner en Algérie.

Scène 7

Le chœur de émigrés algériens chante leur joie de voir Leïla retourner au pays. Elle est la première à faire le chemin inverse. C'est une victoire pour tous les émigrés algériens.

Scène 8

Cette scène est un monologue de Leïla, elle affirme ne pas avoir de pays, ni de mère, de ne pas être une femme. Elle n'est pas encore née.

Scène 9

Ce sont les adieux de Leïla à ses parents. Ces derniers lui disent qu'elle sera toujours la bien venue ici. Brissac débarque et demande à Leïla d'enterrer son doigt (qu'il vient juste de se couper) en Algérie, pour qu'une partie de lui y retourne malgré tout.

Scène 10

Le chœur des émigrés algériens, conseille Leïla durant son voyage, il faut qu'elle profite, qu'elle rêve, qu'elle danse, tout comme eux l'avait fait sur le trajet inverse. La scène se termine sur un cri de Leïla qui indique la délivrance d'être enfin arrivée.

Scène 11

Leïla est en Algérie, elle rencontre des villageois qui tentent de la dissuader d'aller voir Raïssa. Mais Leïla s'obstine et ils finissent par lui dire que Raïssa habite dans une cabane en bois dans le cimetière.

Scène 12

Leïla et les villageois arrivent au cimetière. Raïssa tente de les chasser et ne reconnait pas sa fille au début. Leïla pose alors sa tête contre son épaule et elle la reconnait. Leïla veut savoir qui est son père. Raïssa et alors contrainte de lui raconter l'histoire de sa conception.

Scène 13

Le chœur des émigrés algériens est déçu que Leïla soit la seule qui soit retourner en Algérie. Elle n'a pas ouvert la voie aux autres. Même pire le pays continue de se vider.

Scène 14

Leïla et Raïssa sont sur le départ pour Alger. Leïla enterre le doigt de Brissac puis se met à saigner, elle a ses premières règles. Raïssa lui dit que maintenant elle pourra accomplir la prophétie et transmettre la malédiction à son tour. Leïla ne veut pas, elle décide de se planter un couteau dans le sexe. Raïssa la panse et elle partent tout de même pour Alger.

Scène 15

Cette scène est un monologue de Raïssa écrit comme un chant. Elle explique à Leïla qu'elle ne voulait pas d'elle (qui voudrait d'un viol ?), et pourtant elle est là. Elle s'excuse de lui léguer cette malédiction.

Saïda[modifier | modifier le code]

Scène 1

Le chœur des gens du quartier (en Algérie) explique que ceux qui se sont battus pour l'indépendance ont eu des enfants, et que ces enfants sont grands mais ont faim. Il n'y a pas de travail, ce qui fait monter la colère de tous.

Scène2

Saïda et son frère Selim discutent. Selim dit à Saïda de faire attention, les gens du quartier n'apprécient ni la manière dont elle s'habille, ni sont attitude provocante.

Scène 3

Des voisines sont venues voir Leïla et Raïssa, elles voulaient que Raïssa enlève la grimace d'un homme qui vient de mourir (pour qu'ils puisse reposer en paix). Leïla accepte pour sa mère. Les voisines ne veulent pas que cela se sache, elles apporteront donc le corps de nuit.

Scène 4

Des hommes s'en prennent à Saïda. Ils disent qu'elle est indécente à s'habiller de cette manière, à mettre en valeur ses seins et à ne pas se soumettre. Ils la menacent de lui répéter ou qu'elle soit pour lui apprendre à bien se comporter.

Scène 5

Raïssa est avec le corps de Kamel (l'homme à la grimace), elle lui demande de partir apaisé, de laisser la grimace à ceux qu'ils sont encore en vie. Puis elle chante des prières pour l'apaiser.

Scène 6

Le chœur des gens du quartier raconte la montée de la violence dans les quartiers. Cela a commencé par une balle tirée pour voler une moto jusqu'à aller à des colis piégés dans des lieux publics. Ils ont tous peur.

Scène 7

Les hommes qui s'en était pris à Leïla sont devant chez elle, prêts à jeter des pierres. Ils veulent qu'elle soit terrorisée pour qu'elle comprenne la leçon. Ils veulent aussi qu'elle serve d'exemple pour les futures indécentes.

Scène 8

Leïla et Raïssa discutent des temps qui ont changés. Raïssa trouve que les morts ne sont plus tristes de quitter ce monde mais soulagés. Et Leïla s'attriste que plus aucun homme ne la serre dans ses bras. Elles sont devenues la risée du village.

Scène 9

Les hommes ont frappé Saïda, ils la préviennent qu'ils feront pire s'il le faut. Mais cela n'arrêtera pas Saïda, elle veut même être plus nombreuse, comme une armée d'indécentes.

Scène 10

Le chœur des gens du quartier explique qu'il n'y a presque plus d'eau, ce qui fait monter la colère des habitants. Ils ne se sont pas battus pour ne plus avoir d'eau.

Scène 11

Les trois hommes revoient Saïda, ils ont compris qu'ils ne pourront pas l'enfermer chez elle, qu'ils ne pourront pas l'empêcher d'être indécente. Ils décident donc de l'asperger de vitriol pour la défigurer.

Scène 12

Saïda est blessée, elle est venue demander de l'aide à Leïla et Raïssa. Elle voudrait que Raïssa l'enterre, mais elle n'est pas morte (ni mourante). Raïssa et Leïla la soignent.

Scène 13

Le chœur des gens du quartier menace Raïssa, ils savent que Saïda se trouve chez elle. Ils sont en colère et veulent récupérer Saïda.

Scène 14

Cette scène est un monologue de Leïla (sous la forme dans chant). Elle explique qu'elle voulait stopper la malédiction et ne pas avoir d'enfant, pour ne pas transmettre la grimace. Mais Saïda porte cette grimace. Elle demande donc à Saïda d'être sa fille.

Scène 15

Selim est venu chercher Saïda, mais une dispute éclate. Selim traite sa sœur d'indécente, elle réalise alors qu'il est du côté de ceux qui l'ont agressée, c'est donc son ennemi. Elle le poignarde et le tue.

Scène 16

Le chœur des gens du quartier ont appris la mort de Selim, ils maudissent la maison des trois femmes. Ils veulent les faire fuir.

Scène 17

Les trois femmes quittent le village de nuit, elles sont poursuivies par les villageois. Raïssa décide alors de s'arrêter, de les attendre, et de mourir. Ainsi elle ne sera pas enterrée, elle échappera à sa mère qui l'a maudite. Leïla et Saïda l'embrassent et partent.

Scène 18

Cette scène est un monologue de Saïda (sous forme de chant). Elle explique à sa mère (Leïla) qu'elle ne pourra plus se battre et être indécente. Qu'il faudra que Leïla lui trouve des sœurs, des filles comme elle, indécentes, et qu'elles aideront. Il faudra toutes les appeler Saïda pour qu'enfin, un jour, une Saïda maudite soit heureuse.

Fin.

Analyse[modifier | modifier le code]

Cette pièce de théâtre témoigne l'intérêt qu'ont suscité les nouvelles migrations nord africaines, de comprendre d'où celles-ci venaient, de leur histoire. Une façon de se souvenir, de raconter cette guerre très souvent minimisée. Laurent Gaudé est un des seuls dramaturges du XXIème siècle à retranscrire ces évènements sans en avoir été acteur ou spectateur[12]. Mais elle donne également une voix à une « expérience exilique » d'après Alexis Nouss (professeur et chercheur notamment sur les problématiques du métissage et les écritures exiliques et multilingues[13]) interrogé par Marie Poinsot et Nicolas Treiber, de par la vie exilée que mènent ces trois femmes. Gaudé met également la lumière sur le déchirement d'un peuple, déchiré par un mer dangereuse, franchissable que dans un sens[14].

Cette pièce de théâtre composant trois parties, trois temps historiques, peut également être vue comme une pièce avec deux histoires parallèles d'après Stéphanie Loïk[3]. En effet, c'est à la fois l'histoire de l'évolution de la condition des femmes, algériennes comme françaises, mais aussi l'histoire commune de l'Algérie et de la France. C'est donc l'histoire de trois femmes qui se battent contre une malédiction mais aussi contre le sexisme et ses discriminations. D'ailleurs, le premier metteur en scène de cette pièce, Jean-Louis Martinelli, aurait préféré que la pièce s'appelle « Résistantes »[15]. Paradoxalement, les trois femmes sont entourées de beaucoup d'hommes (il y a même plus de personnages masculins que féminins dans la pièce). Cela renforce la lutte, seules contre tous, de ces femmes[16]. Laurent Gaudé par cette pièce, emprunte une voie politique et historique illustrée par la fiction d'une « lignée de victimes devenues résistantes »[14].

C'est une pièce digne d'une tragédie grecque. Des personnages qui veulent échapper à leur destin mais ne peuvent éviter le poids de l'Histoire qui s'abat sur elles. Thierry Pécou, qui a composé la musique pour une adaptation de la pièce en opéra, la qualifiera même de « l'ombre de la tragédie grecque »[17]. C'est d'ailleurs pour cela que Pécou opte pour une musique dramatique, prenant parfois le dessus sur les voix des interprètes[18].

Organisation et structure de la pièce[modifier | modifier le code]

Structure[modifier | modifier le code]

Cette pièce de théâtre est composée de trois parties.

La première partie comporte 19 scènes. On y voit 11 personnages[19] : Raïssa, jeune fille (entre quinze et dix-huit ans) ; Homme 1, l'aîné de la Djemâa ; Homme 2 et Homme 3, hommes de la Djemâa ; Le lieutenant ; Brissac, soldat français, pied noir ; Langlois, soldat français ; Rafaelli, soldat français ; Charles, soldat français ; Messaoud, soldat français d'origine algérienne ; Le chœur des soldats.

La deuxième partie comporte 15 scènes. On y voit 12 personnages[20] : Raïssa (environ quarante ans) ; Le chœur des émigrés algériens ; Leïla (entre vingt-cinq et trente ans) ; Meriem, mère adoptive de Leïla ; Messaoud, père adoptif de Leïla ; Brissac, pied noir ; Deux passants ; Hommes 1 et Hommes 2, villageois algériens ; Femme 1 et Femme 2, villageoises algériennes.

La troisième et dernière partie comporte 18 scènes. On y voit 10 personnages[21] : Raïssa (environ cinquante-cinq ans) ; Leïla (entre trente-cinq et quarante ans) ; Saïda (environ dix-huit ans) ; Selim, frère cadet de Saïda ; Le chœur des gens du quartier ; Voisine 1 et Voisine 2 ; Trois jeunes hommes : Homme 1 (Rachid), Homme 2 (Ahmed) et Homme 3 (l'inconnu, le leader).

Organisation[modifier | modifier le code]

Il y a trois chœurs différents dans la pièce : le chœur des soldats, le chœur des émigrés algériens et le chœur des gens du quartier. Ils symbolisent les trois grands temps historiques abordés par Laurent Gaudé. En premier la guerre d'Algérie, puis l'immigration (des algériens arrivent en masse en France cherchant du travail souvent dans les usines) et la montée de l'islamisme auquel sont confrontés les enfants d'émigrés[3]. Ces trois chœurs apportent une dimension lyrique, qui permet de jouer avec les émotions du spectateur. Ils apportent des témoignages et des renseignements historiques ou géographiques. D'après Martinelli, ils nourrissent le texte et rythment l'histoire[15].

Informations supplémentaires sur la pièce[modifier | modifier le code]

C'est une commande du metteur en scène Jean-Louis Martinelli pour Laurent Gaudé. Un débat sur l'Algérie entre les deux hommes est à l'origine de la création de la pièce, d'après Martinelli lui-même[15].

En 2004, la pièce a été mise en scène par Jean-Louis Martinelli au théâtre des Amandiers dans la ville de Nanterre. Cette mise en scène a aussi été présentée la même année à la Comédie de Genève.

En 2008, la pièce est adaptée en opéra. Cet opéra intitulé « Les Sacrifiées » tout comme le titre de la pièce, est mis en scène par Christian Gangneron sur une musique du célèbre compositeur français Thierry Pécou (pour son premier opéra)[18]. Cet opéra sera présenté à la Maison de la Musique de Nanterre et au théâtre Le Monfort à Paris. C'est une tragédie sociale qui montre que les dénonciations de tensions sociale ont également leur place à l'Opéra[22].

En 2012, la pièce est mise en scène par Stéphanie Loïk à l'Académie de Limoges, et interprétée par des élèves de l'Académie.
Le 2 novembre 2014, Laurent Gaudé est invité dans l'émission « Changement de décor » de la station de radio France Culture. Sa pièce Les Sacrifiées y est interprétée à la radio grâce à la réalisation de Laure Egoroff.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • GAUDÉ, Laurent. Les Sacrifiées. 1ère édition. En France : Actes Sud- Papiers, février 2004. 120 pages. (ISBN 978-2-7427-4654-5).
  • LAURENT GAUDE. Les Sacrifiées (2004) [en ligne]. Disponible sur : < http://www.laurent-gaude.com/laurent-gaude-3/theatre/les-sacrifiees/ >. [Consulté le 20 avril 2020]
  • FRANCE CULTURE. Cycle de Laurent Gaudé 1/4 : Les Sacrifiées [en ligne]. Le 02 novembre 2014. Disponible sur < https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/saison-01-09-2014-05-07-2015?p=3 > [Consulté le 20 avril 2020]
  • LE QUINTREC, Guillaume (sous la dir.). Histoire Terminales L/ES Programme 2012. Paris : Nathan, 2012. 384 p. Collection GUILLAUME LE QUINTREC. (ISBN 978-209-172800-1).
  • GIULIANI, Élizabeth, Musique. Études [en ligne]. 2008, Tome 409, n°7, p. 110-112
  • FORT, Pierre-Louis et CHAULET ACHOUR, Christiane (sous la dir.). La France et l'Algérie en 1962 [en ligne]. France : Editions Karthala, 2013. 336p. Collection Lettres du Sud
  • POINSOT, Marie et TREIBER, Nicolas. ‪Pourquoi en finir avec l’exil ? ‪Entretien avec Alexis Nouss. Hommes & Migrations [en ligne]. 2016/2, n° 1314, p. 116-119
  • ROBERT, Marie-Noëlle. Trois femmes dans les griffes de l'histoire. Les populaires du centre [en ligne]. Le 04 Mai 2012, p.8
  • THEBAUD, Manon. Tourmente algérienne. Le Figaro [en ligne]. Le 05 Mars 2004, n°18531, p. 27
  • PERRIER, Jean-Louis. Entre Alger et Marseille, le cercueil ou la valise. Le Monde [en ligne]. Le 18 Mars 2004, p.32
  • ULTRICH, Maurice. Une tragédie actuelle. L'Humanité [en ligne]. Le 15 Janvier 2008, p.23
  • PAROUTY, Michel. Une grande fresque. Les Echos [en ligne]. Le 15 Mars 2004, p.11
  • PAROUTY, Michel. Fortes Femmes. Les Echos [en ligne]. Le 17 Janvier 2008, n°20090, p.11
  • SAVARESE, Eric. Après la guerre d'Algérie. Revue Internationale des Sciences Sociales [en ligne]. 2006/3, n°189, p.489 à 500
  • DE TILLY, Marine. Souad, victime des "crimes d'honneur". Le Figaro [en ligne]. Le 22 Avril 2003, n°18259, p.25

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Marie Darier, Juliette Hanrot, Daniel Henry, Florian Louis, Mathieu Lours, Guillaume Le Quintrec, Anne-Claire Michel et Frédéric Munier., Histoire Terminale L/ES Programme 2012, Paris, Nathan, Collection GUILLAUME LE QUINTREC, , 384 p. (ISBN 978-209-172800-1), p. 81 et 82
  2. Savarese Éric, « Après la guerre d'Algérie. La diversité des recompositions identitaires des pieds-noirs », Revue internationale des sciences sociales,‎ , p. 491-500 (lire en ligne)
  3. a b et c Marie-Noëlle Robert, « Trois femmes dans les griffes de l'histoire », Les Populaires du centre,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  4. Marine De Tilly, « Souad, victime des "crimes d'honneur" », Le Figaro,‎ , p. 25 (lire en ligne)
  5. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 9
  6. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 12
  7. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 17
  8. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 27
  9. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 36
  10. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 39
  11. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 50
  12. Pierre-Louis Fort et Christiane Chaulet Achour (sous la dir.), La France et l'Algérie en 1962, Editions Karthala, , 336 p. (ISBN 978-2-8111-1047-5, lire en ligne), p. 13. Catharsis et réconciliation : le retour du théâtre depuis l’an 2000 (pages 215-236)
  13. « Alexis Nouss », sur Babelio (consulté le )
  14. a et b Jean-Louis Perrier, « Entre Alger et Marseille, le cercueil ou la valise », Le Monde,‎ , p. 32 (lire en ligne)
  15. a b et c Marion THEBAUD, « Tourmente algérienne », Le Figaro,‎ , p. 27 (lire en ligne)
  16. Parouty, « Une grande fresque », Les Echos,‎ , p. 11 (lire en ligne)
  17. Maurice Ulrich, « Une tragédie actuelle », L'Humanité,‎ , p. 23 (lire en ligne)
  18. a et b Michel Parouty, « Fortes femmes », Les Echos,‎ , p. 11 (lire en ligne)
  19. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), page 8
  20. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 44
  21. Laurent Gaudé, Les Sacrifiées, France, Actes Sud-Papiers, , 120 p. (ISBN 978-2-7427-4654-5), p. 80
  22. Giuliani Élizabeth, « Musique », Etudes,‎ , p. 110-112 (Tome 409 numéro 7) (lire en ligne)

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