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Théorie des histoires de vie (biologie)

La théorie des histoires de vie est une branche de la biologie évolutive[1]. Elle tente d’expliquer comment l’évolution forme les différents organismes pour qu’ils atteignent le succès reproducteur[2]. Elle analyse ce qui cause les différences de valeur adaptative (« fitness ») entre les différents génotypes et phénotypes retrouvés dans la nature. Elle est essentielle à la compréhension de l’action de la sélection naturelle. De plus, la dynamique des populations d’espèces interagissant ensemble est déterminée par leurs traits d’histoire de vie ainsi que par la plasticité de ceux-ci. Les traits d’histoire de vie principaux sont : la taille à la naissance, le patron de croissance, l’âge à maturité, la progéniture (nombre de jeunes, taille et sexe ratio), les investissements reproducteurs âge et taille-dépendants, la mortalité âge et taille-dépendante et la durée de vie[2][3][4].

Ces traits sont d’origine démographique et ils sont directement liés à la reproduction et à la survie des individus. Les organismes ont évolué plusieurs façons de combiner ces traits ce qui affecte leur valeur adaptative et c’est dans ce sens que l’évolution des histoires de vie est intéressante. Ces traits sont aussi liés par plusieurs compensations (« trade-offs »), par exemple la reproduction actuelle pour la survie[3]. La combinaison caractéristique de certains traits d’histoire de vie, par exemple le développement lent combiné à une longue durée de vie et un taux de fécondité faible, s’explique par la variation de ces compensations entre les espèces et groupes supérieurs[2]. La sélection naturelle favorise les individus qui allouent leur énergie et leur temps de manière optimale en balançant les coûts et les bénéfices selon les compensations affectant leur valeur adaptative. Ceci varie grandement en fonction de l’environnement et celui-ci est donc une source de variation menant à différentes histoires de vie. De plus, l’histoire de vie d’un organisme est ancrée dans un contexte écologique incluant d’autres organismes ce qui contribue aussi à la grande diversité des histoires de vie retrouvée dans le monde du vivant[1].

Méthodes d’analyse[modifier | modifier le code]

Schématisation des stratégies de reproduction r et K.

Les analyses d’histoires de vie ont comme but général de comprendre la combinaison de traits démographiques que la sélection naturelle maximise. Les quatre questions principales en lien avec l’évolution des histoires de vie portent sur : les bases génétiques, les paramètres écologiques, la plasticité phénotypique et les interactions et compensations dans l’évolution des traits d’histoire de vie[4]. Il est possible de prédire l’évolution des traits d’histoire de vie en considérant leur impact sur les taux de mortalité et de fécondité ainsi que sur les compensations[2].

Les histoires de vie sont souvent analysées en ciblant les attributs démographiques des populations, ce qui est généralement corrélé avec des phénomènes écologiques basés sur les habitats. Ces analyses intègrent des composants génétiques, développementaux et écologiques. Au départ, elles consistaient plutôt en des analyses descriptives et comparatives mais elles sont passées à une forme expérimentale. Les effets des paramètres écologiques sur les histoires de vie, les bases génétiques et la nature de la plasticité menant aux différentes histoires de vie peuvent maintenant être testés expérimentalement[4].

Les stratégies r et K sont souvent utilisées pour mettre en contexte les analyses des traits d’histoire de vie. Les espèces à stratégie r se reproduisent tôt et ont beaucoup de descendants qui atteignent la maturité vite. Les générations sont courtes et ces espèces présentent un haut taux de mortalité. De plus, elles ne font pas ou peu de soins parentaux et se retrouvent dans des environnements imprévisibles et changeants. Les espèces à stratégie K se reproduisent à un âge plus avancé et ont peu de descendants atteignant la maturité tard. Les générations sont longues et ces espèces font des soins parentaux et se retrouvent dans des environnements stables et prévisibles[4].

Dans la théorie des histoires de vie, les coûts et les bénéfices sont mesurés en terme de valeur adaptative. La somme des coûts réduisant la valeur adaptative et des bénéfices augmentant la valeur adaptative donne l’équilibre évolutionnaire d’un trait[3].

Traits d’histoire de vie principaux[modifier | modifier le code]

Âge au premier évènement de la reproduction[modifier | modifier le code]

Représentation de l’allocation de l’énergie selon l’âge au premier évènement de reproduction (maturité) de deux espèces hypothétiques.

Chez les animaux, l’âge au premier évènement de la reproduction correspond à l’âge à la maturité. Chez les plantes, l’âge à maturité est définie par l’âge à laquelle les graines de la plantes sont mûres[3]. Aucun organisme n’est perfectionné pour la reproduction. Un tel individu serait mature à la naissance, ne mourrait jamais et produirait une grande quantité de jeunes de très haute qualité, ce qui est impossible. Les histoires de vie sont intimement liées à la reproduction et elles ne sont pas parfaites. En effet, les organismes n’ont pas nécessairement le temps ou la variation requis pour l’évolution d’une histoire de vie optimale[1].

Dans une perspective biologique et d’évolution de l’âge et de la taille à maturité, la vie d’un organisme est divisée par le processus de maturation en une partie de préparation et une partie de réalisation[3]. La préparation consiste en la croissance de l’individu et la réalisation correspond à la reproduction et propagation des gènes à la génération suivante. L’âge et la taille à maturité peuvent varier à même un taxon ou entre taxons ainsi qu’à l’intérieur d’une population d’une seule espèce. Chez les animaux, au sein d’une même une espèce, les deux sexes peuvent aussi atteindre la maturité à différents âges et tailles. Ce phénomène est appelé la bimaturation (« bimaturism »). Par exemple, les mâles atteindront la maturité à une taille plus grande et un âge plus avancé que les femelles dans un contexte où ils doivent être en compétition pour contrôler l’accès à celles-ci[3].

Un organisme dispose d’un certain niveau d’énergie et de temps qu’il doit alloué pour les différents processus biologiques menant à sa croissance et à sa reproduction[1]. Il existe des bénéfices à se reproduire plus tôt, par exemple une plus grande probabilité de survivre jusqu’à la maturité, la possibilité d’avoir plus de juvéniles et un temps de génération plus court. D’un autre côté, il existe aussi des avantages à se reproduire plus tard. En effet, atteindre la maturité plus tard permet une plus grande fécondité puisque la taille du corps est plus grande et permet ainsi d’avoir des juvéniles de meilleure qualité et un taux plus élevé de survie des juvéniles si le parent est plus apte à prodiguer des soins parentaux. Dans de tels cas, il est avantageux de se reproduire plus tard et plusieurs organismes adoptent cette stratégie[2][3].

Une étude comparant 547 espèces de mammifères à partir de données prises dans la littérature[5] a démontré que la taille de l’individu ainsi que l’histoire phylogénétique appliquaient une plus grande contrainte que les facteurs écologiques sur l’âge au premier évènement de reproduction. La taille de l’animal pourrait donc imposer une pression de sélection sur l’âge à la première reproduction en déterminant le temps nécessaire pour que l’animal atteigne l’âge adulte. En enlevant le facteur de la taille, des différences significatives ont été trouvées entre les espèces selon l’habitat et la niche trophique ce qui correspond aux prédictions de la théorie des stratégies r et K. Les individus habitant des environnements instables (habitats arctiques, désertiques et savanes) se reproduisaient plus tôt que les individus habitant des environnements stables[5].

Durée de vie et le vieillissement de la reproduction[modifier | modifier le code]

La théorie du vieillissement peut expliquer les variations dans les histoires de vie entre populations et espèces[1]. Les effets du vieillissement (ou sénescence) sont une augmentation du taux de mortalité et une diminution du taux de fécondité vers la fin de la vie de l’individu[1][2][3]. Le vieillissement n’est donc pas adaptatif et entraîne une diminution de la force de sélection avec l’âge. Les effets génétiques contribuant au vieillissement sont la pléiotropie antagoniste, c’est-à-dire un gène ayant des effets négatifs en fin de vie mais qui avait un effet positif en début de vie, et l’accumulation de mutations, c’est-à-dire que certaines mutations délétaires agissant à un âge plus avancé seront accumulées dans la population parce qu’elles n’ont pas été éliminées par la sélection[1][3]. Le vieillissement consiste en une augmentation des composants intrinsèques de la mortalité avec l’âge. Ceux-ci sont influencés par les changements d’allocation parmi les comportements et les structures de reproduction, de maintenance et de défense. Ils sont donc sensibles aux changements dans les décisions de reproduction contrairement aux composants extrinsèques qui eux ne le sont pas[3].

La durée de vie varie grandement entre les différents taxons. Par exemple, chez les métazoaires, les rotifères ont une durée de vie d’environ une semaine tandis que certains animaux peuvent vivre jusqu’à 100 ans, entre autres certaines tortues, certains gros poissons et même certains mammifères. Chez les plantes, on retrouve une grande variation dans les durées de vie totales mais aussi dans les durée de vie reproductive. Par exemple, il existe des plantes n’ayant qu’un seul évènement de reproduction dans leur vie. On parle alors de monocarpie, ou sémelparité chez les autres organismes, en opposition à la polypocarpie ou itéroparité lorsque l’individu a plusieurs évènements de reproduction au cours de sa vie. Les plantes monocarpes peuvent tout de même avoir une durée totale de vie longue malgré que leur reproduction aie déjà été accomplie[3].

Les relations entre la moyenne et la variance de la mortalité adulte et juvénile contrôlent l’évolution de la durée de vie reproductive. Une diminution de la durée de vie reproductive serait entraînée par une augmentation de la mortalité adulte menant à la sémelparité et à l’inverse, une augmentation de la durée de vie reproductive serait entraînée par une augmentation de la mortalité juvénile menant à des organismes vivant longtemps et investissant dans les structures somatiques et les réparations de celles-ci[3].

Il existe un équilibre entre la sélection pour augmenter le nombre d’événements reproducteurs par durée de vie, ce qui allonge la durée de vie, et le coût entraîné par la reproduction augmentant les sources de mortalité avec l’âge, ce qui raccourcit la durée de vie. Un taux de mortalité adulte bas, un taux de mortalité juvénile élevé, une augmentation dans la variation des taux de mortalité des juvéniles entre les évènements de reproduction et une diminution des taux de mortalité des adultes entre les évènements de reproduction sont des pressions de sélection augmentant la durée de vie. Celles-ci augmentent la valeur des adultes mais diminuent celle des juvéniles. La conséquence est que la contribution reproductrice des adultes est augmentée mais que les juvéniles sont plus à risque[2].

Une étude sur le gobe-mouche à collier (Ficedula albicollis) effectué sur une durée de 20 ans[6] a démontré que la taille des nichées chez les individus plus âgés était affectée par leur effort reproducteur en début de vie. Les performances reproductives des femelles augmentaient lorsqu’elles atteignaient la maturité sexuelle mais diminuaient à des âges plus avancés malgré l’absence de changement significatif dans leurs probabilités de survie. La diminution des performances reproductives chez les individus plus âgés serait due à une détérioration innée de l’individu et non pas à des blessures ou autre problème physique. Ceci indiquerait donc qu’un coût de reproduction plus élévé plus tôt dans la vie aurait un effet permanent sur un individu et induirait une accélération du vieillissement et pourrait ainsi réduire sa durée de vie et sa fertilité à long terme[6].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g (en) Freeman, S., Evolutionary analysis, Upper Saddle River, NJ, Pearson Prentice Hall, , 802 p., p. 455-500
  2. a b c d e f et g (en) Stephen C. Stearns, « Life history evolution: successes, limitations, and prospects », Naturwissenschaften, vol. 87,‎ , p. 476-486 (ISSN 0028-1042 et 1432-1904, DOI 10.1007/s001140050763, lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e f g h i j k et l (en) Stearns, S. C., The evolution of life histories, Oxford, Oxford University Press, , 249 p., p. 123-150, 180-205
  4. a b c et d (en) Hall, B. K., Keywords and concepts in evolutionary developmental biology, Cambridge, MA, Harvard University Press, , 476 p., p. 234-242
  5. a et b J. Timothy Wootton, « The Effects of Body Mass, Phylogeny, Habitat, and Trophic Level on Mammalian Age at First Reproduction », Evolution, vol. 41,‎ , p. 732-749 (DOI 10.2307/2408884, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b (en) Lars Gustafsson et Tomas Pärt, « Acceleration of senescence in the collared flycatcher Ficedula albicollis by reproductive costs », Nature, vol. 347,‎ , p. 279-281 (DOI 10.1038/347279a0, lire en ligne, consulté le )