Utilisateur:Geuten/TraductionElOroDeMoscú07

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L'or de Moscou pendant la guerre froide[modifier | modifier le code]

Dans les derniers mois de la guerre civile se produisit dans la zone républicaine une amère division entre les partisans de la résistance à outrance et de lier la guerre civile à la Seconde Guerre mondiale imminente, et les partisans de mettre fin à la guerre par un accord avec les nationalistes, partisans qui croyaient éviter de plus grands maux. Negrín ne comptait que sur l'appui du Parti Communiste Espagnol (PCE), car le reste de ses partisans, comprenant pratiquement la totalité du Parti socialiste espagnol (PSOE) et les partisans de Prieto, qui avaient soutenu initialement Negrín, s'opposaient au Président du Conseil des Ministres.

Indalecio Prieto avait rompu publiquement avec Negrín en aout 1937, après sa sortie du Gouvernement, dans lequel il était Ministre de la Défense nationale. Dans la réunion du comité central du parti il accusa violemment Negrín d'avoir cédé devant la pression communiste pour l'expulser du gouvernement, accusation qu'il a maintenue jusqu'à la fin de ses jours[1]. Déjà en automne 1938, l'antagonisme entre les socialistes et les communistes avait provoqué des affrontements violents.

Critiques de Largo Caballero à la gestion de Juan Negrín

« Quelle quantité d'or a été remise à la Russie ? On n'a jamais pu le savoir, parce que Monsieur Negrín, systématiquement, a toujours refusé de rendre compte de sa gestion. Depuis cela s'est su, par quelques comptes publiés par la Banque d'Espagne en 1938, qui disaient que la Banque avait entreposé 1 592 851 906 millions (sic) en or et 307 630 000 en argent. En plus, le Trésor public a saisi toutes les caisses de sécurité qui existent dans les Banques officielles et privées, dont la valeur s'élève certainement à beaucoup de millions. Tout cela, plus les bijoux et joyaux du Palais royal de Madrid, des chambres fortes et de beaucoup de particuliers auront-ils été dépensés en armes ? A la fin de la guerre, quel or restera sous la coupe de la Russie ? Il aura été liquidé comme le soit-disant Gouvernement Negrín ? Ceci, personne ne pourrait jamais mieux le savoir que Negrín, mais (…) Monsieur Negrín, systématiquement, a toujours refusé de donner des comptes de la situation économique [et de sa gestion]. (…) De fait, l'Etat s'est transformé en faux-monnayeur. Est-ce pour cela, ou pour d'autres raisons, que Négrín refuse d'informer quiconque de la situation économique ? Malheureux pays, qui se voit gouverné par des gens qui manquent de toute espèce de scrupule (…) avec une politique ridicule et criminelle qui a porté le peuple espagnol vers le désastre le plus grand qu'ait connu l'Histoire d'Espagne. Toute la haine et le désir d'infliger un châtiment exemplaire aux responsables d'une aussi grande déroute, serait encore trop peu. »

— Largo Caballero, Mars 1939 [2]

Cimetière du Père Lachaise - Monument aux Brigadistes

Cette division a culminé avec le Coup d'État du colonel (es)Casado, en mars 1939, activement appuyé depuis le PSOE par les partisans de (es)Julián Besteiro et de Largo Caballero. Le nouveau (es)Conseil national de la Défense a expulsé les communistes et les partisans de Negrín de l'appareil d'Etat républicain, provoquant la fuite de Juan Negrín hors d'Espagne et a précipité la fin de la guerre civile après avoir essayé de négocier la paix avec Franco, qui n'a accepté que la reddition inconditionnelle[3]. Accusé d'être une marionnette des communistes et d'avoir conduit la République au désastre, la question de "l'or de Moscou" fut un des arguments utilisés contre Negrín dans les polémiques qui suivirent.

Après la fin de la guerre, le PSOE a commencé une lente reconstruction dans la (es)République espagnole en exil. Le parti se restructura autour de la direction idéologique de Indalecio Prieto depuis son refuge au Mexique (auprès des partisans du Parti révolutionnaire institutionnel mexicain), où ils avaient exclu du parti les partisans de Negrín, et de la coordination de Toulouse, spécialement après la Seconde Guerre mondiale. Le PSOE en exil regroupa les dirigeants des trois tendances qui avaient divisé le socialisme durant le conflit, dont les leaders étaient Besteiro, Prieto et Largo Caballero, qui parvinrent à dépasser leur mésentente, avec une orientation clairement anticommuniste et anti-Negrín[4].

Entre les exilés, et en particulier entre les dissidents du Parti Communiste espagnol [5] il vint à se dire depuis la fin de la guerre que l'or, ou du moins une partie de celui-ci, ne fut pas converti en devises pour acheter des armes pour la République[6] Se démarquent particulièrement les critiques d'un des principaux intervenants, Francisco Largo Caballero, qui, selon Ángel Viñas, constituent «un des mythes qui ont noirci le personnage de Negrín».

En janvier 1955, au plus fort du Maccarthisme, le périodique US Time a publié des accusions d'Indalecio Prieto et d'une partie des exilés à Mexico contre Juan Negrín pour sa "complicité" avec les soviétiques et la "question de l'or". Ce fut mis à profit par le gouvernement franquiste, via ses ambassades des USA, de France et du Royaume-Uni, pour relancer ses efforts diplomatiques envers l'URSS et l'accuser expressément d'utiliser cet or espagnol sur le marché européen, bien que la même semaine il mit en doute la capacité de soutenir de telles accusations[7]. Le gouvernement franquiste avait été informé en 1938 que la réserve d'or avait été dépensée,[8] mais persistait à réclamer de l'URSS le retour du dépôt d'or :

« Or espagnol volé par les rouges et transporté en Russie :
A la date du 8 janvier 1955, a été envoyée par le Ministre des Affaires étrangères, une note signée aux représentations diplomatiques de divers pays d'Europe et aux Etats Unis d'Amérique, dénonçant le vol commis par les rouges et les paiements, que le Russes ont fait, selon des informations de sources autorisées, avec les réserves d'or de la Banque d'Espagne.[9] »

A la fin de 1956, Juan Negrín est décédé à Paris et son fils Rómulo, suivant les instructions de son père, envoya le dossier nommé «Dossier Negrín» à l'assesseur juridique du Ministère de l'Extérieur, Antonio Melchor de las Heras, "pour faciliter l'exercice des actions que l'Etat espagnol pouvait entreprendre (...) pour obtenir la restitution du dit or à l'Espagne", selon le témoignage du Consul adjoint à Paris, Enrique Pérez Hernández[10]. Les négociations avec le gouvernement franquiste avaient été entreprises par l'ancien Ministre de la Justice et ami de Negrín, (es)Mariano Ansó, à la demande de Negrín lui-même, qui considérait que les documents étaient propriété du Gouvernement de l'Espagne, indépendamment de qui l'exercerait. Dans un document daté du 14 décembre 1956, rédigé et signé par Ansó et ratifié par le fils de Negrín on disait «la profonde préoccupation [de Negrìn] pour les intérêts de l'Espagne face à ceux de l'URSS» et sa crainte devant «le manque de défense à quoi réduisait l'Espagne le fait de se voir privée de tout document justificatif de ses droits, d'un nécessaire bilan provenant, peut-être, de la plus vaste et importante opération menée entre deux pays.» Ensuite d'énumérer d'autres affaires diverses qui «pesèrent sur l'état d'esprit de Monsieur Negrín», et entre elles la rétention soviétique «d'importantes et nombreuses unités de la flotte marchande espagnole. Selon Ansó, Negrín estimait que «en vue d'un futur règlement de comptes entre l'Espagne et l'URSS, son devoir d'Espagnol l'obligeait à un appui inconditionnel des intérêts de la nation[11].

Le dossier, une série de documents relatifs à la gestion de l'or, fut envoyé à (es)Alberto Martín Artajo, Ministre des Affaires extérieures, et remis avec un bref rapport au sous-gouverneur de la Banque d'Espagne, Jesús Rodríguez Salmones], qui, sans examiner les papiers, donna l'ordre de les garder dans la chambre forte de l'institution. Bien que le transfert se fit dans la plus grande discrétion, car Negrín avait conditionné ce transfert au secret le plus absolu, la nouvelle fut rapidement connue de tous, ce qui provoqua des controverses passionnées. Dans son discours institutionnel de nouvel an de 1957, Franco reconnu la crise économique qui secouait le pays, et la nécessité d'émettre de la monnaie qui avait provoqué une hausse des prix, ainsi que les problèmes découlant des grèves et protestations sociales, durement réprimées. Il envoya aussi, de manière surprenante, un message à l'URSS adoucissant son traditionnel discours anti-soviétique, coïncidant avec la perte de pouvoir des cercles phalangistes en faveur des technocrates. Le même mois, on envoyait une commission à Moscou avec le mandat officiel de négocier sur le rapatriement d'Espagnols, que le Time considérait devoir aussi ouvrir des négociations sur le retour de l'or[12].

Les chemins de l'or espagnol

« Interprétation officielle du Franquisme sur l'Or de Moscou.
"Le Gouvernement espagnol s'est adressé à diverses Chancelleries étrangères dénonçant les paiements à l'étranger que l'URSS pouvait faire avec l'or du dépôt fait à Moscou par le Gouvernement rouge en 1936 (...) Pendant le cours de la Croisade de libération furent formulés les mêmes avertissements sur les paiements qui se feraient avec cet or (...) Il est logique que notre Gouvernement réitère ses protestations quand il constate que l'URSS effectue des exportations de cet or (...) Aujourd'hui on connait exactement les détails de ce vol, pour avoir été relaté par ses propres protagonistes. En plus : on connait leur mobiles et la véritable dimension de la supercherie montée pour justifier sa sortie d'Espagne vers Odessa. Les «apparences» de souveraineté montées par le gouvernement rouge ont été démontées il y a déjà longtemps. Depuis le début de notre guerre de libération, la zone rouge fut gouvernée de fait par des émissaires soviétiques dotés de tous les pouvoirs (...) La mise à sac de l'Espagne était, dans les faits, un double opération, économique et politique, destinée à contrôler la bolchevisation de la zone soumise à Largo Caballero. (...) Dans ces caisses partirent en Russie 1 581 642 millions de pesetas-or. Ce chiffre et les détails coïncident dans les faits relatés par le propre Valentín González, par Jesús Hernández et par Prieto. Tous ces gens-là ont des raisons suffisantes pour être bien informés, car ils en furent les auteurs directs ou complices jusqu'à ce que les rivalités pour le partage du butin les dressent les uns contre les autres. (...) Avec cet or (...) fut financé une campagne d'instigation communiste contre l'Espagne, subventionnant et achetant des journaux et des émetteurs de radio. L'URSS, qui n'avait pas envoyé plus que de vieux armements en échange de l'or volé, le dépensant dans une seconde phase dans l'intention de s'emparer de l'Espagne à partir de 1945 (...) Et aujourd'hui le reste dans ses transactions commerciales (...) Il reste un détail curieux : la tragique destinée des hommes qui sont intervenus directement dans la mise à sac (...) Les chemins de cet or volé ont été funestes. »

— ((es)Arriba (Organe officiel de la Phalange espagnole), 13 janvier 1955.)

Cependant, en avril 1957, Time a informé que Radio Moscou[13] ainsi que la Pravda avaient publié la position officieuse du gouvernement soviétique, laquelle, suivant les mots de Salvador de Madariaga, fermait le chapitre de l'or de Moscou avec un clef d'acier. Le (es)Mundo Obrero (Publication du Parti Communiste Espagnol (PCE)) du 15 mai de la même année reprenait une traduction de l'article, que signait un certain Observador:

« Certains périodiques étrangers passent leur temps à publier des articles sur l'or espagnol déposé il y a vingt ans en Union soviétique, sans rien mentionner jamais sur la totale utilisation de cet or qu'a faite le Gouvernement républicain espagnol, avec effet d'égarer l'opinion publique en créant l'impression qu'il rest toujours quelque chose de cet or. La pesée et la vérification de cet or lorsqu'il fut transféré aux autorités soviétiques, a été fait conjointement par des représentants soviétiques et espagnols.Le Gouvernement espagnol a stipulé qu'il aurait la faculté pour payer les commandes faites à l'étranger et pour effectuer des transferts de devises par l'intermédiaire de la Bnaque d'Etat soviétique, à charge des réserves d'or déposées en Union soviétique.

Selon information reçue, le Gouvernement espagnol a effectué de nombreux paiements pour ses achats à l'étranger et a donné des instructions de transfert de devises, qui furent effectués par la Banque de l'Union soviétique. Selon les données des autorités soviétiques, le Gouvernement espagnol a épuisé l'or déposé en Union soviétique. Tous les ordres de paiement du Gouvernement espagnol venaient correctement signés conjointement par Francisco Largo Caballero, premier ministre espagnol, et par Juan Negrín, ministre de la Hacienda. Plus tard, quand Negrín est devenu premier ministre, il signait en tant que tel et en tant que ministre de la Hacienda. La dernière lettre de Negrín, en date du 8 avril 1938, prouve qu'on avait épuisé l'or. La lettre demande au nom du Conseil des Ministres de la République espagnole, que se liquide tout l'or espagnol qui restait en Union soviétique.
Il faut mentionner que, à la demande du Gouvernement républicain espagnol, le Gouvernement soviétique a accordé un crédit de 85 millions de dollars US, dont on n'a payé que 35. Il reste encore en l'air un débit (du Gouvernement soviétique) de 50 millions de dollars US. Negrín l'a su, puisqu'il signait tous les ordres relatifs à l'or et aux crédits. On n'a utilisé aucun montant quelconque à charge de l'or déposé pour soutenir les émigrés et enfants espagnols qui trouvèrent refuge en Union soviétique. Ces hôtes ont été supportés par l'Union soviétique et ses organisations sociales, en particulier les syndicats. Ainsi fut fait. [14] »

La note n'apportait aucune preuve quelconque et était en contradiction avec les affirmations d'éminents membres du Gouvernement républicain. Ainsi, par exemple, Negrín avait affirmé à José Giral en 1938 qu'il restait encore à Moscou deux tiers de l'or déposé. Aussi, ne s'agissant pas d'un communiqué officiel, le gouvernement soviétique pourrait se dédire s'il avait été opportun de le faire. Indalecio Prieto considérait fausses les déclarations de la Pravda, énumérait les dépenses des fonds espagnols au profit du Parti communiste français et affirmait :

« Nous sommes en présence d'un colossal détournement de fonds. Quelle que soit mon opinion sur Juan Negrín, je le déclare incapable de la macabre plaisanterie de stipuler, qu'au moment de mourir il remettait à Franco - si seulement il en disposa - un document qui ne représentait rien de positif (...) bien que toutes ces dépenses aient été faites à charge de l'or déposé en Russie, il est impossible que tout en ait été complètement consommé. Je répète qu'il s'agit d'un détournement de fonds énorme. Afin de s'innocenter, la Russie aurait falsifié tous les documents justificatifs qu'il fallait, de la même manière qu'elle a falsifié tant et tant de choses pour baser ses procédés monstrueux contre les ennemis du bolchevisme et contre les bolchevistes plus ou moins égarés. Negrín, depuis sa tombe, ne pourra nier l'authenticité de ses signatures, faites par des experts en faux.[15] »


TEST[modifier | modifier le code]

  1. (Juliá: 274)
  2. (es)Fundación Pablo Iglesias, Archivo de Francisco Largo Caballero, XXIII, p. 467 y ss.
  3. (Graham: 277-303).
  4. (Juliá: 295).
  5. « L'URSS n'a même pas pris la peine de reconnaitre le Gouvernement républicain en exil. Cela lui évita, entre autres choses, d'entendre les récriminations de restitution de l'or déposé par le Gouvernement du Docteur Negrín dans les coffres de la Banque centrale d'URSS. Des centaines et des milliers de millions de pesetas-or forment le trésor séquestré par le Gouvernement de l'URSS au Gouvernement républicain espagnol en exil. Ce trésor permettrait de lancer avec vigueur la lutte des anti-franquistes pour la libération de l'Espagne. Staline refusa de le rendre. Staline est en train d'aider Franco dans la même mesure qu'il restreint les possibilités de lutte pour les démocrates espagnols. »

    — (es)La URSS en la guerra del pueblo español, (es)Jesús Hernández Tomás, dans Acción Socialista; París, 1952.

  6. (es) El destino del oro del Banco de España, par Indalecio Prieto; México D.F., 1953; recueilli par la (es)Fundación Andreu Nin.
  7. Revue Time,31/1/1955, Moscow's Gold Standards. Disponible sur (en)time.com
  8. Dans un communiqué de la Banque d'Espagne de Burgos on disait ceci :

    « L'or étant totalement épuisé et le commerce extérieur étant impossible au moyen de troc de marchandises pour des raisons faciles à deviner, les possibilités d'importation de la zone rouge se verraient complètement jugulées. Bien qu'il faille étudier les données nécessaires sur lesquelles se base cette dernière affirmation, nous ne doutons pas de sa véracité fondamentale. »

    — Communiqué de la Banque d'Espagne. Destruction des billets de la Banque d'Espagne sujets à révision. 11 mars 1938. Cité par : (Sánchez Asiaín 2002: 120).

  9. Affaires en cours de récupération et de revendication de biens; Direction générale de Politique économique, Archives du Ministère des Affaires extérieures, Madrid, dossier R 9562, farde 6, cité par : (Olaya Morales 2004a: 283)
  10. (Moa 2001: 506)
  11. (Ansó 1976: 325-9)
  12. Times 14/1/1957, Dreams of Gold, en (en)time.com
  13. Time, 15/4/1957, All Gone, dans (en) time.com
  14. (Madariaga 1979: 529), (Olaya Morales 2004a: 301).
  15. (Prieto 1967: 146-47)