Aller au contenu

Utilisateur:Elise Mar/Brouillon2

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Permutations

Réalisation John Whitney, Sr.
Pays de production Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre Animation abstraite
Durée 7 minutes 53 secondes
Sortie 1968

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Permutations est un film expérimental abstrait d'environ huit minutes réalisé avec le programme Graphic Additions to Fortran (GRAF) sur un IBM 360 équipé d'un écran graphique 2250[1]. C'est le premier film abouti provenant du travail de John Whitney Sr. avec un ordinateur numérique[2]. Il est réalisé en 1968 dans les laboratoires d'IBM avec la collaboration de John Citron pour l'aide à la programmation. Ce film s'inscrivant dans la vague de développements technologiques des années 60 contribue à présenter une nouvelle vision du concept d'art et à la démocratisation de l'utilisation de l'ordinateur à des fins artistiques en brisant les préconceptions. Il permet aussi de soutenir la thèse de la complémentarité entre musique et images en mouvement soutenu par les animateurs abstraits notamment Whitney.

Description du film[modifier | modifier le code]

Le film présente des motifs composés de pixels, générés par ordinateur, sur un fond noir. Il commence par l'apparition d'un point blanc lumineux qui progressivement devient une série de points formant un anneau tournant sur lui-même. Ensuite, du même point de départ, apparaît un motif floral ovale composé de points bleus, verts et roses se déplaçant simultanément dans le sens des aiguilles d'une montre et dans le sens inverse des aiguilles d'une montre[3]. Ce motif évolue ensuite en une spirale bleutée composée d'une accumulation assez dense de points se mouvant circulairement donnant l'illusion d'une oscillation de profondeur. Dans cette spirale, une graduelle alternance entre statisme et mouvement des points produit des motifs floraux aux lignes définies. Le film va continuer en explorant les mouvements d'anneaux circulaires et elliptiques présentant une alternance de couleurs et de concentrations de points[4]. Cette exploration laisse ensuite place à une séquence présentant des figures linéaires vert-émeraude balayant l'intérieur de la circonférence d'un cercle, formé de points blancs lumineux, tournant sur lui-même. Cette séquence présente des mouvements asymétriques et non centrés, pourtant extrêmement fluides et complexes, semblant définis par une sorte de trajectoire dans l'espace[4]. La figure de cette séquence disparaît pour laisser place à une série de superpositions de différents motifs de différentes couleurs remplissant l'anneau de départ. Chaque motif se déplace dans l'anneau à partir de différentes directions du cadre, reste un moment au centre de l'anneau et sort du cadre par la direction opposée laissant place à un autre motif coloré. Pour conclure cette séquence, tous les motifs se superposent dans l'anneau, formant une suite de cercles dans le cercle se mouvant pour former des motifs floraux[4]. Le film se poursuit avec une séquence très dynamique impliquant des ellipses bleues, rouges et vertes se déplaçant dans l'espace à partir de positions statiques de chaque côté du cadre. Les ellipses grossissent en se déplaçant en alternant entre le centre et le coté opposé échangeant successivement de position[5]. Cette séquence se termine avec un seul anneau blanc tournant rapidement sur lui-même sur un axe vertical jusqu'à ce qu'il se transforme en un groupe d'anneaux blancs tournant et ressemblant à une sorte de cage. Dans cette cage, un anneau similaire formé d'ellipses vertes tournant sur un axe horizontal apparaît. Finalement, la structure laisse place à une constellation de toutes les couleurs qui repasse rapidement toutes les configurations de points vues dans le film[5].

Durant toute la durée du film, il est possible d'entendre un trame sonore d'inspiration orientale. Cette trame sonore est un solo de tabla de Balachander[3]. Les motifs composés de points semblent entretenir une relation étroite avec la trame sonore du film. John précise que la musique a été ajoutée après l'élaboration du film dans le cas de Permutations, mais que les séquences ainsi que les couleurs présentent des liens étonnants avec la musique[5].

Conception[modifier | modifier le code]

Permutations est réalisé sur un IBM Model 360 muni d'un écran graphique 2250 à l'aide d'un programme nommé GRAF (Graphic Additions to Fortran) conçu par le Dr. Jack Citron de chez IBM. Whitney travaille en collaboration avec Citron sur ce logiciel conçu spécialement pour lui depuis le printemps 1966. Le programme permet à l'artiste d'exprimer visuellement ses idées, mais en se servant de mathématiques pour générer des effets visuels. Le programme présente des possibilités de création infinies et Whitney le compare à un piano[6].

Le programme GRAF est basé sur un algorithme composé de six paramètres. L'artiste utilise un crayon optique pour sélectionner des variables numériques, présentées sur l'écran cathodique, qui peuvent être assignées à n'importe quel paramètre du programme pour déterminer le motif géométrique à générer. Après que des valeurs aient été sélectionnées pour chacun des paramètres et que la caméra soit prête à enregistrer les images générées, l'ordinateur est contrôlé par des cartes perforées. Pour ce qui est de la caméra, son obturateur est opéré électroniquement par l'ordinateur. C'est un programme additionnel à GRAF qui s'occupe des fonctions d'ouverture et de fermeture de l'obturateur et de l'avancement du film[7].

Contexte de production: art et technologie dans les années 60[modifier | modifier le code]

Élargissement du concept d'art[modifier | modifier le code]

Dans la première phase de développement de l'infographie et de l'art par ordinateur (1950-1972), les limitations matérielles et logicielles donne lieu à une sorte d'unité dans les productions artistiques faites par ordinateur. Les pionniers de l'informatique sont souvent considérés comme constituant un mouvement artistique à part entière, car la majorité d'entre-eux partageaient des objectifs similaires et une conception similaire de l'ordinateur. L'idée la plus partagée est qu'il faut "augmenter la portée de l'art". Les artistes considère que parce que l'ordinateur n'est pas intégré dans le schéma traditionnel des médium artistiques, le concept d '«art» doit être élargi pour accueillir les œuvres informatisées[8]. John Whitney est de ces artistes qui ont pour objectif d'aller au-delà des médium artistiques traditionnels et n'ayant pas peur d'expérimenter pour réaliser leur vision[9]. Avec Permutations, Whitney élargit le concept d'art au domaine de l'ordinateur en réalisant un film dont les images sont générées par ordinateur. Cette production peut être considérée comme une sorte de redéfinition du concept d'art et une sorte de démonstration des nouvelles possibilités que l'ordinateur numérique représente pour le domaine artistique et pour les artistes. Ce film montre une partie infime du potentiel de l'ordinateur pour le domaine de l'art et c'est ce que Whitney démontre avec la permutations puis l'accumulation de différents motifs, de différentes couleurs et de différents mouvements. Whitney exploite la grande versatilité de ce nouveau médium et les capacités graphiques de celui-ci. Les motifs de Permutations sont composés uniquement de pixels apparents et c'est par cela qu'il expose une nouvelle esthétique exclusive au nouveau médium, qu'il intègre complètement à sa pratique artistique. Il expose les possibilités et l'esthétique nouvelle de ce nouveau médium aux autres artistes, mais également au large public.

Collaboration entre artistes et scientifiques[modifier | modifier le code]

Dans les années 50, certains artistes provenant de différents domaines vont faire des expérimentations avec l'infographie (CG) notamment John Whitney avec son ordinateur analogique mécanique avec lequel il produira des films expérimentaux abstraits. Dans les années 60, les progrès technologiques, notamment l'avènement du numérique, attirent plusieurs artistes en raison des nouvelles possibilités esthétiques que l'ordinateur présente. Pour travailler avec l'ordinateur et les nouvelles technologies, les artistes se voient obligés de collaborer avec des ingénieurs et des scientifiques travaillant avec les ordinateurs. Pourtant, ces collaborations vont souvent être des échecs en raison d'une opposition grandissante entre art et science ou bien à cause des contraintes à la libre créativité des artistes que la programmation impose[10]. Avec Permutations, John Whitney démontre aux artistes et au public que la collaboration entre artistes et programmeurs peut être féconde. Il montre que art et science ne sont pas incompatibles, mais qu'au contraire la combinaison des deux permet une créativité nouvelle. Whitney présente aussi aux autres artistes que la programmation n'est pas que contraintes puisqu'il présente un film produit avec un programme spécifiquement artistique. Il démontre donc que le médium numérique peut être modelé selon des intentions artistiques et qu'il peut même être considéré comme un médium artistique à part entière.

Perception et réception de l'art par ordinateur[modifier | modifier le code]

L'art par ordinateur mettra du temps avant d'être intégré au domaine de l'art en raison de sa perception par les artistes et par le public. Dans les années 60, les artistes ,comme le public, vont avoir beaucoup de préjugés par rapport à l'ordinateur. Certains verront l'ordinateur comme une machine seulement capable de réaliser des tâches mécaniques stériles et d'autres comme une machine pouvant être éduquées pour réaliser des productions artistique[11]. Une idée très répandue aussi était que l'ordinateur était un formidable calculateur de chiffres aléatoires et, qu'avec ses chiffres aléatoires, il pouvait créer n'importe quoi, de la musique à la poésie[12]. Cette dernière idée eu pour conséquence d'enlever le crédit des productions artistiques des artistes d'art par ordinateur puisque cette conception soutient que l'ordinateur fait tout le travail[13]. Aussi, beaucoup d'artistes vont renoncer à la production d'art par ordinateur, même s'ils avaient une attitude positive au départ, en raison de la difficulté de compréhension du médium numérique et des efforts nécessaires pour la réalisation d'œuvres[12]. John Whitney réalisent plusieurs entrevues où il explique le processus de création de films sur ordinateur notamment dans le cas de Permutations. Cela a permis au public et aux autres artistes de voir et de comprendre ce qu'était réellement que de générer une production artistique avec un ordinateur. En documentant la réalisation de Permutations avec le programme GRAF dans une entrevue intitulée Experiments in Motion Graphics (Expériences en infographie), Whitney pousse le domaine artistique à le suivre dans son exploitation de ce nouveau médium en brisant les préjugés. Il va contribuer avec ce film, résultat final et processus de création inclus, à démocratiser l'infographie et même l'utilisation de l'ordinateur à des fins artistiques tant chez les artistes que chez le public. Cette volonté d'apprendre aux artistes à se servir de l'ordinateur peut également être démontrée par l'explication extensive du processus de création dans son livre Digital Harmony: On the Complementarity of Music and Visual Art (1980).

Animation abstraite[modifier | modifier le code]

Avec le développement de nouvelles technologies, leur potentiel de génération d'images est examiné et exploré par un nouvelle génération d'animateur. Beaucoup d'animateurs voyant une possibilité de redéfinition et d’enrichissement de leur domaine s'attarde à fusionner animation et technologie de manières variées[14]. C'est le cas notamment des animateurs de la branche de l'animation abstraite puisque bon nombre de leurs préoccupations préfiguraient celles des artistes d'art par ordinateur. C'est pour cette raison qu'ils ont été parmi les premiers à réaliser le potentiel de l'ordinateur pour créer une forme graphique et à en faire usage également[15]. Les animateurs abstraits ont vus dans les nouvelles technologies un moyen pour atteindre leur objectif d'unifier l'art en mouvement et la musique en identifiant des structures rythmiques similaires dans les images et les sons. C'est le cas de John Whitney qui s'intéressait principalement à la relation entre les animations abstraites et les harmonies musicales, et qui pensait que l'ordinateur pouvait aider à leur production[15]. Comme il le soutient dans Artist and Computer en 1975: « L'ordinateur est l'équivalent de tout le répertoire de l'instrumentation musicale et l'héritier de ce domaine du son musical. En même temps, l'ordinateur est l'instrument générateur d'image cinétique ultime. L'image cinétique est en réalité la création de l'infographie puisque la caméra de télévision ou de cinéma n'est qu'un appareil d'enregistrement et que l'image du mouvement dessinée à la main n'est qu'une caricature de mouvement. »[15]

Avec l'avènement de l'ordinateur, les instruments encombrants producteurs de couleurs ont été remplacés par une machine programmable. Les transformations de la lumière et du son pouvaient être générées et minutieusement contrôlées sur l'ordinateur et les sons pouvaient même être traduits directement dans une production graphique[15]. Dans Permutations, c'est ce potentiel dont Whitney tire avantage. Chez IBM, Whitney prend conscience de ce que l'ordinateur permet de faire pour le domaine de l'animation abstraite et présente donc le résultat de ses expérimentations et découvertes dans ce film. Il écrit sur ce sujet dans Film Culture en 1972 dans un article intitulé Notes on Permutations: « [...], il serait difficile de trouver une meilleure démonstration des pouvoirs de l'ordinateur en tant qu'outil d'animation que cette séquence de film [Permutations]. Imaginez avoir à animer à la main 281 points, tous se déplaçant dans des orbites précises à des vitesses et directions indépendantes. »[16]

Complémentarité entre musique et art visuel[modifier | modifier le code]

Le point principal ayant orienté la carrière et production artistique de John Whitney est l'exploration de la possibilité de combiner son et images en mouvement[17]. Pour ce faire, il fallait que l'œuvre aille une qualité musicale consistant en un déroulement conforme aux principes harmoniques et rythmiques[18].

Whitney va exploiter le médium numérique pour traiter la question de symbiose entre musique et art. Il va voir dans l'ordinateur une innovation de par sa capacité de générer des motifs aux mouvements variables et différenciés[19]. Il va donc collaborer avec Citron pour utiliser l'ordinateur dans le but de contrôler la périodicité des motifs générés. Pour ce faire, ils exploiteront deux paramètres de GRAF permettant de contrôler la distribution et l'emplacement des pixels en faisant varier leur espacement les uns par rapport aux autres. La façon de contrôler ces paramètres aura une influence directe sur l'harmonie de la composition ainsi que sur la structure des motifs générés[20]. Whitney va faire usage de l'ordinateur pour exemplifier sa thèse de la complémentarité entre le visuel et l'auditif. Il tentera de mettre le lien entre l'harmonie musicale et l'harmonie visuelle de l'avant dans ses compositions et nommera cette nouvelle harmonie symbiotique Digital Harmony[21].

Permutations peut être perçu comme un pas de plus vers un objectif artistique remontant bien avant l'avènement du numérique: la combinaison en simultané entre son et images en mouvement. Whitney ne verra pas l'ordinateur comme un obstacle mais bien comme un moteur pour la pratique artistique et la créativité. Il va vraiment prouver sa thèse de complémentarité entre le visuel et l'auditif dans Permutations étant donné la relation très forte entre la génération et le mouvement de ses motifs géométriques et de la trame sonore du film.

Importance de l'oeuvre[modifier | modifier le code]

Cette oeuvre est importante dans la carrière de John Whitney Sr. dans le sens où elle représente en quelque sorte l'aboutissement de ses expérimentations avec l'ordinateur analogique ayant pour but de combiner musique et images en mouvement[22]. Elle est la preuve que l'ordinateur permet aux artistes de s'exprimer et que si les artistes veulent, ils peuvent exploiter l'ordinateur comme moyen de produire des œuvres d'une nouvelle nature. C'est par des expérimentations avec le digital comme ce film de Whitney que le domaine de l'infographie (CG) s'est développé et plus tard l'art par ordinateur en soi.

Pour ce qui est de son importance dans le domaine de l'art numérique, cette oeuvre permet aux artistes de l'époque de prendre conscience de l'accessibilité et des possibilités esthétiques du numérique plus précisément de l'ordinateur pour le domaine artistique. En effet, cette oeuvre est créée à l'aide d'un nouveau programme conçu spécifiquement à des fins artistique par Citron de IBM ce qui montre aux artistes qu'il est possible d'exploiter la nouvelle technologie à leur avantage et cela contribue donc à faire avancer le domaine de l'art dans l'ère numérique. Les artistes vont prendre conscience des nouvelles possibilités ouvertes à eux en voyant une animation produite par la une pré-programmation dans un ordinateur digital utilisé au profit de l'artiste dans le but de produire une oeuvre. Cette oeuvre représente l'aboutissement d'expérimentations avec les nouvelles technologies, dans ce cas un ordinateur numérique, dans une perspective esthétique et artistique que plusieurs artistes de l'époque avaient entreprises. Pour l'art numérique, c'est surtout le processus de création de l'oeuvre qui est important étant donné l'utilisation d'un programme artistique créé pour l'ordinateur.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sito 2013, p. 28
  2. Gene Youngblood 1970, p. 215
  3. a et b Gene Youngblood 1970, p. 218
  4. a b et c Gene Youngblood 1970, p. 220
  5. a b et c Gene Youngblood 1970, p. 221
  6. Gene Youngblood 1970, p. 216-217
  7. Gene Youngblood 1970, p. 217
  8. Nick Lambert 2009 (Expectations of Computer Art in the 1960s)
  9. Tom Sito 2013, p. 11
  10. Nick Lambert 2009 (Art and technology in the 1960s: early Computer Art in context)
  11. John Whitney Sr. 1980, p. 31
  12. a et b John Whitney Sr. 1980, p. 32
  13. Nick Lambert 2009 (The Perception and Reception of Computer Art)
  14. Russett et Starr 1988, p. 178
  15. a b c et d Nick Lambert 2009 (Abstract Animation)
  16. John Whitney Sr. 1972, p. 78
  17. Sito 2013, p. 23
  18. Nick Lambert 2009 (The status of Computer Art as a musical “work”)
  19. John Whitney Sr. 1980, p. 49
  20. John Whitney Sr. 1980, p. 53
  21. John Whitney Sr. 1980, p. 38
  22. Nick Lambert 2009 (John Whitney’s use of analogue computers)

Sources[modifier | modifier le code]

  • (en) Gene Youngblood, Expanded Cinema, New York, E.P. Dutton & Co., , 432 p. (ISBN 0-525-47263-0)
  • (en) John Whitney Sr., Digital Harmony: On the Complementarity of Music and Visual Art, Byte Books, , 235 p. (ISBN 9780070700154, lire en ligne)
  • (en) John Whitney Sr., « Notes on Permutations », Film Culture, nos 53-54-55,‎ printemps, 1972, p. 78 (lire en ligne)
  • (en) Nick Lambert, Computer Art Thesis, (lire en ligne)
  • (en) Robert Russett et Cecile Starr, Experiemental Animation : Origins of a New Art, New York, Da Capo Press, , 224 p. (ISBN 0-306-80314-3, OCLC 652526174)
  • (en) Tom Sito, Moving Innovation: A History of Computer Animation, Cambridge, MIT Press, , 362 p. (ISBN 978-0-262-019-09-5)