Projet:Art+Féminisme/2017/Paris/Bilan/Mélissa
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Les 4 et 5 mars 2017, aux Archives Nationales, s'est tenu l'Editathon Art+Feminisms. Un marathon d'édition sur Wikipédia en lien avec l'Art et les Féminismes où quiconque est invité à participer et dont l'enjeu est notamment de réduire les fractures de genre sur Wikipédia, puisque seulement 12 % des personnes ayant contribué à l'encyclopédie s'identifient au genre féminin et que les notices consacrées aux femmes y sont peu nombreuses. Plus précisément que le féminisme, le sujet traité cette année était celui de la désidentification, notamment développé par José Esteban Muñoz, en présence de plusieurs artistes, dont Vaginal Davis et Wu Tsang. Je suis intervenue dans cet événement en tant que médiatrice alors que je n'étais familiarisée avec aucun aspect de l'Editathon : je n'avais que peu de connaissances sur les féminismes, n'avais encore jamais entendu parler de tous les concepts abordés dans cette édition et pas de compte Wikipédia. Dès le début, cette expérience semblait assez différente de celles que j'avais déjà pu avoir.
En effet, j'ai eu l'occasion d'intervenir en tant que médiatrice à plusieurs reprises dans des institutions culturelles, des musées et des châteaux. A chaque fois, je connaissais les institutions et maîtrisais les thématiques à aborder au sein des espaces de celles-ci. J'avais également idée des catégories de visiteur.euse.s que j'allais rencontrer, qui étaient bien définies dans chaque cas : spécialistes, néophytes et touristes.
Pendant l'Editathon, j'occupais un poste dans le pôle Wikipédia mais j'ai été témoin du travail de mes camarades en médiation et j'ai moi même eu l'occasion de discuter avec différentes personnes à propos du projet et de concepts relevant des féminismes. Je pense ainsi avoir une vision d'ensemble de la médiation proposée lors de l'événement pour pouvoir aborder différents points et les comparer avec mes précédentes expériences.
L'Editathon est un événement très ouvert qui encourage toute personne le souhaitant à contribuer sur Wikipédia, à se familiariser avec la plate-forme mais aussi avec les féminismes. J'ai ainsi pu faire quelques observations concernant les publics de l'événement.
Dans un musée, les publics sont plutôt en posture d'observation, pouvant faire leurs propres interprétations sans forcément les partager. A mes yeux, l'Editathon bouleverse cette position d'observation puisque les publics y sont invités à agir et à produire du contenu, ne se contentant pas d'uniquement de regarder une œuvre.
Comme dans un musée, l'Editathon a impliqué plusieurs publics : néophytes comme spécialistes. Dans un musée, les publics ne viennent pas par hasard et savent le plus souvent que l'institution conserve des objets d'art. Lors de l'Editathon, de nombreuses personnes sont entrées dans la salle d'édition pour contribuer mais de nombreux individus n'avaient pas connaissance de l'événement et venaient à l'origine pour visiter les Archives. La question de la démocratisation culturelle au sein de cet événement s'est alors posée à moi. Quiconque le souhaite peut participer à l'Editathon mais les publics avec qui j'ai pu discuter et qui ont contribué connaissaient déjà le sujet et avaient de bonnes connaissances en Histoire de l'Art ou à propos des féminismes. J'ai ressenti le fait que les publics ne soient plus témoins mais totalement engagés dans la production du contenu comme une barrière à la participation de certain.e.s.
Malgré la variété des publics entrés dans la salle d'édition, j'ai donc eu tendance à observer une certaine homogénéité parmi les personnes contribuant réellement. Ce public de connaisseur.euse.s s'est incarné de différentes manières, la participation étant parfois due à la lecture d'un livre ou la connaissance d'une artiste que l'internaute souhaitait partager, à une volonté de valoriser des travaux traitant des féminismes, dont l'absence de notice sur Wikipédia semblait étonner certaines personnes, tout en participant à la réduction de la fracture de genre sur la plate-forme.
Dans mes expériences précédentes, ma médiation s'appuyait sur des supports matériels : œuvres artistiques ou objets historiques autour desquels un dialogue était lancé et pour lesquels je fournissais des clés de compréhension. Lors de l'Editathon, le contenu sur lequel la médiation s'est basée n'avait pas de forme précise : nous avions des livres à notre disposition, la plate-forme Wikipédia et ses règles, des articles pré-existants, des notions artistiques et/ou propres aux féminismes,... L'objet de l'Editathon résidait dans tout cela : dans des savoirs qui ont servi aux publics à créer un contenu.
Dans un musée, on observe une certaine distance entre les publics et les objets : ceux-ci appartenant à l'institution qui les conserve, on ne peut les toucher et une barrière est souvent présente pour empêcher les visiteur.euse.s d'en approcher. L'appropriation de l'objet par ces dernier.ère.s est alors limitée par la domination de l'institution qui le possède. Durant l'Editathon, des artistes étaient présent.e.s et Wu Tsang avait investi l'espace avec plusieurs œuvres, mais l'enjeu de l'événement relevait plutôt de l'écriture sur Wikipédia. Cette écriture engageait l'appropriation réelle d'une thématique par l'internaute afin d'écrire un article à propos de cette thématique par lui ou elle même. Dans ce sens, l'idée de démocratisation culturelle prend une toute autre tournure. Même si à ma connaissance tous les publics n'ont pas contribué sur Wikipédia, l'objet culturel était plus accessible, quiconque pouvant se l'approprier, et cela relève pour moi d'une certaine démocratisation.
Face à ses divergences, de publics et de contenu, par rapport à mes précédentes expériences, comment ai-je vécu la médiation lors de l'Editathon ?
La médiation a été influencée par le fait que, comme dit auparavant, le contenu n'avait pas de forme précise. Aucune œuvre n'était présente pour que je puisse me reposer dessus. Le dialogue entre les publics et moi relevait donc uniquement de l'échange de connaissances et de point de vues sur des concepts immatériels. J'ai beaucoup apprécié ces dialogues car je n'avais moi-même jamais porté une attention avisée envers les féminismes. Pour l'événement j'avais pour connaissances les seules notions en jeu lors de cette édition, et j'ai trouvé très intéressant de discuter avec des personnes qui en savaient plus que moi tant qu'avec des personnes dans la même situation que moi, qui en savaient peu.
Le moment de la contribution sur Wikipédia m'était également très profitable. Faisant partie du pôle Wikipédia, j'ai pu observer une véritable interaction entre les éditeur.trice.s et moi, puisque nous avons créé un contenu ensemble. J'ai aussi pu remarquer une sorte de « médiation inversée » quand le sujet traité était maîtrisé par les internautes et qu'iels me l'expliquaient pour créer leur article. L'échange de savoirs était égalitaire : j'avais des connaissances sur le fonctionnement de la plate-forme Wikipédia et dans l'autre sens j'en apprenais plus sur certains aspects des féminismes.
Étant postée dans le pôle Wikipédia, j'ai trouvé intéressant de transmettre ce que je savais du fonctionnement de la plate-forme et que peu de personnes connaissent réellement. J'ai pu montrer que la contribution était à la fois aisée, car l'outil est accessible à quiconque, et difficile puisqu'une certaine maîtrise de son sujet est nécessaire et les contrôles des wikipédien.ne.s parfois rudes. En général, ce contrôle amenait l'étonnement chez les novices mais plusieurs personnes en ont été ravies et souhaitent prendre le temps de contribuer plus souvent.
Cette expérience de médiation était donc particulière, avec ses publics et contenus spécifiques, mais je l'ai appréciée pour ces différences. J'ai également profité de l'événement dans son ensemble puisqu'il m'a permis de renouveler ma vision des féminismes et de Wikipédia. En effet, j'ai découvert une véritable communauté qui m'a semblé ouverte, tant dans la théorie vue en cours qu'en pratique, par l'ambiance conviviale qui régnait dans les salles des Archives pendant l'Editathon.
— Texte par Mélissa, édité par Kvardek du