Phonème /r/ en français

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En français, le phonème /r/, retranscrit ‹ r ›, peut se réaliser phonétiquement de plusieurs façons mais sans jamais changer le sens (variantes libres) :

Ces réalisations peuvent toutes s'utiliser librement[1] et sont donc des allophones libres. Toutefois, elles sont parfois associées à des régions géographiques ou à des registres de langue particuliers et peuvent donc exposer un locuteur à des jugements de valeurs positifs ou négatifs sur la qualité de la langue.

Le r guttural est le plus fréquent en français moderne.

Histoire[modifier | modifier le code]

Étendue de l'usage des r uvulaires ([ʀ] grasseyé et [ʁ] guttural) en Europe au XXe siècle[3].
  • inhabituel
  • rare au niveau soutenu
  • habituel au niveau soutenu
  • général

Le r roulé, qui était utilisé en latin, a été conservé en ancien français et en moyen français jusqu'au XVIIe siècle dans les centres urbains et jusqu'au XVIIIe siècle ailleurs. Il a alors été remplacé par le r grasseyé[4] pour réaliser le son du r géminé.

Selon Jean-Pierre Rousselot, « l’r grasseyé dérive de l’r dental par un abaissement, qui a été progressif, de la pointe de la langue derrière les dents inférieures, avec une élévation compensatoire du dos de la langue… l'évolution qui a donné l’r parisien a commencé par la confusion de cette consonne avec z[5]. »

Pourtant, le phénomène de saccade ne peut se produire que s'il y a une partie suffisamment mole et libre, comme la luette ou bien le bout de la langue.

Produire un son du même type entre ces deux extrêmes que sont le bout de la langue et la luette est d'ailleurs si difficile que ce défaut de prononciation n'apparait jamais.

La façon de faire les r est donc bien passée de grasseyé à roulé sans progression.[réf. nécessaire]

En France[modifier | modifier le code]

Au début du XXIe siècle, la plupart des dictionnaires en France notent la prononciation en utilisant le symbole ʀ, qui représente normalement le r grasseyé dans l'alphabet phonétique international[6]. Ce symbole représente toutefois le r roulé dans Le Petit Robert et dans le Trésor de la langue française informatisé.

Au Québec et ailleurs au Canada[modifier | modifier le code]

Pendant la première moitié du XXe siècle, le r roulé était valorisé puisqu'il était associé à l'élite intellectuelle du Québec. Depuis la fin des années 1940, il est généralement dévalorisé et est maintenant associé à la classe populaire[7] ou aux personnes âgées.Selon le linguiste Denis Dumas, « les locuteurs qui utilisent encore la prononciation traditionnelle du [r] antérieur, apical (dit roulé) sont vite classés comme démodés, arriérés, provinciaux, folkloriques, par exemple, selon le point de vue et selon la bienveillance relative des juges improvisés[8]. »[Information douteuse]

Survivance du r grasseyé[modifier | modifier le code]

Le r grasseyé est encore utilisé au Québec, et son usage correspond à un statut socio-économique[9]. Un étudiant en linguistique québécois, dans un ouvrage autoédité, indique que le [ʁ] (non roulé) est selon lui le « plus fréquemment relevé dans le discours des jeunes universitaires francophones de Montréal[10]. »

Selon le journaliste Jean-Benoit Nadeau, le premier ministre québécois François Legault aurait par exemple tendance à grasseyer quand il paraît mal à l'aise[11].

Survivance du r roulé[modifier | modifier le code]

On retrouve encore, au début du XXIe siècle, une tendance à utiliser le r roulé dans l'ouest du Québec[12], mais il est fréquemment remplacée par le r guttural, qui est maintenant associé au registre standard contemporain. La norme européenne s'est étendue par la mondialisation, ce qui a augmenté les communications entre les pays de la francophonie depuis la seconde moitié du XXe siècle[8].

Selon le professeur Philip Comeau du département de linguistique de l'UQAM, le r roulé a persisté en Acadie[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Alex Vanneste, Le français du XXIe siècle : introduction à la francophonie, éléments de phonétique, de phonologie et de morphologie, Garant, , 337 p. (ISBN 978-90-441-1741-7, lire en ligne), p. 203.
  2. a b c d et e Marie-Hélène Côté, Phonologie française : LIN 3505 (Manuscrit de cours), Ottawa, (lire en ligne).
  3. Peter Trudgill, « Linguistic change and diffusion: Description and explanation in sociolinguistic dialect », Language in Society, vol. 3, no 2,‎ , p. 215–246.
  4. Annick Englebert, Introduction à la phonétique historique du français, de Boeck, , 256 p. (ISBN 978-2-8011-0428-6 et 2-8011-0428-0, lire en ligne).
  5. abbé J. Rousselot, « Dictionnaire de la prononciation française (suite) », Revue de phonétique,‎ , p. 174-175 (lire en ligne).
  6. « r », Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  7. Marty Laforest, « Attitudes, préjugés et opinions sur la langue », Le français, une langue à apprivoiser, Presses Université Laval,‎ , p. 84.
  8. a et b Denis Dumas, « La prononciation du français québécois », Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec,‎ (lire en ligne).
  9. Luc Ostiguy et Claude Tousignant, Le français québécois : normes et usages, Montréal, Guérin Universitaire, , 247 p. (ISBN 2-7601-3330-3), p. 164.
  10. Gabriel Martin, Dictionnaire des onomastismes québécois : les mots issus de nos noms propres, Sherbrooke, Éditions du Fleurdelysé, coll. « Renardeau arcticque » (no 1), , 226 p. (ISBN 978-2-9814025-0-9, lire en ligne), p. 15.
  11. « L'actualité ». 10 avril 2024. Jean-Benoit Nadeau. En ligne. Consulté le 2024-04-20
  12. Louis Mercier, « Le français, une langue qui varie selon les contextes », Le français, une langue à apprivoiser, Presses Université Laval,‎ , p. 46 .
  13. [https://www.24heures.ca/2024/03/21/un-enfant-fait-fureur-sur-tiktok-avec-ses-r-roules-on-fait-le-point-sur-cette-prononciation-du-passe 24 heures. 21 mars 2024. Norrrmand Marrrineau : on retourne à l’époque où les jeunes roulaient leurs r ». En ligne. Page consultée le 2024-04-20