Mark Aldanov

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Mark Aldanov
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Mark Aldanov
Nom de naissance Mordkhai-Markus Israelevich Landau
Naissance (7 novembre 1886)
Kiev, Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Décès (à 70 ans)
Nice, Drapeau de la France France
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture russe
Genres

Mark (aussi transcrit Marc) Aldanov, né Mordkhai-Markus Israelevich Landau, Mark Alexandrovitch Landau (en russe : Мордхай-Маркус Израилевич Ландау, Марк Алекса́ндрович Ланда́у), né le ()[1] à Kiev et mort à Nice le , est un écrivain russe émigré, auteur de romans historiques.

Biographie[modifier | modifier le code]

Mark Aldanov est né à Kiev dans une famille juive ayant fait fortune dans l'industrie du sucre[2]. Bénéficiant d’une éducation primaire de qualité, il entre ensuite à l’université de Kiev où il obtient en 1910 un diplôme de droit ainsi qu’un diplôme en sciences naturelles, avec une spécialisation dans la chimie. Ses premières publications à Saint-Pétersbourg sont d’ailleurs de nature scientifique, et il travaille comme ingénieur chimiste pendant la Première Guerre mondiale[3]. Mais il écrit aussi en 1915 un essai intitulé Tolstoï et Romain Rolland. Comme son ami Ivan Bounine, Aldanov était un grand admirateur du célèbre écrivain russe.

Mark Aldanov se présentait comme un socialiste, mais pacifiste : il était contre l'idée d'une révolution[4]. Après la Révolution d'Octobre, il retourne à Kiev dans l’espoir que les armées bolcheviques épargnent la ville. Devant l’avancée des troupes, il s’exile en 1919[5] ; il vit quelque temps à Berlin avant de revenir en France. Il se marie en 1924 avec sa cousine (du côté de sa mère) Tatiana Markovna Zaïtseff ; elle sera sa collaboratrice, rédigeant ses manuscrits et traduisant quelques-uns de ses romans[6] et articles[7]. A Paris, il écrit en français un livre sur Lénine. Vif succès, ce livre est dans les années suivantes traduit en allemand et en anglais[8]. Aldanov rédige ensuite une monographie (en français) comparant les révolutions françaises et russes, et un livre (en italien) sur la politique étrangère soviétique.

Inscrit dans les milieux de l'émigration russe parisienne, il fréquente à cette époque le diplomate Basile Maklakoff, l'homme politique Alexandre Kerenski, les historiens Sergei Melgunov et Boris Nicolaevsky, la journaliste Ekaterina Kuskova, l'économiste et sociologue Sergei Prokopovich[9]... Mark Aldanov devient un collaborateur régulier des revues et journaux comme Poslednie novosti (Dernières nouvelles) ou Sovremennye zapiski (Les Annales contemporaines).

Il se tourne vers le roman historique, en restant ancré dans la période de la Révolution française et de la période napoléonienne : c’est la tétralogie Le Penseur (Myslitel). Il écrit ensuite une trilogie centrée sur la Révolution russe et la communauté russe émigrée : La Clef, L’Évasion et La Caverne (publiés entre 1930 et 1934). S'inspirant de Balzac et de Tolstoï, les personnages de ses romans, soumis aux hasards de l'Histoire, sont réduits à des silhouettes et laissent une place plus grande pour l'intrigue[10].

Rattrapé par la Seconde Guerre mondiale, il s’installe d’abord à Nice en 1940, puis émigre à New York en 1941. Là-bas il fonde avec Mihail Cetlin Novy Zhurnal (La Nouvelle Revue), qui paraît encore aujourd’hui[11]. Parmi les contributeurs de la revue : Vladimir Nabokov[12], Ivan Bounine, Joseph Brodsky, Alexandre Soljenitsyne.

Le couple Aldanov retourne en France dès 1947, pour s’installer définitivement à Nice. Mark Aldanov continue d’écrire des romans (Avant le Déluge, 1946 ; Récit sur la Mort, 1952 ; Vivre comme on veut, 1952), un essai sur la chimie (De la possibilité de nouvelles conceptions en chimie, 1950), un ouvrage philosophique (La Nuit d’Ulm, 1953). Son ultime œuvre romanesque est Suicide, dont le personnage central est Lénine : il y brosse un portrait tout en nuances du futur maître de la Russie, tout entier absorbé par la cause du peuple[13]. Ce roman s’étend sur deux décennies, du congrès de Bruxelles en 1903 à la mort de Lénine en 1921, et couvre trois révolutions (1905, , ), une guerre mondiale et une guerre civile[14].

Mark Aldanov meurt à Nice le et est enterré dans le cimetière russe de cette ville. Sa femme, morte à Paris onze ans plus tard, est enterrée à ses côtés.

Les ouvrages de Mark Aldanov ont été interdits en URSS jusqu’en 1989, puis durant la glasnost ses œuvres ont été publiés en six volumes. La correspondance avec Ivan Bounine, conservée à la Columbia University à New York[15], a été en partie publiée en 1981[16]. Ivan Bounine a d’ailleurs nommé Mark Aldanov pour le prix Nobel de littérature à six reprises (en 1938, 1939, 1947, 1948, 1949, et 1950), sans succès[17].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Ouvrages scientifiques[modifier | modifier le code]

  • Actinochimie : les prolégomènes, les postulats, Paris, Hermann & Cie, 1936, 128 p.
  • De la possibilité de nouvelles conceptions en chimie, Paris, Hermann & Cie, 1950, 31 p.

Romans et nouvelles[modifier | modifier le code]

  • Le Penseur. Une tétralogie (russe : Мыслитель: Тетралогия, Mystitel’ Tetralogia) :
    • 9 thermidor (russe : Девятое Термидора, Deviatoe termidora), traduction française par L. et J.-M. Aimot., Paris et Neuchâtel, V. Attinger, 1929, 320 p. Le roman, traduit par L. et J.-M. Aimot, a été auparavant publié sous forme de feuilleton dans Le Figaro, du numéro 263 () au numéro 332 ().
    • Sainte-Hélène, petite île (russe : Святая Елена, маленький остров, Sviataia Elena, malen’kii ostrov), traduction française par M. Hirchwald, Jacques Povolozky et Cie, 1921, 160 p. ; réédition Nîmes, Éd. J. Chambon, coll. Les Romanesques, 1991, 130 p. (ISBN 2-87711-061-3)
    • Le Pont du Diable (russe : Чертов мост, Chortov most), traduction française par Tatiana Landau, Paris et Neuchâtel, V. Attinger, 1930, 318 p.
    • La Conjuration (russe : Заговор, Zagovor), traduction française par Tatiana Landau, Paris et Neuchâtel, V. Attinger, 1933, 303 p.
  • La Clef (russe : Ключ, Kliuch), traduction française par D. Ergaz, avec avant-propos de André Levinson, Paris, Plon, 1932, 311 p.
  • L’Évasion (russe : Бегство, Begstvo), traduction française par Tatiana Landau, Paris, les Petits-fils de Plon et Nourrit, 1933, 275 p.
  • Peshchera (russe : Пещера) 2 vol., Berlin, Petropolis, 1934-1936, 279 et 344 p.
  • La dernière symphonie (russe : Десятая симфония, Desiataia simfoniia), traduction française par Vladimir Lazarevski, Paris, l'Illustration, 1934, 32 p.
  • Le Commencement de la fin (russe : Начало конца, Nachalo kontsa), traduction française de l'anglais (The Fifth Seal) par Georges Le Breton et Eileen Souffrin-Le Breton, Paris, Robert Laffont, 1948, 439 p.
  • Punshevaia vodka i Mogila voina (russe : Пуншевая водка и Могила воина), Paris, Dom knigi, 1940. Mogila voina, traduit en anglais en For Thee the Best, a été traduit de l'anglais en français sous le nom Pour une terre charnelle, par Franz Weyergans, Bruxelles, la Sixaine, 1947, 192 p.
  • Avant le Déluge (russe : Истоки, Istoki), traduction française de l'anglais (Before the Deluge) par Marguerite de Ginestet, Paris, Hachette, coll. Les Beaux romans historiques, 1949, 560 p.
  • Zhivi kak khochesh’ (russe : Живи как хочешь), traduit en anglais en To live as We Wish par Nicholas Wreden, New York, Dutton, 1952.
  • Bred (russe : Бред), traduit en anglais en Nightmare and Dawn, par Joel Carmichael, New York, Duell Sloane and Pearce, 1957 ; également en The Scoundrel, London, Arthur Baker, 1960.
  • Suicide (russe : Самоубийство, Samoubiistvo), dont la traduction en français par Jean-Christophe Peuch Mark Aldanov a reçu une mention spéciale au Prix Russophonie 2018, Éditions des Syrtes, 2017, 660 p. (ISBN 9782940523603)

Essais et articles[modifier | modifier le code]

  • Tolstoi i Rollan (russe : Толстой и Ролланъ), Petrograd, 1915, 314 p.
  • Ogon' i dym (russe : Огонь и дым), Paris, Presses franco-russes, 1922, 188 p.
  • Sovremenniki (russe : Современники), Berlin, Slovo, 1932, 275 p.
  • Portrety (russe : Портреты), Berlin, Slovo, 1931, 235 p.
  • Zemli, liudi (russe : Земли, люди), Berlin, Slovo, 1932, 295 p.
  • Iunost' Pavia Stroganova i drugie kharakteristiki (russe : Юность Павла Строганова и другія характеристики), Belgrade, 1935, 188 p.
  • "La Crise russe et la Société des Nations", La Paix des peuples, n° 1, , pp. 81-98.

Écrits politiques[modifier | modifier le code]

  • Armageddon (russe : Армагеддон), Petrograd, 1918.
  • Lénine, Paris, J. Povolozky et Cie, 1919, 220 p.
  • Deux Révolutions : la Révolution Française et la Révolution Russe, Paris, J. Povolozky et Cie, 1921, 121 p.
  • La politica estera dei Soviets, Rome, Libreria russa Slovo, 1921.
  • L'Enjeu des Neutres, traduction française par Tatiana Landau, Paris, Zeluk, 1939, 42 p. ; réédition Paris, Office des éditions françaises, 1940, 48 p.

Philosophie[modifier | modifier le code]

  • Ul’mskaia noch'. Filosofiia sluchaia (russe : Ульмская ночь Философия случая), New York, éditions Tchekhov, 1953, 348 p.

Éditions complètes[modifier | modifier le code]

  • A Night at the Airport: Stories by Mark Aldanov, collection de nouvelles traduites en anglais par Joel Carmichael, New York, Scribner, 1949
  • Sobranie socchinenii (russe : Собрание сочинений), 6 vols., Moscou, 1991-1993.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Neil Cornwell, Reference Guide to Russian Literature, Routledge, 1998, pp. 106-108.
  • Henri et Danuta Cristesco, Tatiana Ossorguine (dir.), Bibliographie des œuvres de Marc Aldanov, Paris, Institut d’études slaves, 1976, 87 p. (ISBN 978-2-7204-0111-4)
  • Olesya Lagashina, Mark Aldanov and Lev Tolstoy: on the Problem of Reception (russe : Марк Алданов и Лев Толстой: к проблеме рецепции), Tallinn, Tallinn University Press, 2010, 266 p. (ISBN 978-9985-58-709-6)
  • C. Nicholas Lee, The novels of Mark Aleksandrovič Aldanov, La Haye, Mouton, Slavistic Printings and Reprintings 76, 1969, 386 p.
  • Leonid Livak, Russian Émigrés in the Intellectual and Literary Life of Interwar France: A Bibliographical Essay, Montreal, McGill-Queen's Press, 2010, 542 p. (ISBN 978-0773-53-723-1)
  • Vsevolod Mikhailovitch Setchkarev, Die philosophischen Aspekte von Mark Aldanovs Werk, Munich, O. Sagner, 1996, 80 p. (ISBN 3-87690-636-9)
  • Gervaise Tassis, L'œuvre romanesque de Mark Aldanov : révolution, histoire, hasard, Berne, P. Lang, 1995.
  • Andrew Guershoon Colin, « Mark Aldanov: An Appreciation and a Memory », The Slavonic and East European Review, vol. 36, n° 86, , pp. 37-57 (lire en ligne).
  • Yvonne Grabowska, « The problem of historical destiny in the works of M. A. Aldanov », University of Toronto, 1969.

Références[modifier | modifier le code]

  1. On trouve parfois les dates de 1888 ou 1889 dans des biographies (par exemple, dans l'entrée "Mark Aldanov" de l'Encyclopædia Britannica : https://www.britannica.com/biography/Mark-Aldanov), mais également 1882 (dans le Dictionnaire mondial des littératures, dirigé par Pascal Mougin et Karen Haddad-Wotling, Paris, Larousse, 2002, p. 26, entrée "ALDANOV")
  2. Voir l'entrée "Mark Aldanov", écrite par Ekaterina Rogatchevsky dans The Literary Encyclopedia, Volume 2.2.2.00 : Post-1917 Writing and Culture in Russia, Ukraine and Belarus, 2015.
  3. D'après Neil Cornwell, Reference Guide to Russian Literature, Routledge, 1998, p. 107.
  4. Voir sa préface de Lénine, Paris, J. Povolozky et Cie, 1919, p. 8
  5. Gervaise Tassis, « Mark Aldanov, écrivain russe et européen », ouvrage collectif Modèle de Gouvernement, Lyon, ENS LSH,‎ mis en ligne le 15 juillet 2011 (lire en ligne)
  6. Elle a notamment traduit en français Le Pont du Diable (Paris, 1930) et La Conjuration (Paris, 1933).
  7. Voir Leonid Livak, Russian Émigrés in the Intellectual and Literary Life of Interwar France: A Bibliographical Essay, Montreal, McGill-Queen's Press, 2010, pp. 58-60.
  8. 1920 pour la traduction allemande, 1922 pour la traduction anglaise, d'après Maxim D. Shrayer, An Anthology of Jewish-Russian Literature: Two Centuries of Dual Identity in Prose and Poetry, M.E. Sharpe, 2007, p. 426.
  9. Basile Maklakoff et Mark Aldanov ont correspondu de manière abondante. Leurs lettres, qui permettent d'indiquer qu'Aldanov était en relation avec ces réfugiés russes célèbres, ont été éditées ensemble dans Human rights, imperial rights : Vassily Maklakov - Mark Aldanov : correspondence 1929-1957 ("Права человека и империи" : В.А. Маклаков - М.А. Алданов переписка, 1929-1957), Oleg Budnitsky (éd.), Moscou, 2015, 1142 pages, (ISBN 978-5824-32-002-2).
  10. D'après le Dictionnaire mondial des littératures, dirigé par Pascal Mougin et Karen Haddad-Wotling, Paris, Larousse, 2002, p. 26, entrée "ALDANOV" (lire en ligne).
  11. Voir le site (en russe).
  12. Voir Brian Boyd, Vladimir Nabokov: The American Years, Princeton, Princeton University Press, 1991, p. 15.
  13. Daoud Boughezala, « Quand la vieille Europe se « Suicide ». Mark Aldanov romance les tournants de 1914 et 1917 », (consulté le )
  14. Voir le résumé de Suicide, Éditions des Syrtes, septembre 2017, 660 p. (lire en ligne)
  15. Sa femme Tatiana Markovna Zaïtseff a fait don de sa correspondance, manuscrits et documents à l'Université en 1957. Voir l'inventaire disponible en ligne.
  16. Rosa Fedoulova, « Lettres d'Ivan Bunin à Mark Aldanov », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 22, no 4,‎ , pp. 471-488 (lire en ligne)
  17. Il a été en outre nommé quatre autres fois par Samson M. Soloveitchik, d'après la base de données des nominations au Prix Nobel de littérature : http://www.nobelprize.org/nomination/archive/show_people.php?id=356

Liens externes[modifier | modifier le code]