Empire du Kitara

L’empire du Kitara (parfois Kittara ou Kitwara), aussi appelé empire bacwezi, est un empire africain de la région des Grands Lacs qui apparaît au XIIIe siècle. Il atteint son apogée vers le XVIe siècle et couvre une grande partie de l'Ouganda, l'ouest de la Tanzanie et du Kenya, l'est de la République du Congo ainsi que la majeure partie du Rwanda et du nord du Burundi.
Fréquemment évoqué dans les traditions orales de la région des Grands Lacs, son existence mêle des éléments historiques et légendaires.
Géographie
[modifier | modifier le code]À son apogée, l'empire couvre une grande partie de l'Ouganda, l'ouest de la Tanzanie et du Kenya, l'est de la République du Congo ainsi que la majeure partie du Rwanda et du nord du Burundi. Le territoire, caractérisé par une alternance de forêts et de zones pastorales, favorise une économie centrée sur l’agriculture et l’élevage bovin, notamment de bétail à longues cornes, diffusé depuis Kitara vers l’ensemble de la région des Grands Lacs[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]Sources
[modifier | modifier le code]L'empire du Kitara est évoqué par les traditions orales recueillies en Afrique dans la région des Grands Lacs et rapportées en Europe par les explorateurs européens de la première moitié du XIXe siècle qui recherchaient les sources du Nil[2]. Ces traditions évoquent les Bacwezi, une lignée héroïque à laquelle sont prêtées de nombreuses conquêtes et des innovations culturelles et techniques. Les premiers explorateurs européens qui recueillent ces traditions au XIXe siècle, les historicisent et les rationalisent, et font des Bacwezi les fondateurs d'un empire du Kitara qu'ils considèrent comme une réalité historique, en le concevant comme une sorte d'empire carolingien[3].
L'empire du Kitara est longtemps considéré comme une réalité historique. Mais certains chercheurs de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, dont Jean-Pierre Chrétien continuent d'en débattre et de remettre en cause son historicité[4],[Note 1].
Formation et dislocation
[modifier | modifier le code]Les traditions orales rattachent les origines de Kitara aux dynasties des Batembuzi et des Bacwezi, dont les souverains sont considérés comme des figures semi-divines. Ces récits leur attribuent un rôle fondateur dans l’organisation politique et dans l’introduction de cultes liés à la royauté. Le culte du Cwezi-Kubandwa, centré sur des esprits capables d’intercéder, de causer maladies ou visions, ou encore de posséder des individus, marque durablement les pratiques spirituelles de la région et influence les royaumes voisins tels que Toro, Ankole, le Rwanda et Karagwe. La formation de l'empire se situerait vers le XIIIe siècle[1].
Avant le XVIe siècle, le Kitara connaît une certaine centralisation, bien que les formes précises de cette organisation soient difficiles à établir. Les sources suggèrent un système de clientélisme pastoral autour du bétail, qui confère prestige et pouvoir à ses détenteurs et renforce les liens entre chefferie, royauté et spiritualité. L’économie repose sur l’agriculture de subsistance et sur l’élevage, auxquels s’ajoute un contrôle croissant des terres rendu possible par la transformation des paysages forestiers en zones de pâturage entre 1000 et 1450[1].
L’Empire se fragmente à la fin du XVIe siècle, donnant naissance à plusieurs royaumes, dont celui de Bunyoro, qui en constitue l’héritier principal. La dynastie des Babito, probablement issue de migrations venues de l’ouest du Kenya, s’impose alors à Bunyoro à partir de 1520, date traditionnellement associée à l’intronisation d’Isingoma Labongo Rukidi (en). La liste dynastique mentionne vingt-sept souverains, mais ces chronologies, élaborées pour légitimer les nouveaux pouvoirs en place, sont sujettes à caution[1].
Postérité
[modifier | modifier le code]L’histoire de Kitara demeure une composante essentielle de l’identité du Bunyoro, dont les rois actuels revendiquent la filiation avec la dynastie babito. Aboli en 1967 sous Milton Obote, le royaume de Bunyoro est restauré en 1993 et reconnu dans la constitution ougandaise de 1995, aux côtés des royaumes de Buganda, Busoga et Toro. Aujourd’hui, Bunyoro est une monarchie constitutionnelle où l’omukama est reconnu comme chef culturel, sans rôle politique effectif[1].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Note
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- (en) Sarah E. Watkins, « Kitara », dans Saheed Aderinto, African Kingdoms : An Encyclopedia of Empires and Civilizations, ABC-CLIO, , 383 p. (ISBN 978-1-61069-579-4), p. 147-148
- ↑ Chrétien 1985, p. 1341-1342.
- ↑ Prunier 1994, p. 27-29.
- ↑ Chrétien 1985.
- ↑ Vidal 1985, p. 574.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Pierre Chrétien, « L'empire des Bacwezi. La construction d'un imaginaire géopolitique », Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 40, no 6, , p. 1335-1377 (lire en ligne)
- (en) M. S. M. Kiwanuka, « The Empire of Bunyoro Kitara: Myth or Reality? », Canadian Journal of African Studies / Revue canadienne des études africaines, vol. 2, no 1, , p. 27-48 (lire en ligne)
- Gérard Prunier, L'Ouganda contemporain, Paris, Karthala, (lire en ligne)
- Claudine Vidal, « Rêve et réalité en ethnohistoire : note sceptique sur J. Freedman et L. de Heusch », Cahiers d'études africaines, vol. 25, no 100, , p. 573-585 (lire en ligne)