Effets des médicaments psychoactifs sur le rythme circadien

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Les médicaments psychoactifs sont des substances qui influent sur l'esprit, la conscience et la perception, classés selon leurs effets sur les humains, tels que les anxiolytiques pour l'anxiété, les hypnotiques pour le sommeil, les antidépresseurs pour la dépression, et les antipsychotiques pour les psychoses[1]. Afin de pouvoir s’adapter aux changements de l’environnement, les organismes vivants ont développé des mécanismes pour répondre aux variations de leurs milieux internes et externes, notamment l'horloge biologique[2]. Cette horloge interne, située dans l’hypothalamus, synchronise les activités des cellules aux variations jour et nuit[3]. Ainsi, les médicaments psychoactifs peuvent largement influencer le rythme circadien chez les humains.

L'effet des antidépresseurs sur les gènes de l’horloge circadienne[modifier | modifier le code]

Les recherches récentes suggèrent que les troubles dépressifs sont associés à un cycle circadien déréglé dû à un délai de phase de 4 à 5 heures, comparé aux cycles réguliers[4]. Les antidépresseurs, tel que la kétamine, peuvent altérer les rythmes circadiens, pour restaurer les désalignements présents chez les individus déprimés [5]. La kétamine a été une avancée importante en psychiatrie. Celle-ci agit pour atténuer les symptômes en quelques heures[6]. En effet, elle inhibe l’activation de la transcription de CLOCK:BMAL1, alors que ces régulateurs sont habituellement exprimés dans les cellules neuronales. L’influence de la kétamine a un effet parallèle sur l’altération de l’expression des gènes Bmal1, Per2 et Cry1 et démontre une réduction dose-dépendante de l’amplitude de la transcription[7].

Influence des médicaments psychoactifs sur les hormones[modifier | modifier le code]

Des recherches à propos des antidépresseurs élucident sur la manière dont les médicaments psychoactifs peuvent avoir des effets sur le niveau des hormones, ainsi sur le rythme circadien.

Les antidépresseurs et la sécrétion hormonale[modifier | modifier le code]

La dépression peut amener certains changements au niveau du cycle circadien, comme dans la sécrétion hormonale. Plusieurs recherches ont exprimé qu’il y aurait une avance de phase dans les rythmes hormonaux chez les individus atteints de dépression. Le circuit du système nerveux central vers le noyau paraventriculaire est essentiel lors du contrôle des hormones pituitaires, ainsi que de la sécrétion de la mélatonine provenant de la glande pituitaire. Lorsque ce circuit est bouleversé lors de troubles dépressifs, cela exprime les altérations dans les rythmes hormonaux[8]. Les antidépresseurs peuvent contrer ces irrégularités au niveau des rythmes. Une des classes d’antidépresseurs les plus prescrits sont les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS). Ceux-ci fonctionnent en augmentant les quantités extracellulaires de sérotonine[9] et peuvent accélérer les rythmes circadiens[8].

Traitement des troubles de sommeil par les médicaments psychoactifs[modifier | modifier le code]

Le sommeil est vital pour la survie de l’organisme, contribuant ainsi à une bonne santé physique et mentale. Le rythme circadien, notamment le cycle veille-sommeil, est liée à ces processus fondamentaux.

L’éveil et le sommeil est régulé par une horloge biologique interne, qui favorise une synchronisation des fonctions biologiques du jour et de la nuit. Plusieurs troubles du sommeil sont fréquents entrainant la perturbation de ce cycle, tel que l’insomnie. Dans ce cas-ci, le rythme circadien est perturbé à la suite d'un manque de sommeil constant. Le traitement de ce trouble par des médicaments psychoactifs est une approche courante[10].

Aider à prévenir contre l’insomnie[modifier | modifier le code]

Dans le but d’aider à prévenir contre l’insomnie, l’utilisation de certains médicaments psychoactifs peuvent être suggérés par un professionnel de la santé afin d’aider à contrer ce trouble du sommeil. Tel que:

  • Les opiacés qui sont prescrit pour les personnes ayant une incapacité à dormir dû à la douleur.  
  • La benzodiazépine aide contre ce trouble, toutefois, son utilisation est suggérée que pour une courte période.
  • Non-benzodiazépine sont les plus recommandés afin de traiter de l’insomnie chronique, et peuvent être utilisées à long terme avec modération[11].

Ces médicaments psychoactifs agissent sur les récepteurs GABA (acide gamma-aminobutyrique) du cerveau. Ils augmentent l’activité de ces récepteurs, ce qui entraine des effets sédatifs provoquant un effet de somnolence chez la personne sous médication. Également, l’efficacité de ces médicaments psychoactifs peut être expliqué par leur capacité à reproduire les hormones naturelles du sommeil, comme la mélatonine, entrainant ainsi une envie de dormir [12],[13].

Ces médicaments sont principalement utilisés pour des traitements symptomatiques de l’insomnie et non pour traiter la source de la maladie. Ainsi, l’utilisation à court terme est suggérée puisqu’un usage à long terme peut causer des effets secondaires, une tolérance aux médicaments et même une dépendance[14].

L'effet de l’addiction des médicaments stimulants sur le cycle du sommeil[modifier | modifier le code]

Divers médicaments psychoactifs utilisés pour différents troubles mentaux induisent d’autres effets sur le sommeil.

L’amphétamine est une classe de médicaments psychoactifs qui agit sur le système nerveux en augmentant la quantité de neurotransmetteurs dans le cerveau comme la dopamine et la norépinéphrine [15]. Cette molécule est couramment utilisée pour le traitement du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH). En raison de son effet stimulant, elle peut être utilisée abusivement ce qui influence le rythme circadien du consommateur, plus précisément son cycle veille-sommeil.

En temps normal, une hormone est secrétée par la glande pinéale en réponse à l’obscurité, étant la mélatonine. Celle-ci favorise la somnolence et s’occupe de la préparation au sommeil en synchronisant les cycles biologiques avec le cycle jour-nuit. Sa production commence en début de soirée et atteint son pic au milieu de la nuit et diminue ensuite avec l’approche de l’aube et le retour de la luminosité[16]. Cette hormone agit comme signal pour réguler l’horloge interne au niveau du sommeil et de l’éveil.  

Chez les personnes dépendantes à l’amphétamine, les perturbations dans le cycle éveil-sommeil sont étroitement reliées au niveau de mélatonine. Effectivement, une recherche conduite en 2016 démontre que les niveaux de mélatonine était significativement plus faible chez les patients dépendants de l’amphétamine comparant au groupe contrôle, surtout aux alentours de 16h[17]. Cela signifie qu’il y a une altération de la sécrétion de la mélatonine chez les gens avec une dépendance à ce médicament psychoactif. Lorsque la quantité de cette hormone est plus faible qu’à la normale cela se manifeste en des difficultés à s'endormir chez les patients. Il est aussi possible d'expérimenter des réveils fréquents pendant la nuit influençant négativement la qualité du sommeil.

À la longue, ce manque de mélatonine peut entraîner des problèmes majeurs, dont différents troubles de l’humeur. Cela peut aussi affecter la cognition en diminuant la concentration et la capacité de la mémoire.

Importance de la température dans le rythme circadien[modifier | modifier le code]

La température est également un élément important pour les êtres vivants. La variation de celle-ci est étroitement liée au rythme circadien, puisque la perturbation de la température corporelle peut avoir des effets néfastes dans le maintien des besoins physiologiques.  

Généralement, la température atteint son point le plus bas au cours de la période de sommeil et son point le plus élevé en fin d'après-midi[18]. L’horloge biologique des organismes est influencée par les signaux environnants, comme la lumière du jour. Avec la prise de médicaments psychoactifs, la variation de ses signaux perturbe la régulation de la température corporelle. Par exemple, la prise d’amphétamine augmente cette température durant la nuit ce qui perturbe le rythme circadien, entraînant un déséquilibre de la qualité du sommeil et du niveau d'éveil[19].  

Les effets des hallucinogènes sur les cycles biologiques et l'horloge circadienne[modifier | modifier le code]

Les hallucinogènes tels que le LSD, la psilocybine et la mescaline ont été initialement utilisés à des fins médicales[20]. Cependant, leur impact significatif sur le rythme circadien a conduit à leur interdiction[21]. Des recherches montrent que ces substances engendrent des effets complexes sur les cycles biologiques et l'horloge circadienne[22]. À court terme, ils peuvent perturber la perception temporelle, altérer le sens du temps et influencer les rythmes circadiens en agissant sur les récepteurs sérotoninergiques du cerveau. Ces actions modulent la libération de neurotransmetteurs liés à la régulation du sommeil et de l'éveil, induisant des perturbations du sommeil[21]. À plus long terme, des études suggèrent qu'ils pourraient avoir des répercussions durables sur la perception du temps et sur les rythmes circadiens. Il faut noter que des recherches sur ce sujet sont en cours, et une compréhension approfondie des implications à long terme des hallucinogènes sur les cycles biologiques nécessite des investigations supplémentaires[23].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) David S. Baldwin, Claire Polkinghorn, « Evidence-based pharmacotherapy of generalized anxiety disorder », sur International Journal of Neuropsychopharmacology, (DOI https://doi.org/10.1017/S1461145704004870)
  2. (en) Jared Rutter, Martin Reick et Steven L. McKnight, « Metabolism and the Control of Circadian Rhythms », Annual Review of Biochemistry, vol. 71, no 1,‎ , p. 307–331 (ISSN 0066-4154 et 1545-4509, DOI 10.1146/annurev.biochem.71.090501.142857, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Michael H. Hastings, Elizabeth S. Maywood et Marco Brancaccio, « Generation of circadian rhythms in the suprachiasmatic nucleus », Nature Reviews Neuroscience, vol. 19, no 8,‎ , p. 453–469 (ISSN 1471-0048, DOI 10.1038/s41583-018-0026-z, lire en ligne, consulté le )
  4. Heon-Jeong Lee, « Is Advancing Circadian Rhythm the Mechanism of Antidepressants? », Psychiatry Investigation, vol. 16, no 7,‎ , p. 479–483 (ISSN 1738-3684, PMID 31352729, PMCID 6664215, DOI 10.30773/pi.2019.06.20, lire en ligne, consulté le )
  5. S. Kohtala, O. Alitalo, M. Rosenholm et S. Rozov, « Time is of the essence: Coupling sleep-wake and circadian neurobiology to the antidepressant effects of ketamine », Pharmacology & Therapeutics, vol. 221,‎ , p. 107741 (ISSN 1879-016X, PMID 33189715, DOI 10.1016/j.pharmthera.2020.107741, lire en ligne, consulté le )
  6. Okko Alitalo, Roosa Saarreharju, Ioline D. Henter et Carlos A. Zarate, « A wake-up call: Sleep physiology and related translational discrepancies in studies of rapid-acting antidepressants », Progress in Neurobiology, vol. 206,‎ , p. 102140 (ISSN 1873-5118, PMID 34403718, PMCID 9583188, DOI 10.1016/j.pneurobio.2021.102140, lire en ligne, consulté le )
  7. Marina M. Bellet, Marquis P. Vawter, Blynn G. Bunney et William E. Bunney, « Ketamine influences CLOCK:BMAL1 function leading to altered circadian gene expression », PloS One, vol. 6, no 8,‎ , e23982 (ISSN 1932-6203, PMID 21887357, PMCID 3161090, DOI 10.1371/journal.pone.0023982, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b Chelsea A. Vadnie et Colleen A. McClung, « Circadian Rhythm Disturbances in Mood Disorders: Insights into the Role of the Suprachiasmatic Nucleus », Neural Plasticity, vol. 2017,‎ , p. 1504507 (ISSN 1687-5443, PMID 29230328, PMCID 5694588, DOI 10.1155/2017/1504507, lire en ligne, consulté le )
  9. E. M. McGlashan, L. S. Nandam, P. Vidafar et D. R. Mansfield, « The SSRI citalopram increases the sensitivity of the human circadian system to light in an acute dose », Psychopharmacology, vol. 235, no 11,‎ , p. 3201–3209 (ISSN 1432-2072, PMID 30219986, DOI 10.1007/s00213-018-5019-0, lire en ligne, consulté le )
  10. D. L. Bliwise, « Treating insomnia: pharmacological and nonpharmacological approaches », Journal of Psychoactive Drugs, vol. 23, no 4,‎ , p. 335–341 (ISSN 0279-1072, PMID 1813605, DOI 10.1080/02791072.1991.10471604, lire en ligne, consulté le )
  11. Kalyanakrishnan Ramakrishnan et Dewey C. Scheid, « Treatment options for insomnia », American Family Physician, vol. 76, no 4,‎ , p. 517–526 (ISSN 0002-838X, PMID 17853625, lire en ligne, consulté le )
  12. J. F. Pagel, Seithikurippu R. Pandi-Perumal et Jaime M. Monti, « Treating insomnia with medications », Sleep Science and Practice, vol. 2, no 1,‎ , p. 5 (ISSN 2398-2683, DOI 10.1186/s41606-018-0025-z, lire en ligne, consulté le )
  13. Diego A. Golombek, Seithikurippu R. Pandi-Perumal, Gregory M. Brown et Daniel P. Cardinali, « Some implications of melatonin use in chronopharmacology of insomnia », European Journal of Pharmacology, vol. 762,‎ , p. 42–48 (ISSN 1879-0712, PMID 26004526, DOI 10.1016/j.ejphar.2015.05.032, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Malcolm H. Lader, « Managing Dependence and Withdrawal With Newer Hypnotic Medications in the Treatment of Insomnia », The Primary Care Companion for CNS Disorders, vol. 4, no Suppl 1,‎ , p. 25417 (ISSN 2155-7780, lire en ligne, consulté le )
  15. David J Heal, Sharon L Smith, Jane Gosden et David J Nutt, « Amphetamine, past and present – a pharmacological and clinical perspective », Journal of Psychopharmacology (Oxford, England), vol. 27, no 6,‎ , p. 479–496 (ISSN 0269-8811, PMID 23539642, PMCID 3666194, DOI 10.1177/0269881113482532, lire en ligne, consulté le )
  16. B. Claustrat, « Mélatonine et troubles du rythme veille-sommeil », Médecine du Sommeil, vol. 6, no 1,‎ , p. 12–24 (ISSN 1769-4493, DOI 10.1016/j.msom.2009.02.001, lire en ligne, consulté le )
  17. Habibolah Khazaie, Hamid Reza Ahmadi, Amir Kiani et Mohammad Rasoul Ghadami, « Circadian melatonin profile in opium and amphetamine dependent patients: A preliminary study », Neurobiology of Sleep and Circadian Rhythms, vol. 7,‎ , p. 100046 (ISSN 2451-9944, PMID 31463419, PMCID 6710474, DOI 10.1016/j.nbscr.2019.100046, lire en ligne, consulté le )
  18. R. Refinetti et M. Menaker, « The circadian rhythm of body temperature », Physiology & Behavior, vol. 51, no 3,‎ , p. 613–637 (ISSN 0031-9384, PMID 1523238, DOI 10.1016/0031-9384(92)90188-8, lire en ligne, consulté le )
  19. R. Pigeau, P. Naitoh, A. Buguet et C. McCann, « Modafinil, d-amphetamine and placebo during 64 hours of sustained mental work. I. Effects on mood, fatigue, cognitive performance and body temperature », Journal of Sleep Research, vol. 4, no 4,‎ , p. 212–228 (ISSN 1365-2869, PMID 10607161, DOI 10.1111/j.1365-2869.1995.tb00172.x, lire en ligne, consulté le )
  20. (en) Albert Hofmann, LSD: My Problem Child, OUP Oxford, (ISBN 978-0-19-963941-0, lire en ligne)
  21. a et b Olivia L. Carter, John D. Pettigrew, David C. Burr et David Alais, « Psilocybin impairs high-level but not low-level motion perception », Neuroreport, vol. 15, no 12,‎ , p. 1947–1951 (ISSN 0959-4965, PMID 15305143, DOI 10.1097/00001756-200408260-00023, lire en ligne, consulté le )
  22. Torsten Passie, John H. Halpern, Dirk O. Stichtenoth et Hinderk M. Emrich, « The pharmacology of lysergic acid diethylamide: a review », CNS neuroscience & therapeutics, vol. 14, no 4,‎ , p. 295–314 (ISSN 1755-5949, PMID 19040555, PMCID 6494066, DOI 10.1111/j.1755-5949.2008.00059.x, lire en ligne, consulté le )
  23. D. E. Nichols, M. W. Johnson et C. D. Nichols, « Psychedelics as Medicines: An Emerging New Paradigm », Clinical Pharmacology and Therapeutics, vol. 101, no 2,‎ , p. 209–219 (ISSN 1532-6535, PMID 28019026, DOI 10.1002/cpt.557, lire en ligne, consulté le )