Cú Chuimne

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Cú Chuimne (en gaélique « Chien de mémoire »[1]) est un clerc irlandais du Haut Moyen Âge, mort en 748[2].

Les Annales d'Ulster mentionnent sa mort pour l'année 747 (« Cucuimne sapiens obiit ») et reproduisent ensuite un poème en deux strophes en gaélique qui est attribué à sa nourrice :

Cu Chuimne ro legh suithe co druimne ;
alleith naill hiaratha, ro leici an caillecha.
An-do Coin Cuimne ro mboi, im rualaid de, conid soi ;
ro leic caillecha ha faill, ro leig alaill arith mboi[3].

Ces vers signifient à peu près : « Cú Chuimne a étudié la sagesse jusqu'à mi-parcours ; il a laissé tomber l'autre moitié pour l'amour des nonnes./ Toutes les distractions qu'avait Cú Chuimne l'ayant quitté, il est devenu un sage. Il s'est détourné des nonnes et a étudié la moitié qui lui restait ».

Cú Chuimne est l'auteur d'une hymne latine en l'honneur de la Sainte Vierge, en vingt-six vers de quinze syllabes plus un quatrain d'octosyllabes[4], dont l'incipit est Cantemus in omni die, et qui est une des plus anciennes hymnes mariales en latin. Dans le Liber hymnorum irlandais, le texte du chant est précédé d'un avant-propos, mélange de latin et de gaélique, qui dit ceci : « Cú Chuimne a fait cette hymne pour la louange de la Vierge Marie, et c'est au temps de Loingsech mac Óengusa et d'Adomnán qu'elle a été faite. Mais on ne sait pas dans quel lieu il l'a faite. Le motif de cette composition était de se libérer de la mauvaise vie qu'il menait, car il avait une conjointe et vivait avec elle dans le péché. Ou peut-être était-ce pour rendre plus plaisante la part de lectures qui lui restait à faire qu'il a composé cette louange de Marie ». Suit le poème cité dans les Annales d'Ulster (dans une version un peu différente), mais ici l'ensemble n'est pas attribué à sa nourrice : la première strophe est mise dans la bouche de l'abbé Adomnán d'Iona (« Ut Adamnanus dixit »), et la seconde dans celle de Cú Chuimne lui-même (« Cu-chuimne dixit »).

Loingsech mac Óengusa fut haut roi d'Irlande de 696 à 704, et Adomnán fut abbé d'Iona de 679 à 704.

Un colophon très corrompu présent dans un manuscrit d'origine bretonne de la Collectio canonum Hibernensis (Ms. BnF latin 12 021, datant du IXe siècle) laisse penser, si le déchiffrement est correct, que Cú Chuimne est l'un des deux clercs irlandais ayant réalisé cette collection canonique (qui est en même temps une œuvre d'exégèse biblique). Le colophon se présente à peu près ainsi : « Hucsvq; nuben & cv cuiminiæ & du rinis ». Il a été déchiffré de la manière suivante : « Huc usque Ruben et Cu-Cuimni Iæ et Durinis »[5]. Les deux auteurs de la collection seraient Ruben de Dair Inis (« scribe du Munster » dont la mort est signalée par les Annales d'Ulster et les Annales de Tigernach pour l'année 725), et Cú Chuimne « d'Iona » (I ou Ia étant le nom médiéval de cette île). Les deux y ont peut-être travaillé successivement (d'abord Ruben, ensuite Cú Chuimne).

Éditions[modifier | modifier le code]

  • John Henry Bernard et Robert Atkinson (éd.), The Irish Liber Hymnorum, Londres Henry Bradshaw Society, 1898, t. I, p. 32-34.
  • Clemens Blume (éd.), Analecta Hymnica Medii Ævi. LI. Thesauri Hymnologici Hymnarium. Die Hymnen des Thesaurus Hymnologicus H. A. Daniels und anderer Hymnen-Ausgaben, Leipzig, 1908, p. 305-306.
  • Hermann Wasserschleben (éd.), Die irische Kanonensammlung, Giessen, 1874, et Leipzig, 1885.
  • Roy Flechner (éd.), A Study and Edition of the Collectio Canonum Hibernensis, Oxford, 2006 (thèse non publiée).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Thomas Owen Clancy, article « Cú Chuimne », dans John T. Koch (dir.), Celtic Culture : A Historical Encyclopedia, 5 vol., Santa Barbara et Oxford, 2006.
  • David R. Howlett, « Five Experiments in Textual Reconstruction and Analysis IV. Cú Chuimne's Hymn Cantemus in omni die », Peritia, n° 9, 1995, p. 19-30.
  • David R. Howlett, « The Prologue to the Collectio Canonum Hibernensis », Peritia, n° 17/18, 2003-04, p. 144-149.
  • (en) Alfred P. Smyth, Warlords and Holy Men Scotland ad 80~1000, Edinburgh, Edinburgh University Press, , 279 p. (ISBN 0748601007), p. 125-126.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article de l'encyclopédie Celtic Culture, ce nom (ou surnom ?) doit renvoyer à la vocation d'un clerc, gardien (ou traqueur ?) de la mémoire.
  2. En 747 selon les Annales d'Ulster, mais on décèle une erreur systématique d'un an dans ces annales. Voir Daniel P. Mc Carthy, « The Chronology of the Irish Annals », Proceedings of the Royal Irish Academy, vol. 98C, 1998, p. 203-255.
  3. Les Annales de Tigernach ont la phrase sur sa mort pour l'année 747, mais pas le poème. Les Annales des quatre maîtres placent sa mort en 742 et reproduisent la première moitié du poème seulement en l'attribuant à l'abbé Adomnán d'Iona.
  4. Selon qu'on ajoute ou non un Amen, ça fait 30 ou 31 vers, nombre de jours dans un mois. D'autre part, les vers de quinze syllabes étant chantés deux fois, ça fait 52 vers chantés, nombre de semaines dans l'année. Également, les 26 vers de quinze syllabes ont 177 mots, ce qui fait 354 si on les chante deux fois, plus 11 mots dans le quatrain, ça fait 365 mots en tout, nombre de jours dans l'année.
  5. Rudolf Thurneysen, « Zur irischen Kanonessammlung », Zeitschrift für celtische Philologie, vol. 6, 1907, p. 1-5.

Liens externes[modifier | modifier le code]