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Contre-cartographie

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La contre-cartographie est la production de cartes destinées à la critique ou mise en cause des structures de pouvoir dominantes, afin de promouvoir des objectifs de progrès social[1].

La contre-cartographie est utilisée dans de nombreuses disciplines pour revendiquer un territoire colonisé, en collaboration avec des gens autochtones, mais elle joue alors un rôle ambigu: « la contre-cartographie peut réifier, renforcer et étendre les frontières coloniales alors même qu'elle cherche à remettre en question les pratiques cartographiques dominantes ; et pourtant, la contre-cartographie peut simultanément rendre possible des modes anti-colonialistes de représentation de l'espace et des lieux[2]. » Le terme est apparu aux États-Unis lorsque Nancy Lee Peluso (en) l'a utilisé en 1995 pour décrire la commande de nouvelles cartographies par les communautés usagères de la forêt de Kalimantan, en Indonésie, pour contester les cartes gouvernementales des zones forestières qui portaient atteinte aux intérêts des peuples autochtones[3]. Les cartes anti-hégémoniques qui en résultent soutiennent les revendications des communautés usagères[3]. Il existe de nombreuses expressions étroitement liées à la contre-cartographie : ethnocartographie, cartographie alternative, mapping-back, cartographie anti-hégémonique, deep map (en)[4] et cartographie participative publique[5]. De plus, les termes : cartographie critique, cartographie subversive, cartographie bio-régionale et remapping sont parfois utilisés de manière interchangeable avec la contre-cartographie, mais ils englobent bien davantage de pratiques[5].

L'émergence de la contre-cartographie a été facilitée par certains aspects du néolibéralisme[6], ainsi que par la démocratisation technologique[3]. Bien que la contre-cartographie fasse généralement référence à la cartographie autochtone, elle est de plus en plus également appliquée à la cartographie dans les pays sans histoire de colonisation[5]. Parmi les exemples de contre-cartographie, on peut citer les tentatives de délimitation et de protection des territoires traditionnels, la cartographie communautaire, les systèmes d'information géographique à participation publique et la cartographie réalisée par un État relativement faible pour contrer les revendications d'un État plus puissant sur des ressources[7]. Le pouvoir des contre-cartes pour promouvoir de nouvelles politiques publiques de manière populaire a conduit certains commentateurs à affirmer que la contre-cartographie devrait être envisagée comme outil de gouvernance[8].

Malgré son potentiel émancipateur, la contre-cartographie n'est pas exempte de critiques. Les efforts de contre-cartographie ont tendance à négliger les connaissances des femmes, des minorités et d'autres groupes vulnérables et discriminés[9]. De ce point de vue, la contre-cartographie n'est valorisante que pour un petit sous-ensemble de la société, tandis que d'autres sont encore plus marginalisés[10].

Références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Counter-mapping » (voir la liste des auteurs).

  1. D.L Hodgson et Schroeder, R.A., « Dilemmas of Counter-Mapping : Community Resources in Tanzania », Development and Change, vol. 33,‎ , p. 79-100 (DOI 10.1111/1467-7660.00241, hdl 10919/65519 Accès libre)
  2. Elspeth Iralu, « Putting Indian Country on the Map : Pratiques autochtones de justice spatiale », Antipode, vol. 53, no 5,‎ , p. 1485-1502 (ISSN 0066-4812, DOI 10.1111/anti.12734, lire en ligne) :

    « Counter-mapping may reify, reinforce, and extend settler boundaries even as it seeks to challenge dominant mapping practices; and still, counter-mapping may simultaneously create conditions of possibility for decolonial ways of representing space and place. »

  3. a b et c N.L Peluso, « Whose Woods are These ? Contre-cartographie des territoires forestiers à Kalimantan, Indonésie », Antipode, 4e série, vol. 27, no 4,‎ , p. 383-406 (DOI 10.1111/j.1467-8330 .1995.tb00286.x)
  4. Shannon Butts et Madison Jones, « Deep mapping for environmental communication design », Communication Design Quarterly, vol. 9, no 1,‎ , p. 4-19 (DOI 10.1145/3437000.3437001, S2CID 234794773, lire en ligne)
  5. a b et c R Rundstrom, International Encyclopedia of Human Geography, , 314–318 p. (ISBN 9780080449104, DOI 10.1016/B978-008044910-4.00017-1), « Counter-Mapping »
  6. J Bryan, « Walking the Line », Geoforum, vol. 42, no 1,‎ , p. 40-50 (DOI 10.1016/j.geoforum.2010 .09.001)
  7. K Bauer, « On the Politics and Possibilities of Participatory Mapping and GIS : Using Spatial Technologies to Study Common Property and Land Use Change Among Pastoralists in Central Tibet », Cultural Geographies, vol. 16, no 2,‎ , p. 229-252 (DOI 10.1177/1474474008101518, Bibcode 2009CuGeo..16... 229B, S2CID 143744283)
  8. J.B Alcorn, Borders, Rules and Governance: Mapping to Catalyse Changes in Policy and Management, London, Gatekeeper Series,
  9. D.B Rocheleau et Edmunds, D, « Women, Men and Trees : Gender, Power and Property in Forest and Agrarian Landscapes. », World Development, vol. 25, no 8,‎ , p. 1351-1371 (DOI 10.1016/s0305-750x(97)00036-3)
  10. B.H King, « Community Participation and Geographic Information Systems », The Professional Geographer, vol. 56, no 2,‎ , p. 315-317 (DOI 10.1111/j.0033-0124 .2004.05602013_7.x, Bibcode 2004ProfG..56..315K, S2CID 128470317)