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Chimère Homme-Animal

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Une chimère homme-animal est un organisme composé de cellules issues à la fois d’un humain et d’un animal. Il s’agit d’une création artificielle. Plusieurs types de chimérismes humains peuvent être observés.

Il convient de différencier ce concept de celui d'un hybride homme-animal hybride homme-animal (en), qui est un individu dont chaque cellule contient du matériel génétique à la fois humain et animal.

Les chimères homme-animal sont des créatures fantastiques et récurrentes dans les récits de l'antiquité. Le nom de chimère vient lui-même de la mythologie grecque car la créature maléfique crachant du feu et combinant une tête de lion, un corps de chèvre avec une queue de serpent était appelée Chimère. Elle fut vaincue par Bellérophon. De nombreuses autres exemples sont au centre de la mythologie grecques, tel le Minotaure, portant une tête de taureau sur un corps humain, qui vivait dans un labyrinthe et fut tué par Thésée. Ou encore Méduse, avec des cheveux de serpents et un regard pétrifiant, et qui fut vaincue par Persée, Pan, le dieu grec des bergers qui était mi-homme, mi-bouc, ou les centaures, mi-hommes mi-chevaux. Dans la mythologie égyptienne apparaissent également de nombreuses chimères homme-animal, tel le Sphinx, avec une tête humaine et un corps de lion, symbolisant protection et puissance. Ou encore Anubis, un corps d'Homme avec une tête de chacal.

Ce qui relevait des récits fantastiques est devenu en partie réalité depuis le XXème siècle. Quelques étapes clés de ce domaine de recherche :

  • 1960 : Nicole Le Douarin a créé des chimères entre poulets et cailles en greffant des cellules embryonnaires, permettant de tracer le développement cellulaire de certaines structures anatomiques ou histologiques grâce aux signes distinctifs visibles qui différencient les deux espèces[1].
  • À partir des années 1980 : Les premières souris transgèniques ont été développées en intégrant des gènes humains dans leur génome pour étudier leur expression et fonction. Parmi ces modèles, les souris Knockout (KO), incluant les souris THX, ont été créées afin de mieux comprendre le rôle des gènes spécifiques[2].
  • 2003 : des chercheurs de la Deuxième Université Médicale de Shanghai ont réussi à créer les premières chimères homme-animal en fusionnant des cellules humaines avec des ovules de lapin, marquant une avancée notable dans la manipulation génétique interespèces[3].
  • 2017 : des scientifiques ont développé des chimères principalement composées de cellules de porc et de certaines cellules humaines. Leur but était d’étudier la possibilité de cultiver des organes humains dans des animaux afin de remédier à la pénurie d'organes donneurs[4].
  • 2021 : Une collaboration entre l'Institut Salk aux États-Unis et l'Université de Kunming en Chine a abouti à la création de chimères homme-singe. Des cellules souches humaines ont été injectées dans des embryons de singe, offrant de nouvelles perspectives pour la transplantation d'organes, tout en soulevant des préoccupations éthiques significatives[5].
  • 2024 : des chercheurs de l'Université du Texas à San Antonio ont annoncé la création de souris THX avec un système immunitaire humain pleinement fonctionnel. Ces souris sont équipées de lymphocytes T et B humains, de lymphocytes B mémoires, et des plasmocytes capables de produire des anticorps spécifiques identiques à ceux des humains. Ce modèle ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche sur les vaccins innovants, les immunothérapies et la modélisation de diverses maladies humaines[6].

Chimérisme cas humain dans animal

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Souris humanisées

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Pour étudier les réponses immunitaires humaines, des modèles animaux imitant fidèlement le système immunitaire humain sont nécessaires. Chez la souris, plus de 1600 gènes sont incompatibles avec ceux des humains, entraînant des divergences importantes. C'est pourquoi des modèles de souris humanisées ont été développés[6].

Organes humains dans animaux

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Avec nos connaissances actuelles, il est possible d’envisager de créer des organes viables pour l’homme à partir d’animaux génétiquement modifiés, on parle alors d’animaux transgéniques. L’animal idéal est le porc, d’autres animaux pourraient être envisagés comme certains singes. Cela a pour but d’éviter le rejet de la xénogreffe, et ainsi résoudre la pénurie d’organes dans le futur[7].

Chimérisme cas animal dans humain

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La xénotransplantation

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La xénotransplantation est la transplantation d’organes, de tissus ou de cellules de l’animal à l’homme. Le porc se distingue comme donneur privilégié pour les humains, principalement en raison de sa disponibilité et de la taille appropriée des organes. Plusieurs projets de recherche se concentrent sur la création de porcs humanisés. Ces projets incluent l’utilisation de la technologie CRISPR/Cas9, des techniques de clonage, le développement de structure de type blastocyste, et l’acquisition d’organes par la formation de chimères. Cependant, la xénotransplantation, bien qu'en pleine évolution, soulève des questions éthiques complexes[8].

Législation et éthique

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Les limites éthiques

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Les recherches sur le chimérisme homme-animal, suscitent d’importantes inquiétudes éthiques. Parmi ces préoccupations, on retrouve la crainte d’émergence de nouvelles zoonoses, maladies pouvant se transmettre entre différentes espèces et pouvant induire des pandémies.

Ce qui pourrait induire aussi des questionnements d’éthique, c’est le risque d’humanisation des animaux (physiquement et/ou moralement). De plus, doter des animaux de traits cognitifs humains, comme la conscience humaine, soulève des questions sur les implications morales et la nature même de l’animal. Enfin, il existe un risque non négligeable que ces chimères produisent des gamètes humains, posant des problèmes éthiques majeurs pour la reproduction et l’identité de l’espèce[7].

Cadre légal actuel et propositions futures

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La loi actuelle considère l'expérimentation animale éthiquement acceptable si elle est scientifiquement justifiée. Concernant, la recherche sur les cellules iPS, elle est modérément encadrée, exigeant que la personne dont les cellules sont prélevées et utilisées à des fins scientifiques soit informée. Actuellement, en France, la modification génétique des embryons humains est interdite. La loi de bioéthique révisée en 2021 encadre strictement ces manipulations, autorisant uniquement l'utilisation d'embryons surnuméraires issus de la PMA mais non utilisés pour l’implantation. De nos jours, il est possible de cultiver des embryons humains jusqu’à J14 du développement embryonnaire. Le transfert d'embryons génétiquement modifiés pour la gestation est strictement interdit, tout comme l'ajout de cellules animales aux embryons humains. Les embryons chimériques et les pseudo-embryons, ne sont pas considérés comme des embryons humains, et échappent à la  réglementation qui limite à 14 jours le développement in vitro. Cette limite pourrait être étendue à 21 jours à l'avenir afin de renforcer par la suite la médecine régénératrice[9].

Notes et références

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  1. Domenico Ribatti, « Nicole Le Douarin and the use of quail-chick chimeras to study the developmental fate of neural crest and hematopoietic cells », Mechanisms of Development, vol. 158,‎ , p. 103557 (ISSN 0925-4773, DOI 10.1016/j.mod.2019.103557, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Ursa Lampreht Tratar, Simon Horvat et Maja Cemazar, « Transgenic Mouse Models in Cancer Research », Frontiers in Oncology, vol. 8,‎ (ISSN 2234-943X, PMID 30079312, PMCID PMC6062593, DOI 10.3389/fonc.2018.00268, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Maryann Mott, « Animal-human Hybrids Spark Controversy » Accès libre, sur National Geographic, (consulté le )
  4. (en) Erin Blakemore, « Human-Pig Hybrid Created in the Lab - Here are the Facts » Accès libre, sur National Geographic, (consulté le )
  5. (en) Victoria L. Mascetti et Roger A. Pedersen, « Human-monkey chimeras: Monkey see, monkey do », Cell Stem Cell, vol. 28, no 5,‎ , p. 787–789 (DOI 10.1016/j.stem.2021.04.025, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b (en) Daniel P. Chupp, Carlos E. Rivera, Yulai Zhou et Yijiang Xu, « A humanized mouse that mounts mature class-switched, hypermutated and neutralizing antibody responses », Nature Immunology,‎ (ISSN 1529-2908 et 1529-2916, DOI 10.1038/s41590-024-01880-3, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Chloé Giquel, John De Vos, Rodolphe Bourret et François Vialla, « La création d’animaux chimères porteurs d’organes humains », Médecine & Droit, vol. 2016, no 137,‎ , p. 37–47 (ISSN 1246-7391, DOI 10.1016/j.meddro.2015.10.005, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Yiyi Xuan, Björn Petersen et Pentao Liu, « Human and Pig Pluripotent Stem Cells: From Cellular Products to Organogenesis and Beyond », Cells, vol. 12, no 16,‎ , p. 2075 (ISSN 2073-4409, PMID 37626885, PMCID PMC10453631, DOI 10.3390/cells12162075, lire en ligne, consulté le )
  9. Pierre Savatier, Laurent David, John De Vos et Frank Yates, « Des embryons chimères et des pseudo-embryons comme alternatives pour la recherche sur l’embryon humain », médecine/sciences, vol. 37, nos 8-9,‎ , p. 799–801 (ISSN 0767-0974 et 1958-5381, DOI 10.1051/medsci/2021124, lire en ligne, consulté le )