Cercles de Malfatti

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Cercles de Malfatti d'un triangle

En géométrie, les cercles de Malfatti sont une configuration de trois cercles tracés à l'intérieur d'un triangle, de sorte que chaque cercle soit tangent aux deux autres et à deux côtés du triangle. Elle porte le nom de Gian Francesco Malfatti, qui a posé en 1803 un problème différent : déterminer la disposition de trois disques disjoints inclus dans un triangle telle que la somme de leurs aires soit maximale (ou que l'aire de la surface restante soit minimale) [1]. Celui-ci pensait que la réponse était dans la configuration décrite ci-dessus, ce qui s'est révélé faux, même dans le cas d'un triangle équilatéral. Mais il a effectué les premières études sur le problème de la construction des cercles qui portent maintenant son nom, en fournissant en particulier une formule pour leurs rayons.

Dans un triangle équilatéral, l'aire totale des cercles de Malfatti (à gauche) est environ 1 % plus faible que celle du cercle inscrit et de deux cercles inscrits dans la surface restante (à droite).

L'expression "problème de Malfatti" est utilisée à la fois pour le problème de la construction des cercles de Malfatti et pour le problème de la recherche de trois disques d'aire maximale. C'est ce dernier qui est traité dans l'article intitulé problème de Malfatti.

Une construction géométrique des cercles de Malfatti a été proposée par Jakob Steiner en 1826 [2], et de nombreux mathématiciens ont depuis étudié le problème[3].

Historique[modifier | modifier le code]

Le problème de la construction de trois cercles tangents les uns aux autres dans un triangle avait déjà été posé avant les travaux de Malfatti par le mathématicien japonais du XVIIIe siècle Ajima Naonobu, dans une collection non publiée de ses œuvres réalisée un an après sa mort par son élève Kusaka Makoto[3],[4]. Encore plus tôt, le même problème avait été considéré par Gilio di Cecco da Montepulciano dans un manuscrit de 1384 conservé à la Bibliothèque municipale de Sienne en Italie. Jacques Bernoulli a étudié en 1744 le cas particulier du triangle isocèle[5].

Depuis les travaux de Malfatti, il y a eu une quantité importante de travaux sur les méthodes de construction de ses trois cercles ; Richard K. Guy écrit que la littérature sur le problème est « abondante, largement dispersée et pas toujours consciente d'elle-même »[6]. Notamment, Jakob Steiner a présenté une construction géométrique utilisant les tangentes communes à des cercles ; d'autres auteurs ont depuis affirmé que la présentation de Steiner manquait de preuve, laquelle a ensuite été fournie par Andrew Hart [7], mais Guy signale que la preuve est en fait éparpillée dans deux articles de Steiner publiés à cette époque [6]. Des solutions basées sur des formulations algébriques du problème ont été données par Ludolph Lehmus en 1819 [8], Catalan en 1846 [9], C. Adams en 1849 [10], J. Derousseau en 1895 [11], et Andreas Pampuch en 1904 [12]. Le problème et ses généralisations ont fait l'objet de nombreuses autres publications mathématiques du XIXe siècle, et son histoire et ses mathématiques ont fait l'objet d'études continues depuis lors. Il a également été un sujet fréquent dans les livres de géométrie (par exemple dans la Géométrie de Rouché et Comberousse, 7e édition, 1er volume, p. 311 à 314) [13].

La construction de Jacob Steiner[modifier | modifier le code]

Construction par Steiner des cercles de Malfatti.

Bien qu'une grande partie des premiers travaux sur les cercles de Malfatti utilisaient la géométrie analytique, Steiner a proposé en 1826 la construction de géométrie pure, effectuable à la règle et au compas, suivante [14].

Un cercle tangent à deux côtés d'un triangle, comme le sont les cercles de Malfatti, doit être centré sur l'une des bissectrices internes du triangle (en vert sur la figure). Ces bissectrices divisent le triangle en trois triangles plus petits, et la construction par Steiner des cercles de Malfatti commence par celle des cercles inscrits dans ces triangles (représentés en pointillés sur la figure). Sauf cas particulier, ces cercles sont disjoints, et chaque paire de cercles possède deux tangentes communes passant entre les deux cercles : l'une est une bissectrice du triangle et l'autre est représentée par une ligne pointillée rouge dans la figure. Avec les notations de la figure, les trois cercles de Malfatti sont les cercles inscrits dans les trois quadrilatères abyx, aczx et bczy. En cas de symétrie, deux des cercles en pointillés peuvent être tangents en un point d'une bissectrice, qui est alors l'unique tangente commune située entre les cercles mais établissant toujours les quadrilatères de construction des cercles de Malfatti.

Les trois tangentes communes x, y et z coupent les côtés du triangle au point de tangence avec le troisième cercle inscrit, et peuvent également être obtenues comme symétriques des bissectrices du triangle par rapport aux droites reliant deux centres de ces cercles inscrits.

Construction des cercles de Malfatti à partir du cercle inscrit[modifier | modifier le code]

Notations[modifier | modifier le code]

On note :

  • a, b et c les trois longueurs des côtés opposés aux sommets A,B,C du triangle, le demi-périmètre
  • les angles
  • S l'aire, le rayon du cercle inscrit , les rayons des cercles exinscrits
  • les trois distances du centre du cercle inscrit aux sommets A,B,C respectivement ().
  • les rayons des cercles de Malfatti inscrits dans les secteurs de sommets A,B,C respectivement.

On remarquera que le cercle de Malfatti inscrit dans le secteur de sommet A se construit comme image du cercle inscrit par l’homothétie de centre A et de rapport , et de même pour les autres par permutation.

Expressions des rayons[modifier | modifier le code]

  • en fonction des angles [15]:
    et on obtient les autres par permutations,
  • en fonction des longueurs :

  • en fonction des réels compris entre 0 et définis par et [16] :

Par exemple, pour le triangle équilatéral, .

On trouvera dans [16] les formules similaires pour les 31 autres groupes de cercles Malfatti généralisés, où les contacts des cercles peuvent se faire sur les prolongements des côtés (et où les 9 points de contact cercle-côté ou cercle-cercle sont distincts).

Problème diophantien[modifier | modifier le code]

Des formules apparentées aux précédentes peuvent être utilisées pour trouver des exemples de triangles dont les longueurs des côtés, le rayon du cercle inscrit et les rayons de Malfatti sont tous entiers. Par exemple, le triangle de côtés de longueurs 28 392, 21 000 et 25 872 a un cercle inscrit de rayon 6 930 et pour rayons de Malfatti 3 969, 4 900 et 4 356. De même, le triangle de côtés de longueurs 152 460, 165 000 et 190 740 a un cercle inscrit de rayon 47 520 et pour rayons de Malfatti 27 225, 30 976 et 32 400 [17].

Points de Ajima-Malfatti[modifier | modifier le code]

Construction du premier point de Ajima-Malfatti

Étant donné un triangle ABC et ses trois cercles de Malfatti, soient D, E et F les points de tangence de deux des cercles, opposés aux sommets A, B et C respectivement. Les trois droites (AD), (BE) et (CF) concourent en un centre du triangle connu sous le nom de premier point de Ajima-Malfatti, honorant les contributions de Ajima et Malfatti. Le deuxième point de Ajima-Malfatti est le point de concours des trois droites reliant les points de tangence des cercles de Malfatti aux centres des cercles exinscrits du triangle (ces centres ont pour nombres de Kimberling X(179) et X(180) respectivement[18]).

D'autres centres du triangle sont associés aux cercles de Malfatti : le point de Yff-Malfatti, formé de la même manière que le premier point de Ajima-Malfatti à partir de trois cercles mutuellement tangents qui sont tous tangents aux droites passant par les côtés du triangle donné, mais qui se trouvent partiellement à l'extérieur du triangle (nombre de Kimberling X(400)) et le centre radical des trois cercles de Malfatti (le point de concours des trois bitangentes utilisées dans la construction, de nombre de Kimberling X(483)[18]).

Les 2 tangentes communes externes à chacun de 3 cercles deux à deux tangents extérieurement déterminent triangles (rouge-vert-bleu) ayant pour cercles de Malfatti (à 9 contacts simples) généralisés ces 3 cercles. Si l'on rajoutait les tangentes communes internes, il y aurait alors triangles [19].

Cercles de Malfatti généralisés[modifier | modifier le code]

Dans une résolution algébrique des équations donnant les cercles de Malfatti, on ne fait pas la distinction entre les tangences internes et externes entre les cercles et le triangle ; si le problème est généralisé pour permettre ces tangences, avec des points de contact simples (six points de contact cercle/côté, et trois points de contact cercle/cercle), un triangle donné possède 32 solutions différentes [19],[15],[11],[12],[16], et inversement un triplet de cercles mutuellement tangents est une solution pour huit triangles différents (voir ci-contre) [6]. Bottema [20] attribue l'énumération de ces solutions à Pampuch [12], mais Cajori [21] note que ce comptage du nombre de solutions était déjà donné dans une remarque de Steiner [2], lui-même faisant référence à une note publiée dans les Annales de Gergonne en 1810 [19].

Voici, dans le cas du triangle équilatéral, ces 32 solutions, à symétries près ; Barisien [15] ne retient que les 20 premières, présentant un axe de symétrie.

  • 2 solutions à trois axes de symétrie (les rayons des cercles indiqués sont donnés pour un triangle de côté 1) [22]:
  • 18 = 6 x 3 solutions à un axe de symétrie [22]:
  • 3, 4, 5. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000014-QINU`"'
    3, 4, 5. Rayons
  • 6, 7, 8. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000015-QINU`"'
    6, 7, 8. Rayons
  • 9, 10, 11. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000016-QINU`"'
    9, 10, 11. Rayons
  • 12, 13, 14. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000017-QINU`"'
    12, 13, 14. Rayons
  • 15, 16, 17. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000018-QINU`"'
    15, 16, 17. Rayons
  • 18, 19, 20. Rayons '"`UNIQ--postMath-00000019-QINU`"'
    18, 19, 20. Rayons
  • 12 = 2 x 6 solutions sans axe de symétrie [22]:

Il existe aussi des solutions avec des points de contact multiples (Guy[6] en mentionne 48) :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (it) Gianfrancesco Malfatti, « Memoria sopra un problema stereotomica », Memorie di Matematica e Fisica della Società Italiana delle Scienze, no 10,‎ , p. 235–244 (lire en ligne)
  2. a et b (de) Jacob Steiner, « Einige geometrische Betrachtungen », Journal für die reine und angewandte Mathematik, vol. 1,‎ , p. 161–184, 252–288 (lire en ligne)
  3. a et b (en) Marco Andreatta, András Bezdek, Jan P. Boroński, « The problem of Malfatti: two centuries of debate », The Mathematical Intelligencer, vol. 33,‎ , p. 72–76 (lire en ligne)
  4. (en) Hidetoshi Fukagawa, Tony Rothman, Sacred Mathematics: Japanese Temple Geometry, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 79
  5. (la) Jacques Bernoulli, « Solutio Tergemini Problematis: Lemma II », Opera, vol. I,‎ , p. 303–305 (lire en ligne)
  6. a b c et d (en) Richard K. Guy, « The lighthouse theorem, Morley & Malfatti—a budget of paradoxes », American Mathematical Monthly, no 114 (2),‎ , p. 97-141
  7. (en) Andrew S. Hart, « Geometrical investigation of Steiner's construction for Malfatti's problem », The Quarterly Journal of Pure and Applied Mathematics, vol. 1,‎ , p. 219–221. (lire en ligne)
  8. LECHMÜTZ, « Géométrie mixte. Solution nouvelle du problème où il s’agit d’inscrire à un triangle donné quelconque trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres et deux côtés du triangle », Annales de Mathématiques pures et appliquées, vol. 10,‎ 1819-1820, p. 289-298 (lire en ligne)
  9. Eugène Charles Catalan, « Note sur le problème de Malfatti », Nouvelles annales de mathématiques, 1re série, vol. 5,‎ , p. 60-64 (lire en ligne)
  10. Carl Adams, « Lemmes sur les cercles inscrits à un triangle, et solution algébrique du problème de Malfatti », Nouvelles annales de mathématiques 1re série, tome 8 p. 62-63,‎ (lire en ligne)
  11. a et b J. Derousseau, « Historique et résolution analytique complète du problème de Malfatti », Mémoires de la Société Royale des Sciences de Liège, 2e série, vol. 18,‎ , p. 1–52. (lire en ligne)
  12. a b et c (de) Andreas Pampuch, « Die 32 Lösungen des Malfatisschen Problems », Archiv der Mathematik und Physik, 3e série, vol. 8,‎ , p. 36-49 (lire en ligne)
  13. Frère Gabriel Marie, Exercices de géométrie, comprenant l'exposé des méthodes géométriques et 2000 questions résolues par F. G.-M. (réimpr. Gabay 1991) (lire en ligne), p. 725-728
  14. Jean-Claude Carréga, Théorie des corps, la règle et le compas, Hermann, (lire en ligne), p. 102-106
  15. a b et c E.-N. BARISIEN, « Généralisation du problème de Malfatti », Nouvelles annales de mathématiques, 4e série, vol. 2,‎ , p. 411-422 (lire en ligne)
  16. a b et c (en) Hiroyasu Kamo, « Schellbach-style Formulae for the Derousseau-Pampuch Generalizations of the Malfatti Circles », arXiv.org,‎ (lire en ligne)
  17. (en) W. J. C. Miller, « Problem 4331, Mathematical questions with their solutions », Educational times, vol. 16,‎ , p. 70–71, (lire en ligne)
  18. a et b Encyclopedia of Triangle Centers.
  19. a b et c Joseph-Diaz Gergonne, « Solution du dernier des deux problèmes proposés à la page I96 de ce volume », Annales de mathématiques pures et appliquées, vol. 1,‎ 1810-1811, p. 348 (lire en ligne)
  20. (en) Oene Bottema, « The Malfatti problem », Forum Geometricorum, 1,‎ , p. 43–50 (lire en ligne)
  21. (en) Florian Cajori, A history of mathematics, Macmillan & Co, , p. 296
  22. a b et c Alain esculier, « Cercles de Malfatti généralisés »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]