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Moyens de défense en droit pénal canadien

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Cet article fait état des moyens de défense en droit pénal canadien.

Sources des moyens de défense

Les preuves et moyens de défense admissibles lors d'une poursuite criminelle sont règlementés par la common law ainsi que par le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada.

Énumération des moyens de défense positive

Divers moyens de défense sont disponibles pour exculper un accusé ou pour réduire la charge qui lui incombe, mais certains moyens ne peuvent être utilisés que dans des situations spécifiques. De plus, pour que les moyens de défense puissent fonctionner, la partie défenderesse doit être en mesure d'infirmer la preuve du procureur de manière qu'un doute raisonnable subsiste. La défense positive comprend, notamment : l'automatisme, l'ivresse, l'erreur, les troubles mentaux[1], les facultés affaiblies, la contrainte, l'état de nécessité, la provocation, la légitime défense, l'âge de minorité, la fausse confession, le piège, l'absence de consentement, l'immunité et l'impossibilité. Par exemple, dans des cas de provocation, la charge du chef d’accusation pour meurtre pourrait être réduite à un homicide involontaire.

Moyens de défense fondés sur la preuve des éléments de l'infraction

En plus de la défense positive indiquée ci-dessus, il existe des moyens de défense qui, dans un sens plus large, sont simplement des affirmations qui tendent à démontrer que l’État n'a pas prouvé un des éléments de l'infraction. Par exemple, la défense recourant à une erreur de fait affirme une incompréhension de l'accusé face à un certain nombre d’éléments de fait qui a empêché la formation de la mens rea requise pour l'infraction. Dans un contexte d'agression sexuelle, par exemple, une erreur de fait comprend généralement l’affirmation que l’accusé n’a pas réalisé que le demandeur n'était pas consentant. Dans ce contexte, comme la mens rea de l'agression sexuelle inclut une appréciation subjective du fait que le demandeur n'était pas consentant, l'erreur de fait constitue donc un échec de la preuve de l’État. En pratique, l’erreur de fait est toujours considéré comme un moyen de défense. Un autre exemple de ce type de défense est la preuve de l’identité par laquelle le défendeur affirme que l’État n'a pas réussi à prouver l'identité de l'auteur d'un crime au-delà de tout doute raisonnable. Il existe de nombreux autres exemples de ce type de défense, mais en réalité, ils ne constituent que des groupes de lacunes spécifiques qui se posent fréquemment dans la poursuite judiciaire de certains types d'infractions.

Défenses de common law

Alors que certaines défenses sont prévues expressément par la loi, d’autres moyens de défense relève uniquement de la common law. Dans certains cas, une défense issue de la common law sera remplacée par les dispositions législatives en vigueur (ex.: la contrainte, la légitime défense et l’intoxication extrême). Cependant, dans le cas de la contrainte, la Cour suprême du Canada a invalidé la disposition législative s’y rattachant du fait qu’elle contreviendrait à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, laissant donc une plus grande liberté dans les moyens de défense issue de la common law. Les empiètements législatifs suivant la common law contreviennent à la Charte si, en étant irrecevables, ils diminuent les éléments constituant une infraction.

D'autres moyens de défense sont créés sur mesure, selon les situations, et mènent donc à de nouveaux moyens de défense issue de la common law. Tel est le cas des mauvais traitements, du syndrome de la femme battue[2].

Crédibilité de la preuve

Tous les moyens de défense – que ce soit une défense positive ou une défense au sens large – peuvent prendre leur source des éléments de preuve obtenus par l’État ou des éléments de défense amenés par le défendeur. Une défense ne peut être laissée qu’à l'appréciation du jury (ou considérées par un juge dans les cas sans jury) lorsque le défendeur a réussi à développer une crédibilité qui dément ou discrédite la preuve du procureur. Cette crédibilité peut prendre sa source de la preuve constituée par l’État ou des éléments de défense de la partie défenderesse. Il n'est pas nécessaire pour un accusé de témoigner ou d’amener d'autres éléments de preuve pour présenter une défense. Si la preuve présentée par le procureur est suffisante pour soulever une apparence de réalité, le jury doit donc se demander si les éléments de défense s’appliquent et s’ils soulèvent un doute raisonnable sur les éléments de la preuve. Par exemple, dans un cas d'agression, un individu amené à témoigner pour le compte du procureur pourrait indiqué qu’il a vu le demandeur frapper l’accusé en premier et que l’accusé agissait donc en légitime défense. Dans un tel cas, même si tous les autres témoins oculaires ont vu l'accusé frapper en premier lieu, le jury doit évaluer, sur la base de tous les éléments de preuve qu'il a en sa possession, si un doute raisonnable subsiste quant au fait que l'accusé aurait agi en légitime défense. Le fait est que les individus appelés à témoigner n’auraient pas nécessairement été témoins de l’ensemble de la situation et donc, auraient extrapoler à partir de quelques éléments contextuels seulement.

Arrêt des poursuites

En plus des moyens de défense traditionnels, un accusé peut également rechercher l'arrêt des poursuites.

Mandats invalides

Dans un sens encore plus large, la partie défenderesse peut parfois être en mesure d’amener des éléments susceptibles d'aboutir soit à l’arrêt des poursuites ou au rejet de la preuve. Par exemple, dans un cas de possession de stupéfiants, l'accusé pourrait faire valoir que le mandat de perquisition et de saisie par lequel les forces policières sont entrées dans son domicile était non valide et donc, que son droit constitutionnel sur la sécurité juridique a été enfreint. S'il réussit à établir une telle infraction, la preuve pourrait être rejetée. Par conséquent, l’État ne pourrait pas prouver les faits avancés et serait donc amené à déclarer l’arrêt des poursuites. Lorsque ce genre de situation survient, elle n’est pas considérée être une défense, puisque l'accusé doit établir la preuve contre l’État lors d’une audience séparée préalablement à son propre procès. Néanmoins, les juristes font souvent référence à ces applications comme constituant une « Charte de défense ».

Arrêt Jordan et piège

D'autres formes de « Charte de défense » peuvent conduire non pas au rejet de la preuve mais directement à l’arrêt des procédures ou des poursuites. Par exemple, si l'accusé n'est pas traduit en justice dans un délai raisonnable, la procédure doit être suspendue en cas de retard en vertu des paragraphes 11(b) et 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, l’arrêt des poursuites peut également avoir lieu même en l'absence d'une infraction à la Charte. Par exemple, le piège invoqué comme moyen de défense n'est ni une défense positive, ni nécessairement une transgression de la Charte. Cependant, lorsque la preuve du piège est établie avec succès, la poursuite est réputée être un abus de procédure. Afin de répondre aux principes de l’equity, les seuls recours existant sont donc soit un arrêt des procédures prononcé par un juge ou un arrêt des poursuites initié par le procureur de la cause après révision du dossier. Alors que d’autres cas d'abus de procédure surviennent dans certaines autres circonstances, ils peuvent aussi impliquer des violations de la Charte.

Pardon

Lorsque l’État démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé a perpétré un des chefs d’accusation énoncé dans l’acte d’accusation, la partie défenderesse peut recourir à une défense positive demandant le pardon. Ce type de défense peut servir de dernier recours lorsque les circonstances permettent à un accusé de justifier, partiellement ou complètement, la perpétration d’une infraction criminelle. Ainsi, l’accusé peut obtenir le pardon, absolu ou conditionnel, du gouverneur général en conseil. Toutefois, très rares sont les cas où un pardon est dévolu.

Exclusion de l'ignorance de la loi comme défense

Finalement, l'ignorance de la loi n'est pas une défense. L'article 19 du Code criminel interdit expressément ce moyen de défense. Toutefois, dans de rares cas[Lesquels ?], l'ignorance d'une loi autre que celle en vertu de laquelle le prévenu est inculpé peut être un moyen de défense si la connaissance de cette loi est un élément pertinent qui doit être prouvé dans le cadre de l’actus reus et du mens rea.

D'après la Ville de Lévis c. Tétreault[3], une exception à l'inadmissibilité de l'ignorance de la loi comme défense est lorsque l'accusé a agi en se fondant sur l'information erronée d'une personne en autorité après avoir tenté de se renseigner auprès de celui-ci. Cette décision vient en soutien à l'avis du juge Lamer dans R. c. Jorgensen[4]. Par exemple, si une entreprise commet une infraction criminelle en fondant ses agissements sur les renseignements d'une personne qui a un pouvoir décisionnel dans l'État (par ex. un fonctionnaire important dans un ministère), cela peut constituer un moyen de défense.

Voir aussi

  • R. c. Cinous, sur l'exigence que la défense ait un air de réalité

Références

  1. Au sujet des troubles mentaux, voir Hugues PARENT, « Analyse de la responsabilité pénale des personnes faisant l’usage d’antidépresseurs et ayant commis des infractions criminelles en cours de traitement ou de sevrage », Revue de droit de l'Université de Sherbrooke,‎ (lire en ligne)
  2. R. c. Lavallée, [1990 1 R.C.S. 852]
  3. [2006] 1 S.C.R.
  4. [1995] 4 S.C.R. 55 i