Suffisance numérique

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La suffisance numérique est un ensemble de considérations conceptuelles ayant pour objectif de réduire la consommation de ressources et d’énergie venant de la production, ou de l’utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC).

Ce concept a été développé par les chercheurs allemands Tilman Santarius, Jan C. T. Bieser et Vivian Frick, dans la revue Les Annales des télécommunications en mai 2022[1].

S'inscrivant dans des réflexions autour de l'écologie numérique, la suffisance numérique propose de réduire l'impact environnemental des TIC en s'appuyant sur quatre dimensions : la suffisance matérielle, la suffisance logicielle, la suffisance d'usage et la suffisance économique.

Suffisance matérielle[modifier | modifier le code]

La suffisance matérielle a pour objectif de faire baisser la production des appareils électroniques, d'allonger le cycle de vie, de simplifier au maximum la conception tout en assurant que la consommation énergétique soit la plus basse possible.

Baisse de production et allongement du cycle de vie[modifier | modifier le code]

La production d'un appareil moyen implique l'utilisation d'une cinquantaine d'éléments chimiques et de métaux rares dont leur extraction a des impacts néfastes socialement et écologiquement[2].

Le nombre d'appareils produits augmente considérablement d'années en années. En 2017, 18,4 milliards d'appareils connectés étaient en circulation et il est estimé à 29,3 milliards pour l'année 2023[3].

Des exemples réalisés dans la presse spécialisée illustrent le problème des cycles de vie court de TIC[4] : incapacité d'utiliser les appareils, car leurs spécifications techniques ne permettent plus de communiquer avec des équipements plus modernes, mises à jour logicielles incompatibles avec les composants des appareils, etc.

La suffisance matérielle préconise donc le développement de standards assurant un impact environnemental faible durant la production, comme avoir un certain pourcentage de matériaux recyclés dans les étapes de fabrication[1]. Elle préconise également le réemploi d'appareils anciens et d'encourager les politiques de récupération, reconditionnement et recyclage des terminaux. Enfin, pour pouvoir allonger le cycle de vie des appareils le plus longtemps possible, les chercheurs conseillent de définir un droit à la réparation.

Suffisance logicielle[modifier | modifier le code]

La suffisance logicielle a pour objectif le développement de logiciels nécessitant le moins de trafic de données, le moins d’électricité et le moins d’usage de composants durant leur cycle de vie.

En 2017, CISCO estime qu'au moins 1,5 zettabytes de données ont été transférées dans le monde, ce qui correspondrait à 1,5 milliard de disques durs d'1TB[5]. Selon la même étude, ce serait 4,8 zettabytes qui circuleraient en 2022. Cet accroissement du trafic est d'ailleurs une des raisons principales de l'accroissement de la demande énergétique des appareils connectés[6]. Cela contribue également aux développements des bloatwares qui sont aussi des logiciels gourmands en énergie.

Évolution du trafic de données dans le monde[7],[1]
1992 2002 2017 2022
100GB / jour 100GB / sec. 46 000GB / sec. 150 000GB / sec

Frugalité des logiciels[modifier | modifier le code]

La suffisance logicielle préconise donc une conception minimisant la demande en électricité et la demande en ressources de la machine pendant la phase d'utilisation du logiciel[1]. Des manifestes de conception comme le Karlskrona Manifesto proposent des guides pour atteindre ces objectifs[8]. Aussi, la suffisance logicielle invite à réduire le volume de données à collecter et à transmettre et de s'astreindre aux données strictement nécessaires au service proposé par le logiciel.

Enfin, en lien avec la suffisance matérielle, les logiciels doivent être conçus pour fonctionner sur des appareils plus anciens et ainsi limiter des phénomènes d'obsolescence programmée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (en) Tilman Santarius, Jan C. T. Bieser, Vivian Frick et Mattias Höjer, « Digital sufficiency: conceptual considerations for ICTs on a finite planet », Annals of Telecommunications, vol. 78, no 5,‎ , p. 277–295 (ISSN 1958-9395, PMID 37593439, PMCID PMC10427517, DOI 10.1007/s12243-022-00914-x, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Patrick A. Wäger, Roland Hischier et Rolf Widmer, « The Material Basis of ICT », ICT Innovations for Sustainability, Springer International Publishing, advances in Intelligent Systems and Computing,‎ , p. 209–221 (ISBN 978-3-319-09228-7, DOI 10.1007/978-3-319-09228-7_12, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) « Cisco Annual Internet Report - Cisco Annual Internet Report (2018–2023) White Paper », sur Cisco (consulté le )
  4. Nicolas Lellouche, « On a testé l’iPhone de 2007, mais en 2022 », sur Numerama, (consulté le )
  5. (en) « Cisco Visual Networking Index: Forecast and Trends, 2017–2022 », CISCO White Paper,‎ (lire en ligne [PDF])
  6. (en) Jens Malmodin et Dag Lundén, « The Energy and Carbon Footprint of the Global ICT and E&M Sectors 2010–2015 », Sustainability, vol. 10, no 9,‎ , p. 3027 (ISSN 2071-1050, DOI 10.3390/su10093027, lire en ligne, consulté le )
  7. Cisco, (2016) The Zettabyte Era: trends and analysis. Singapore, Amsterdam, San Jose
  8. (en-US) « Sustainability Design and Software: The Karlskrona Manifesto », sur ieeexplore.ieee.org (consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]