Neuromythe

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Un neuromythe est une croyance ou conception erronée au sujet du cerveau[1], et particulièrement à propos du cerveau humain[2]. L'existence des neuromythes découle de l'intérêt populaire important pour le cerveau[1],[3].

Création et diffusion[modifier | modifier le code]

Les neuromythes s'appuient presque toujours sur des résultats scientifiques avérés, mais mal compris, exagérés et/ou extrapolés[1]. Parfois, ils s'appuient sur une connaissance scientifique ancienne, qui a été depuis réfutée[2]. Ils sont principalement répandus dans le domaine de l'éducation et de la pédagogie, où leur diffusion est facilitée par les avantages commerciaux qu'ils procurent, ciblant les parents et les enseignants[4],[2]. Ils sont souvent amplifiés par les médias[1]. Les incertitudes propres au domaine de l'éducation favorisent cette diffusion[4]. Paradoxalement, les enseignants qui souhaitent le plus intégrer les neurosciences à leur discipline sont aussi parmi les plus vulnérables aux neuromythes[5]. La communauté scientifique peut avoir une part de responsabilité, à travers la diffusion médiatique de résultats trop préliminaires[2].

La lutte contre les neuromythes est complexifiée du fait que reconnaître leur existence peut devenir un prétexte pour s'en prendre à la discipline scientifique des neurosciences dans son ensemble[4].

Liste de neuromythes[modifier | modifier le code]

Mythe de l'utilisation incomplète du cerveau[modifier | modifier le code]

Illustration du mythe des « 10 % ».

L'un des neuromythes les plus répandus est celui qui voudrait que l'humain n'utilise qu'une partie de son cerveau (en général, 10 %)[3],[5]. Il trouve son origine dans les premières recherches en neurologie menées dans les années 1930[5].

Mythe selon lequel tout se jouerait avant 3 ans[modifier | modifier le code]

La croyance selon laquelle tout se joue avant 3 ans en matière de pédagogie est fausse[6]. En effet, si la plasticité neuronale est plus importante chez les jeunes enfants, l'apprentissage reste possible à tous les âge de la vie, il sera simplement plus long et plus difficile[7].

Mythe de l'orientation cerveau droit ou cerveau gauche[modifier | modifier le code]

La catégorisation des êtres humains selon qu'ils seraient orientés « cerveau droit » (créatifs) ou « cerveau gauche » (rationnels) ne repose sur rien[8]. Ce neuromythe découle de l'existence réelle d'une spécialisation des hémisphères cérébraux, mais cette spécialisation n'a aucun rapport avec la personnalité[8], ni avec une dominance d'un hémisphère cérébral sur l'autre[9].

Mythe des styles d'apprentissage[modifier | modifier le code]

L'existence de trois « styles d'apprentissage » divisant les personnes entre visuels, auditifs et kinétiques est aussi un neuromythe[7]. Il s'agit plutôt d'habitudes de travail, la majorité des êtres humains étant portés sur le visuel, avec une capacité d'apprentissage facilitée par la stimulation de plusieurs sens[7]. Aucune expérience d'adaptation de la pédagogie à des profils d'élèves décrits comme visuels, auditifs ou kinétiques n'a donné de résultats[10].

Une distinction erronée entre élèves visuels et élèves auditifs a souvent été faite parmi les enseignants du secondaire[11]. D'après une analyse de Luc Rousseau et Jeanne Brabant-Beaulieu, environ 90 % des enseignants franco-ontariens croient en ce neuromythe[10],[12].

Mythes relatifs à la « gym du cerveau »[modifier | modifier le code]

Les pratiques dites de « gym du cerveau » sont extrêmement populaires, suscitant des milliers de suivis et de téléchargements de ce type de programmes présentés comme de l'entraînement cérébral comparable à un entraînement physique[13]. Cependant, la plupart de leurs allégations ne sont pas soutenues par des preuves scientifiques, rien n'ayant démontré que l'entraînement dans ces jeux donnerait des compétences transférables à d'autres domaines[14].

Le programme « Brain Gym » prétend faciliter le transfert d'informations entre les deux hémisphères du cerveau, une allégation absolument non-prouvée[15]. Ce programme a été condamné par de nombreux neuroscientifiques à travers le monde, mais continue d'être diffusé en prétendant relever à tort des neurosciences[15].

Il en est de même pour les jeux vidéos dits de brain training, dont l'efficacité n'est pas démontrée[16].

Mythe de l'apprentissage en dormant[modifier | modifier le code]

Ce neuromythe est ancien, puisqu'on en retrouve trace à travers des expériences menées en Union soviétique[17]. Rien n'a démontré qu'il soit possible d'apprendre en dormant, les seules preuves d'informations retenues pendant le sommeil étant des sons simples ou des associations sémantiques[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d OCDE 2007, p. 134.
  2. a b c et d Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 28.
  3. a et b de La Fonchais 2021.
  4. a b et c OCDE 2007, p. 135.
  5. a b et c Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 29.
  6. Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 18.
  7. a b et c Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 31.
  8. a et b Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 30.
  9. « Neuromythe #5 : cerveau droit, cerveau gauche | Cortex Mag – Cerveau, cognition et neurosciences pour tous », sur www.cortex-mag.net (consulté le )
  10. a et b « Neuromythe #1 : les styles d’apprentissage | Cortex Mag – Cerveau, cognition et neurosciences pour tous », sur www.cortex-mag.net (consulté le ).
  11. Emilie Bernard, Les élèves sont auditifs ou visuels: un neuromythe chez les enseignants du secondaire II, (lire en ligne).
  12. Luc Rousseau et Jeanne Brabant-Beaulieu, « Le neuromythe des « styles d’apprentissage » VAK (visuel, auditif, kinesthésique) : une tentative de démystification auprès d’apprentis enseignants franco-ontariens », Neuroeducation, vol. 6, no 1,‎ , p. 65–91 (ISSN 1929-1833, DOI 10.24046/neuroed.20200601.37, lire en ligne, consulté le ).
  13. « Neuromythe #10 : oui, vous pouvez muscler votre cerveau ! | Cortex Mag – Cerveau, cognition et neurosciences pour tous », sur www.cortex-mag.net (consulté le ).
  14. (en) Adrian M. Owen, Adam Hampshire, Jessica A. Grahn et Robert Stenton, « Putting brain training to the test », Nature, vol. 465, no 7299,‎ , p. 775–778 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/nature09042, lire en ligne, consulté le ).
  15. a et b Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 32.
  16. Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 33.
  17. Guillou, Gil et Lacroix 2016, p. 34.
  18. « Neuromythe #6 : apprendre en dormant | Cortex Mag – Cerveau, cognition et neurosciences pour tous », sur www.cortex-mag.net (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

  • [de La Fonchais 2021] Benoit de La Fonchais, « En finir avec les neuromythes », Cortex Mag – Cerveau, cognition et neurosciences pour tous,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • [Guillou, Gil et Lacroix 2016] Nadia Guillou, Philippe Gil et Philippe Lacroix, Neurolearning: les neurosciences au service de la formation, Eyrolles, (ISBN 978-2-212-56469-3, lire en ligne)
  • [Montel 2018] Sébastien Montel, « Effet Mozart et autres neuromythes », Sciences humaines,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • [OCDE 2007] OCDE, Comprendre le cerveau : Naissance d'une science de l'apprentissage, OECD Publishing, (ISBN 978-92-64-02915-6, lire en ligne)