Aller au contenu

Mezouar (fonction)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 21 juin 2021 à 12:53 et modifiée en dernier par GrandEscogriffe (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Mezouar ou mezouâr est une forme arabisée du terme berbère « amzwar », ayant la racine « zwur » ou « zgur », qui signifie « précéder », c'est-à-dire « être le premier, le chef ». Le mezouar était un agent spécial préposé à la surveillance de la prostitution en Algérie et Tunisie[1]. Cette fonction fut instauré au XIIe siècle sous le règne des Almohades, inquiets de l'ordre moral, par Ibn Toumert[2].

Histoire

Apparition et rôle

Ce système d'organisation de la prostitution féminine est apparu Algérie au XVIe siècle, et un peu plus tôt (pendant le règne hafside) en Tunisie, mais en suppose que sa présence confirmée dans ce dernier remonte à l'arrivée des ottomans avec le rite hanafite, rite plus souple que l'orthodoxe malékite qui était prédomniant dans tout le Maghreb. C'est surtout à travers les témoignages des voyageurs européens dans l'Afrique du nord pendant le XVIIIe siècle que les historiens ont pu documenter l'évolution de cette fonction[3].

Une des meilleures descriptions du Mezouar est celle de E. Duschene dans son livre sur la prostitution en Algérie en 1853 selon laquelle :

"L'inscription qui constatait les noms et la nationalité des filles publiques était faite par le magistrat nommé Mezouar. C'était toujours un Maure qui occupait ce poste lucratif, mais des plus abhorrés, car ce maure faisait aussi l'office de bourreau et était alors chargé de faire pendre, étrangler ou noyer les criminels des deux sexes..."

Donc, non seulement le mezouar veille sur l'organisation et la protection des prostituées, mais aussi de leur punition en cas de non satisfaction en leur accordant le statut de zania (femme coupable d'adultère) qui selon la charia'a de l'Islam est un grand péché[4]. De plus, les mezouars se chargeaient aussi du recrutement de nouvelles prostituées, en cherchant surtout parmi les femmes qui ont des problèmes conjugaux et qui peut prouver qu'elle a commis un péché. Ceci présentait une source de corruption pour ces fonctionnaires. En effet, ces femmes qui ne voulait pas s'inscrire dans les registres du mezouar en tant que prostituée afin de protéger sa réputation, devait payer à ce dernier de grandes sommes en échange[3]. En Tunisie, son rôle s'étendait aux autres religions aussi. Les mezouars veillaient à ce que les femmes juives n'exercent pas la prostitution et que les prostituées musulmanes n'acceptent pas des clients chrétiens et juifs[1].

Avant 1830

Avant la conquête française de l'Algérie, à Alger, le mezouar était chargé de la surveillance de la prostitution, fonction qui lui octroyait le droit de percevoir de chaque femme, une taxe mensuelle de deux douros (7,44 francs). À noter que cette somme varie avec le degré de beauté des filles (de 11 francs pour les plus belles jusqu'à la moitié pour les autres). Le mezouar maintenait la paix et la tranquillité publique à Alger, avec l'aide d'une escouade de gardes à pied, qui ne recevaient d'instructions que de lui. Il accompagnait les patrouilles pendant la nuit, et rendait compte tous les matins au dey de ce qui s'était passé dans la ville. Il avait plein pouvoir sur les femmes de mauvaise vie, et louait ces femmes aux Turcs et aux Maures, qui venaient les choisir chez lui, et qui, après le temps convenu, étaient tenus de les lui ramener. Il accordait quelquefois à ces femmes la permission de sortir la journée, moyennant rétribution. C'était toujours un Maure qui occupait la fonction de mezouar[5].

Après 1830

L'administration française en Algérie exploite les services du mezouar, pour exercer une surveillance, appelée police de la prostitution (arrêtés des , et ), mais au mois de , pour améliorer les conditions de la prostitution, et éviter les abus du mezouar, l'administration française créé des dispensaires. Cet état se prolonge jusqu'au , et est remplacée par la surveillance du commissaire central de police. La taxe levée sur la prostitution est maintenue et fixée a 10 francs par mois, versée à la caisse municipale par l'économe du dispensaire[4], qui assure des examens cliniques de contrôles chaque semaine afin d'évite la dissémination des maladies sexuellement transmissibles. Chaque femme qui a développé une de ces maladies était obligée de rester hospitalisée dans le dispensaire jusqu'à la guérison complète[1].

En Tunisie, et à cause de la grande corruption des mezouars surtout dans le chantage des femmes vulnérables et le détournement des mineurs, le bey a supprimé le poste en 1836[3].

Notes et références

  1. a b et c (en) Ramy khouili, Daniel Levine-Spound, Article 230 : A history of criminalization of Homosexuality in Tunisia, Tunis, SIMPACT, , 106 p. (lire en ligne), p. 44-45
  2. Pierre-Robert Baduel et Barkahoum Ferahti, Chantiers et défis de la recherche sur le Maghreb contemporain, Paris, Karthala, , 608 p. (ISBN 978-2-8111-3107-4 et 2-8111-3107-8, lire en ligne), p. 243
  3. a b et c Dalenda Larguèche et Abdelhamid Larguèche, Marginales en terre d'Islam, Tunis, Cérès éditions, , 185 p. (ISBN 9973-700-99-6), p. 19-28
  4. a et b Bibliothèque nationale d'Autriche, Tableau de la situation des établissements Francais dans l'Algerie, precede de l'expose des metifs et du projet de loi portant demande de credits extraordinaires au titre de l'exercice 1838, Paris, Imprimerie Royale, , p. 317-318
  5. Louis Eugène Hatin, Histoire pittoresque de l'Algérie, Paris, Bureau central de la publication, , p. 91

Voir aussi