Génétique et réussite éducative

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Génétique et réussite éducative désigne un champ d'étude scientifique qui s'intéresse à l'impact des éléments génétiques sur les succès éducatifs d'un individu. Grâce à l'évolution constante des études d'association à l'échelle du génome, des variantes génétiques en lien avec l'éducation ont été mises en évidence, ce qui a permis d'élargir le champ des études sociologiques pour y inclure des facteurs génétiques. Un élément central de ce domaine est le score polygénique éducatif, un outil basé sur des données empiriques utilisé pour évaluer l'effet de différentes variantes génétiques sur le degré de réussite éducative d'une personne.

Les progrès de la génétique, en particulier des études d'association pangénomiques, ont grandement favorisé l'expansion de ce domaine. Ces progrès ont facilité l'identification de variantes génétiques spécifiques en corrélation avec les résultats éducatifs. Ces découvertes ont amélioré notre compréhension de la relation entre l'héritage génétique et le succès éducatif. Cette fusion de la génétique et de la sociologie a donc inauguré une phase révolutionnaire dans l'étude de l'éducation et de ses facteurs déterminants. Elle souligne la reconnaissance croissante que l'héritage génétique et les facteurs environnementaux jouent un rôle dans les variations individuelles de la réussite éducative. Le score polygénique d'éducation, quantifiant l'influence de ces variantes génétiques, sert de métrique précieuse car les variants de gènes individuels ont en eux-mêmes une valeur prédictive limitée, mais lorsqu'on considère les effets de tous les variants à travers le génome pour créer un score polygénique[1], il peut prédire une part significative de la variation dans les années d'éducation achevées. Cette capacité de prédiction est similaire à celle de facteurs démographiques tels que le revenu du foyer ou le niveau d'éducation de la mère. Dans le passé, l'impact de la génétique sur la réussite scolaire a été étudié à travers des recherches sur les jumeaux et les adoptions, mettant continuellement en évidence l'importance des gènes dans la réussite scolaire, en parallèle avec les facteurs environnementaux. Les études actuelles se focalisent sur l'évaluation des contributions respectives des gènes et des environnements, ainsi que sur la découverte des voies génétiques qui contribuent à la réussite éducative.

Transmission intergénérationnelle et mobilité sociale[modifier | modifier le code]

La passation intergénérationnelle de l'éducation agit comme un baromètre de la mobilité sociale dans le cadre sociologique. L'éducation des parents influence grandement le niveau d'éducation atteint par les enfants, avec une tendance plus marquée à s'inscrire et à obtenir un diplôme universitaire chez les enfants issus de familles où le niveau d'éducation des parents est élevé[2],[3],[4].

Bien que les facteurs sociaux et environnementaux soient primordiaux, l'impact héréditaire génétique sur l'acquisition d'une éducation est également prédominant. Les études traditionnelles rencontraient des difficultés pour distinguer les influences génétiques de celles environnementales. Néanmoins, l'apparition du score polygénique éducatif a permis une compréhension plus subtile des contributions distinctes des facteurs génétiques et sociaux, principalement en recueillant des informations génétiques sur les parents et l'enfant.

Les scores polygéniques se sont révélés être un prédicteur significatif des résultats éducatifs au sein de couples. De plus, ces scores polygéniques ont montré une corrélation importante entre conjoints[5].

Kathryn Paige Harden, professeure de psychologie à l'Université du Texas à Austin, a suggéré que les études d'association à l'échelle du génome peuvent établir des liens entre les variantes génétiques et les années de scolarité, ce qui a conduit à la création d'un score polygénique pour prédire l'acquisition d'une éducation. Elle affirme que ces prédicteurs pourraient éventuellement être utilisés pour améliorer l'éducation[6]. Plaidant pour l'intégration de la génétique dans la recherche et l'élaboration des politiques, Harden réfute l'idée que l'on connaisse universellement des interventions éducatives efficaces. Elle insiste sur la nécessité de prendre en compte les facteurs génétiques pour élaborer des solutions personnalisées pour la réussite éducative, et sur la nécessité d'une reconnaissance équilibrée des influences génétiques et environnementales[7].

Exploration scientifique[modifier | modifier le code]

Des études récentes en association pangénomique ont révélé un grand nombre de polymorphismes à nucléotide unique (SNP) liés de manière significative à la réalisation scolaire. Ces découvertes ont été intégrées dans la recherche sociologique, éclairant ainsi la portée de l'influence génétique sur les résultats éducatifs[8].

Le Consortium pour l'Association Génétique en Sciences Sociales a identifié des indicateurs fiables des influences héréditaires sur la réussite éducative, dévoilant une multitude de variations génétiques associées au nombre d'années de scolarité. Ils ont constaté que les individus présentant plus de variants génétiques associés à l'éducation ont tendance à effectuer plus d'années d'études, une corrélation observée même entre frères et sœurs d'une même famille[9],[10]. Les facteurs génétiques liés au niveau d'éducation ont été découverts pour avoir une portée dépassant l'éducation[11], influençant le succès socioéconomique et la mobilité sociale[12]. Les enfants avec des scores polygéniques plus élevés ont généralement plus de chances d'atteindre un plus grand succès socioéconomique, indépendamment de leurs origines[13]. Les traits psychologiques qui jouent un rôle médiateur dans les associations génétiques avec les résultats de vie sont l'intelligence, le self-control, et les compétences interpersonnelles, comme l'amabilité ; ces associations entre les séquences d'ADN et les résultats de vie tendent à apparaître tôt dans la vie et à persister à l'âge adulte[12].

L'éducation parentale, le revenu et les comportements parentaux ont été identifiés comme des voies socio-environnementales essentielles qui jouent un rôle médiateur dans l'effet des scores polygéniques d'éducation des parents sur la réussite scolaire des enfants[14],[15]. Les enfants avec des scores polygéniques plus élevés proviennent souvent de ménages à plus haut position sociale et économique, et ces scores ont été trouvés pour prédire la probabilité de mobilité ascendante pour les enfants issus de milieux socioéconomiques plus faibles. C'est-à-dire, le contexte socioéconomique détermine le point de départ, mais les scores polygéniques d'éducation déterminent l'ampleur du mouvement à partir de ce point de départ[16].

Dans certains cas, comprendre le risque génétique peut permettre aux parents de prendre des décisions plus éclairées concernant l'environnement de leurs enfants. Par exemple, si le dépistage génétique peut prédire avec précision la dyslexie, les parents pourraient potentiellement inscrire leurs enfants à des programmes de lecture supplémentaires même avant qu'un diagnostic officiel soit posé[17]. Les scores polygéniques pour la réussite scolaire ont également été proposés comme un dépistage rentable pour les déficiences intellectuelles ou d'apprentissage, permettant une détection et une intervention beaucoup plus précoces puisque l'ADN reste constant dès la naissance[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Shing Wan Choi, Timothy Shin Heng Mak et Paul F. O’Reilly, « Tutorial: a guide to performing polygenic risk score analyses », Nature protocols, vol. 15, no 9,‎ , p. 2759–2772 (ISSN 1754-2189, PMID 32709988, PMCID 7612115, DOI 10.1038/s41596-020-0353-1, lire en ligne)
  2. Shervin Assari, Shanika Boyce, Mohsen Bazargan, Alvin Thomas, Ryon J. Cobb, Darrell Hudson, Tommy J. Curry, Harvey L. Nicholson, Adolfo G. Cuevas, Ritesh Mistry, Tabbye M. Chavous, Cleopatra H. Caldwell et Marc A. Zimmerman, « Parental Educational Attainment, the Superior Temporal Cortical Surface Area, and Reading Ability among American Children: A Test of Marginalization-Related Diminished Returns », Children, vol. 8, no 5,‎ , p. 412 (ISSN 2227-9067, PMID 34070118, PMCID 8158386, DOI 10.3390/children8050412, lire en ligne)
  3. Christopher R Dennison et Kristen Schultz Lee, « Adult Children’s Educational Attainment and Parent Health in Mid- and Later-Life », The Journals of Gerontology Series B: Psychological Sciences and Social Sciences, vol. 76, no 9,‎ , p. 1857–1869 (ISSN 1079-5014, PMID 34139008, PMCID 8557833, DOI 10.1093/geronb/gbab109, lire en ligne)
  4. Ann L. Mullen, Kimberly A. Goyette et Joseph A. Soares, « Who Goes to Graduate School? Social and Academic Correlates of Educational Continuation after College », Sociology of Education, vol. 76, no 2,‎ , p. 143–169 (ISSN 0038-0407, DOI 10.2307/3090274, lire en ligne)
  5. (en) David Hugh-Jones, Karin J. H. Verweij, Beate St. Pourcain et Abdel Abdellaoui, « Assortative mating on educational attainment leads to genetic spousal resemblance for polygenic scores », Intelligence, vol. 59,‎ , p. 103–108 (ISSN 0160-2896, DOI 10.1016/j.intell.2016.08.005, lire en ligne)
  6. (en) « Kathryn Paige Harden on The Genetic Lottery: Why DNA Matters for Social Equality », sur press.princeton.edu (consulté le )
  7. (en-GB) Zoë Corbyn, « Kathryn Paige Harden: ‘Studies have found genetic variants that correlate with going further in school’ », The Observer,‎ (ISSN 0029-7712, lire en ligne, consulté le )
  8. (en-US) « Des variations génétiques liées au succès social et économique », sur Association for Psychological Science - APS (consulté le )
  9. Cornelius A. Rietveld, Sarah E. Medland, Jaime Derringer, Jian Yang, Tõnu Esko, Nicolas W. Martin, Harm-Jan Westra, Konstantin Shakhbazov, Abdel Abdellaoui, Arpana Agrawal, Eva Albrecht, Behrooz Z. Alizadeh, Najaf Amin, John Barnard et Sebastian E. Baumeister, « GWAS de 126,559 individus identifie des variants génétiques associés à la réussite éducative », Science, vol. 340, no 6139,‎ , p. 1467–1471 (ISSN 1095-9203, PMID 23722424, PMCID 3751588, DOI 10.1126/science.1235488, lire en ligne)
  10. (en-US) Carl Zimmer, « Les années d'éducation influencées par le patrimoine génétique, selon une vaste étude », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  11. Emily C. Merz, Jordan Strack, Hailee Hurtado, Uku Vainik, Michael Thomas, Alan Evans et Budhachandra Khundrakpam, « Educational attainment polygenic scores, socioeconomic factors, and cortical structure in children and adolescents », Human Brain Mapping, vol. 43, no 16,‎ , p. 4886–4900 (ISSN 1097-0193, PMID 35894163, PMCID 9582364, DOI 10.1002/hbm.26034, lire en ligne)
  12. a et b (en) Daniel W. Belsky, Terrie E. Moffitt, David L. Corcoran, Benjamin Domingue, HonaLee Harrington, Sean Hogan, Renate Houts, Sandhya Ramrakha, Karen Sugden, Benjamin S. Williams, Richie Poulton et Avshalom Caspi, « The Genetics of Success: How Single-Nucleotide Polymorphisms Associated With Educational Attainment Relate to Life-Course Development », Psychological Science, vol. 27, no 7,‎ , p. 957–972 (ISSN 0956-7976, PMID 27251486, PMCID 4946990, DOI 10.1177/0956797616643070, lire en ligne)
  13. Daniel W. Belsky, Benjamin W. Domingue, Robbee Wedow, Louise Arseneault, Jason D. Boardman, Avshalom Caspi, Dalton Conley, Jason M. Fletcher, Jeremy Freese, Pamela Herd, Terrie E. Moffitt, Richie Poulton, Kamil Sicinski, Jasmin Wertz et Kathleen Mullan Harris, « Genetic analysis of social-class mobility in five longitudinal studies », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 115, no 31,‎ , E7275–E7284 (ISSN 0027-8424, PMID 29987013, PMCID 6077729, DOI 10.1073/pnas.1801238115, lire en ligne)
  14. (en-US) Jessica Hamzelou, « Genetic test predicts your success in life, but not happiness », sur New Scientist (consulté le )
  15. (en-US) « Being rich and successful is in your DNA », sur Guardian Nigeria, (consulté le )
  16. (en) Daniel W. Belsky, Benjamin W. Domingue, Robbee Wedow, Louise Arseneault, Jason D. Boardman, Avshalom Caspi, Dalton Conley, Jason M. Fletcher, Jeremy Freese, Pamela Herd, Terrie E. Moffitt, Richie Poulton, Kamil Sicinski, Jasmin Wertz et Kathleen Mullan Harris, « Genetic analysis of social-class mobility in five longitudinal studies », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 115, no 31,‎ (ISSN 0027-8424, PMID 29987013, PMCID 6077729, DOI 10.1073/pnas.1801238115, lire en ligne)
  17. S. Robertson et J. Savulescu, « Is there a case in favour of predictive genetic testing in young children? », Bioethics, vol. 15, no 1,‎ , p. 26–49 (ISSN 0269-9702, PMID 11699548, DOI 10.1111/1467-8519.00210, lire en ligne)
  18. (en) J. Shero, W. van Dijk, A. Edwards, C. Schatschneider, E. J. Solari et S. A. Hart, « The practical utility of genetic screening in school settings », npj Science of Learning, vol. 6, no 1,‎ , p. 1–10 (ISSN 2056-7936, DOI 10.1038/s41539-021-00090-y, lire en ligne)