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Shou-sugi-ban (du japonais 焼杉板) désigne la technique qui consiste à protéger un bardage en bois en brûlant profondément la surface des planches qui le composent. Le résultat de ce procédé est appelé yakisugi (焼き杉, litt. cèdre brûlé ou grillé), et yakisugi-ita (planches de cèdre brûlé).

Origine[modifier | modifier le code]

Sous l'appellation shou-sugi-ban, cette méthode est originaire du Japon. On estime qu'elle s'est développée particulièrement à partir du XVIIIème siècle. A cette période, la paix règne sous le shogun des Tokugawa et le commerce intérieur se développe[1]. La mer intérieure de Seto et ses îles comme Naoshima, Seto et Setouchi deviennent rapidement un lieu de passage stratégique et prospère dans lequel se développent les constructions en shou-sugi-ban.

Les façades en yakisugi sont aujourd'hui encore très représentées dans ces îles. On en trouve également sur des maisons de thé et maisons traditionnelles (machiya) dans les vieux quartiers de Kyoto ou Nara.

Utilisation[modifier | modifier le code]

Au Japon[modifier | modifier le code]

Longtemps considéré comme un matériau surrané, le yakisugi jouit à nouveau aujourd'hui d'un regain d'intérêt[2]. L'architecte japonais Terunobu Fujimori est le principal utilise depuis plusieurs décennies la technique du shou-sugi-ban dans ses réalisations.

Utilisation du shou-sugi-ban pour la Coal House, par l'architecte Terunobu Fujimori

En France[modifier | modifier le code]

En Ile-de-France, région utilisant traditionnellement les enduits en plâtre, l'utilisation du bois brûlé produit des effets de rupture avec le contexte existant. L'agence d'architecture ECDM a utilisé le bois brûlé pour réaliser le logement du gardien, au sommet d'une école municipale entièrement blanche[3]. Dans des régions où les façades en bois sont répandues, comme la Bretagne ou la Savoie, les projets avec du shou-sugi-ban sont plus nombreux car s'intègrent mieux au bâti existant. Le bois n'est pas forcément brûlé en profondeur comme dans la méthode japonaise : il arrive qu'il soit seulement flambé en surface, afin de faire ressortir son veinage.


Production[modifier | modifier le code]

Méthode traditionnelle[modifier | modifier le code]

Le bois originellement utilisé est le sugi[4], communément appelé cèdre du Japon. Attention cependant : le nom scientifique de cette espèce endémique du Japon est cryptomeria japonica, il s'agit donc d'un cyprès.

Le bois utilisé doit être sec, débité en longues planches. Idéalement, le brûlage se fait du côté de la planche qui était tourné vers l'extérieur du tronc.

Le processus de production artisanal suit des étapes régulières[5] :

  • Trois planches sont liées entre elles par une corde ou un fil de fer, avec une cale dans chaque angle, formant ainsi une cheminée
  • La cheminée est posée sur un foyer, ou une boule de papier journal est allumée à sa base afin d'en enflammer l'intérieur
  • Une fumée blanche apparaît d'abord si le bois n'est pas totalement sec, il s'agit de l'eau qui s'évapore. Le brûlage commence réellement lorsqu'une fumée noire apparaît
  • La cheminée brûle plusieurs minutes d'un côté, puis est retournée afin que le brûlage soit homogène sur toute la hauteur des planches
  • Lorsque le temps est écoulé, les planches encore en feu sont détachées et plongées dans l'eau afin de stopper la combustion
  • Enfin, elles sont entreposées pour séchage avant d'être installées

Production industrielle[modifier | modifier le code]

La production de bois brûlé en France est assez restreinte et très disparate. De ce fait, des entreprises étrangères ayant une expérience plus longue de la production de bois brûlé répondent régulièrement aux appels d'offre.

On peut distinguer plusieurs types de production, allant de la plus artisanale à la plus industrialisée :

  • Les planches sont brûlées une à une à la torche à gaz
  • Les planches sont brûlées une à une ou à plusieurs dans un four ou sur un brasier
  • Les planches sont brûlées en série dans un four dont un opérateur maîtrise la température et le temps de brûlage
  • Les planches sont brûlées en série dans un four dont la température et le temps de brûlage sont automatisés

Do It Yourself[modifier | modifier le code]

Face à la simplicité du processus de production artisanal, de nombreux projets sont réalisés par des non-professionnels. Appréciant surtout la qualité esthétique du matériau, les réalisations sont autant des bardages extérieurs, que des habillages intérieurs ou du mobilier. Cependant il s'agit d'une utilisation qui dévie du rôle originel du bois brûlé, fait pour protéger les habitations dans les climats humides.

Cette stratégie Do It Yourself s'illustre régulièrement dans des projets, comme celui pour l'extension d'une maison dans le Morbihan réalisée par l'agence d'architecture NeM. Face à l'impossibilité de trouver une entreprise pour fournir le bois brûlé, l'équipe décide de le produire elle-même en testant plusieurs solutions de brûlage[6].

Spécificités techniques[modifier | modifier le code]

Composition[modifier | modifier le code]

Le brûlage confère au bois une structure hétérogène. 4 couches peuvent être distinguées (en allant de l'extérieur à l'intérieur de la façade) :

  • Charbon de bois, carbone
  • Goudron
  • Bois pyrolysé
  • Bois massif, non atteint par la chaleur.

Cette méthode se distingue d'autres traitements thermiques du bois par torréfaction ou rétification. En effet, ces méthodes dégradent la structure ligneuse du bois et le rendent impropre à l'utilisation comme bois de structure. Ce n'est pas le cas du bois brûlé, puisque seule la surface est concernée par la combustion. Le bois massif qui compose le reste de la planche conserve sa capacité structurelle.

Résistance au feu[modifier | modifier le code]

Le bois brûlé a une surface composée de charbon. Le carbone qui le compose a une conductivité thermique extrêmement faible de 0,055W/mK, et est donc beaucoup plus lente à prendre feu que du bois massif avec une conductivité thermique de 0,36W/mK[7].

Une étude de la Kansai Association for the Research in Traditionnal Housing, au Japon, a démontré qu'une maison de ville traditionnelle (machiya) bardée de bois brûlé mettait plus longtemps à s'embraser qu'une façade avec un bardage en bois massif non traitée.[8] La température de la façade en shou-sugi-ban augmente plus lentement que les autres, et se maintient à un degré moins élevé lorsqu'elle s'embrase.

Le bois brûlé se présente comme une option intéressante dans la lutte contre l'incendie dans les constructions bois. En théorie, s'il est correctement dimensionné, un bois brûlé pourrait donc être utilisé comme bois de charpente.

Résistance aux insectes xylophages[modifier | modifier le code]

La surface de carbone n'a pas d'intérêt nutritif pour les insectes xylophages. La couche de bois pyrolysé en dessous ne comporte quasiment plus de cellulose ni d'hémicellulose, et a donc également très peu d'intérêt nutritif.

Intérêt écologique[modifier | modifier le code]

Le bois brûlé connaît un regain d'intérêt dans les projets architecturaux visant à la haute qualité environnementale. De ce point de vue, la technique traditionnelle présente effectivement plusieurs avantages :

  • Aucune utilisation de produits chimiques de synthèse. Seules quelques huiles naturelles sont parfois utilisées (tung ou lin notamment)
  • Aucun matériel particulier pour être mise en œuvre
  • Pas d'utilisation de source d'énergie annexe, comme du gaz

Dans le cas d'une production industrielle ces avantages peuvent rapidement disparaître. En effet, de nombreuses entreprises proposent des finitions utilisant des produits de synthèse (colorants, vernis, lasure, peinture ou résine). Cette utilisation peut avoir une visée esthétique (donner une teinte que le bois ne possède pas naturellement, changer sa texture) ou pratique (prolonger la vie du bois), mais a un impact sur l’environnement. Elle obligera également l'utilisateur à entretenir régulièrement le bois, ce qui n'est pas nécessaire pour un bois brûlé non traité.

Intérêt esthétique[modifier | modifier le code]

Le bois brûlé originel est de couleur noir, charbonneux. Sa surface a une texture écailleuse plus ou moins épaisse et dense. Couleur et texture peuvent facilement être associées à d'autres matériaux, dans le but d'obtenir une réalisation plus contemporaine.

Plusieurs paramètres sont modifiables en fonction de l'apparence finale souhaitée :

  • Température et durée de brûlage
  • Méthode de brûlage
  • Essence de bois employée
  • Traitement de surface (brossage, huile, vernis, etc)


Vieillissement[modifier | modifier le code]

Une fois posé et soumis aux aléas climatiques, le bois brûlé change d'aspect. Ce processus est normal et doit être pris en compte lorsqu'on prévoit d'installer ce matériau. Le vieillissement est plus ou moins long et homogène : il dépend notamment de la méthode de brûlage, de la qualité et du type de pose, et de l'orientation de la façade.

On peut distinguer plusieurs étapes dans le vieillissement du matériau lorsqu'il n'est pas traité :

  • Patine de la couche de charbon, apparition de reflets bleutés/jaune/blanc
  • Délavage plus ou moins régulier de la couche de carbone friable
  • Apparition des cernes du bois et du bois non carbonisé

Lorsque le bois brûlé est traité, il faut prévoir de l'entretenir régulièrement comme on le ferait pour un bois classique.

Aspect culturel[modifier | modifier le code]

Wabi-sabi[modifier | modifier le code]

Historiquement, le yakisugi est lié à l'esthétique japonaise du Wabi-sabi. Leonard Koren, artiste et philosophe américain spécialisé dans l'art de vivre japonais, en propose cette définition :

"Wabi-sabi est la beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes. C'est la beauté des choses modestes et humbles. C'est la beauté des choses atypiques."[9]

"Les objets wabi-sabi sont des expressions du temps figées. Les matériaux qui les constituent sont clairement soumis aux effets du vieillissement ou de leur utilisation."[9]

Le bois brûlé est indissociable de l'esthétique du wabi-sabi : fruit de plusieurs processus de la nature (photosynthèse et feu), il n'a pas d'aspect géométrique et contrôlé. Il se patine au cours du temps, et ce changement d'aspect est perçu positivement par les personnes qui y sont confrontées. Être dans l'esprit wabi-sabi signifie accepter la surface imparfaite du matériau, la disparition progressive et irrégulière du carbone à sa surface, et l'idée qu'on ne peut pas prévoir à l'avance quel aspect aura le matériau dans un mois, un an ou un siècle.

Dans l'esthétique du wabi-sabi, industrialiser le bois brûlé pour en faire un matériau stable dans le temps n'a pas de sens : c'est justement le caractère unique et changeant du matériau qui est recherché.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Iwai, Yoshiya, 1945- et 岩井, 吉彌, (1945- ), Forestry and the forest industry in Japan, UBC Press,‎ (ISBN 0774808837, OCLC 70773495, lire en ligne)
  2. (de) Hannes RÖSSLER, « Angekohlte Fassaden / Herr Fujimori und das Feuer », TEC21 « Spiel mit dem Feuer », no 20,‎ , p. 28 à 32
  3. « Crèche et logement de fonction rue Pierre Budin – Paris XVIII », (consulté le )
  4. Iwai, Yoshiya, 1945- et 岩井, 吉彌, (1945- ), Forestry and the forest industry in Japan, UBC Press,‎ (ISBN 0774808837, OCLC 70773495, lire en ligne)
  5. (en) Jaime GILLIN, « Terunobu Fujimori », sur dwell.com, (consulté le )
  6. « Maison en bois brûlé », sur nemarchitectes.com, (consulté le )
  7. « Construction bois et sécurité incendie », Les essentiels du bois, CNDB, no 4,‎
  8. (en) « Fire safety studies in the restoration of a historic wooden townhouse in Kyoto - Fire safety experiments on japanese traditional wood-based constructions », IAFSS Symposium, International Association for Fire Safety Science,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. a et b Koren, Leonard, 1948-, Wabi-sabi for artists, designers, poets & philosophers (ISBN 9780981484600, OCLC 216939735, lire en ligne)